Le mystère de la Taxe Caïman

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Cette taxe, introduite en 2015, ne rapporterait qu’un centième des montants annoncés. Mais ses effets collatéraux justifient pleinement son existence, selon le ministre des Finances.

Quelqu’un a-t-il un jour sincèrement cru aux rendements annoncés pour la Taxe Caïman ? Cette taxe vise l’imposition en Belgique de fondations, trusts et autres holdings installés par des citoyens ou sociétés belges dans des paradis fiscaux. Elle devait rapporter 460 millions d’euros à partir de 2016, avait annoncé le ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA). Et il a ajouté 50 millions de plus pour 2018, après un renforcement du dispositif.

En réalité, cette fameuse Taxe Caïman n’aurait rapporté que 48 millions en 2016 et à peine 5 millions l’an dernier, selon des chiffres du SPF Finances, révélés par le député sp.a Peter Vanvelthoven. Interrogé par Het Laatste Nieuws, le ministre des Finances n’a pas démenti ces chiffres. Il les a cependant replacés dans le contexte de la lutte contre les paradis fiscaux. “Le but de la Taxe Caïman était de décourager les constructions offshore et cela a clairement réussi”, explique-t-il. En elle-même, la taxe n’a peut-être pas rapporté grand-chose mais elle a contribué à ce que de l’argent reste (ou revienne) en Belgique, ce qui a généré des recettes fiscales classiques (précompte mobilier, versements anticipés etc.).

Vérification: cela ne se traduit pas du tout au précompte mobilier (les recettes ont chuté de 4,5 milliards en 2015 à 4,2 en 2017, en dépit d’une hausse du taux) mais peut-être bien à travers l’impôt des sociétés, dont le rendement (versements anticipés et rôles additionnés) a bondi de 14,6 à 19,9 milliards sur la même période. Les recettes du précompte professionnel et de la TVA ont, elles, augmenté de 1,3 et 2,6 milliards sur ces trois années. Il est toutefois impossible de tirer un lien direct entre la taxe Caïman et ces différentes progressions des recettes.

Depuis l’instauration de la Taxe Caïman en 2015, la Cour des comptes doute systématiquement du rendement annoncé et regrette l’absence d’informations données à ce sujet par le gouvernement. Ses interrogations ont régulièrement été relayées par l’opposition, ce qui est de bonne guerre, mais aussi au sein de la majorité. Le président de la Commission des Finances Eric Van Rompuy (CD&V) a plusieurs fois bousculé le ministre des Finances à ce sujet, afin d’obtenir des chiffres officiels. En vain.

En novembre dernier, Olivier Chastel, le président du MR (le parti du Premier ministre et de la ministre du Budget) a également tenté sa chance. “Pourriez-vous indiquer le nombre de contribuables qui ont été touchés par cet impôt de transparence en 2015, 2016 et sur les premiers mois de 2017?, demandait-il au ministre des Finances. Avez-vous une ventilation par province? Pourriez-vous fournir une analyse du rendement budgétaire effectivement perçu grâce à cet impôt de transparence?” A ce jour, il n’a toujours pas reçu de réponse officielle, parce que, a fait savoir Johan Van Overtveldt, il est impossible de distinguer les différentes sources de recettes dans les statistiques du SPF Finances. Etonnante quand même cette technique qui consiste à inscrire un chiffre dans le budget pour ensuite dire qu’il n’y a pas moyen de le vérifier.

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