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L’argent est là, reste à le réveiller

Sommes-nous trop riches ? A entendre le gouverneur de la Banque nationale de Belgique (BNB) Luc Coene et à voir les 240 milliards de liquidités qu’affichent les bilans des entreprises, il est une certitude : nous ne manquons pas de moyens pour la relance.

Que faut-il alors pour donner le coup de fouet salutaire dont notre économie a besoin? Trois choses: un bon diagnostic de la crise, un sentiment et un outil. Le bon diagnostic n’a pas encore été fait: penser que seules les réformes structurelles réveilleront la croissance, comme l’Europe s’est entêtée à le faire ces dernières années, est une erreur. Le professeur à la London School of Economics Paul De Grauwe le rappelait ces derniers jours dans The Economist en comparant l’échec des politiques de restriction mises en oeuvre dans la zone euro et la réussite des politiques centrées sur la demande aux Etats-Unis.

Le sentiment, c’est la confiance. A entendre les patrons que nous avons interrogés, elle n’est pas encore rétablie. C’est la tâche principale, et la plus difficile, des gouvernements, fédéral et régionaux. Elle passe par deux nécessités, qui ne coûtent rien au budget de l’Etat mais qui sont indispensables au pays. Une pacification sociale d’abord, et une réforme de la culture administrative ensuite. Simplifier et faciliter les tâches de ceux qui entreprennent est une priorité à tous les niveaux de pouvoir.

Que faut-il alors pour donner le coup de fouet dont notre économie a besoin? Trois choses: un bon diagnostic de la crise, un sentiment et un outil.

Enfin l’outil, c’est un système bancaire en état de marche. C’est lui qui irrigue l’économie. Là, malgré le résultat rassurant des stress tests, réussis par toutes les banques belges en activité (même si pour cela Axa Banque a dû être recapitalisée in extremis), il reste du travail. Nos institutions financières n’ont pas encore regagné leur capacité d’avant crise. La source principale du problème, nous explique le gouverneur de la BNB dans son interview, est paradoxalement la très grande épargne des Belges, qui va se loger notamment dans un livret toujours défiscalisé. Luc Coene estime à raison que le gouvernement fédéral a raté une belle occasion de faire disparaître cet incitant fiscal inutile, voire néfaste, puisqu’il privilégie les placements à court terme. Cet argent ne trouve pas à s’employer. Les ménages font le gros dos, les entreprises hésitent encore à investir. De plus, dans un environnement déflationniste, les banques craignent une augmentation des mauvais payeurs. Du coup, elles n’ont d’autre choix que d’acheter des obligations d’Etat qui ne rapportent plus rien. Un banquier nous disait récemment : “D’un côté, il y a les dépôts, qui nous coûtent 1 % en frais de réseau et 0,5 % en rémunération, et de l’autre les obligations d’Etat, qui ne rapportent que 1 %. Les banques ne gagnent plus d’argent sur leur métier de banquier classique.” Ce faible niveau de rentabilité (3 à 4 % de retour sur fonds propres, alors que dans la première moitié des années 2000, elles affichaient des rentabilités à deux chiffres) éclaire la volonté des banques de revoir leur politique salariale : si elles ne peuvent accroître leur activité de crédit, si leurs marges sont sous pression, elles ne peuvent donc que jouer sur les coûts.

Cette faible rentabilité justifie aussi la sortie de Luc Coene. Le gouverneur estime qu’il y a dans le pays une grande banque de trop. Sur les quatre grandes banques, Belfius est en effet celle dont l’actionnaire ne fait pas mystère de vouloir la vendre. Quant à savoir si cette observation était opportune, c’est une autre histoire. Elle accentue en effet la pression sur la banque d’Etat, matraquée médiatiquement depuis six ans, et qui commençait méritoirement à restaurer ses profits.

Une politique de la demande, un climat de confiance, des banques en état de marche. Ce sont les trois présupposés de la reprise. L’argent est là. Il reste seulement à le réveiller.

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