La Société Générale est-elle vraiment en train de changer ?

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La Société Générale a annoncé qu’elle réaliserait 6 milliards d’euros de bénéfices en 2012 et se renforcerait dans la banque de détail. La banque dirigée par Frédéric Oudéa aurait, selon ses propres termes, “tiré les leçons de la crise”. Faut-il y croire ?

Plutôt que de ressasser le passé, la Société Générale préfère se tourner vers l’avenir. Alors que son ancien et plus célèbre trader, Jérôme Kerviel, est actuellement sur le banc des accusés pour répondre d’une gigantesque fraude de 5 milliards d’euros, la banque a présenté ce mardi devant les investisseurs son plan Ambition 2015. Elle prévoit notamment de faire passer de 3 milliards à 6 milliards d’euros ses bénéfices nets entre 2010 et 2012. Rien que ça !

Alors que le secteur continue d’affronter une crise de grande ampleur, la banque rouge et noir espère dans deux ans réaliser un bénéfice encore jamais atteint (le précédent record a été réalisé en 2006 avec 5,3 milliards d’euros). Mais pas seulement. Elle souhaite surtout changer son modèle économique, en renforçant son modèle de banque universelle. “Les dernières années ont été difficiles pour le groupe, ses actionnaires et ses employés, mais nous avons tiré les leçons de la crise”, a déclaré son nouveau patron, Frédéric Oudéa.

Renforcer le modèle de la banque universelle

La banque espère ainsi changer son image de mastodonte de la finance pour se recentrer sur la banque de détail. La première manifestation concrète de ce repositionnement a été l’acquisition, en décembre dernier, des 20 % que le groupe ne détenait pas encore dans sa filiale Crédit du Nord, pour 676 millions d’euros auprès de Dexia. Ce lundi, elle a annoncé être en discussions avec BPCE en vue de l’acquisition de la Société marseillaise de crédit pour 872 millions d’euros. Au total, la banque dirigée par Frédéric Oudéa a indiqué vouloir augmenter le nombre de clients particuliers de 10 millions à 12 millions en trois ans et gagner 1 % de part de marché sur la clientèle entreprise.

“La Société Générale a été toujours été une banque universelle, avance Benoît de Broissia, analyste chez KBL Richelieu Finances. Néanmoins, avec la crise elle repositionne clairement les activités de banque de détail au coeur de son dispositif avec un discours davantage focalisé sur l’importance des réseaux. Avec la crise, les banquiers dans leur ensemble se sont rendu compte de l’importance des activités de détail. Ces dernières présentent en effet une meilleure récurrence de résultats, permettent d’avoir des ressources de financement plus stables, et même d’apporter des clients à la BFI !”

De l’avis général, cependant, la banque n’en sortira pas métamorphosée comme elle le prétend. “Il ne s’agit certainement pas d’une révolution, tout au plus d’une évolution qui est dans l’ère du temps”, estime ainsi Benoît de Broissia. C’est, en effet, davantage le contexte et les nouvelles contraintes réglementaires qui obligent les banques à repenser leur modèle ou encore à faire baisser la rentabilité de leur capital.

A la Société Générale par exemple, il n’est pas question de tirer un trait sur les activités de marché, certes plus risquées mais aussi souvent beaucoup plus rentables. La banque veut entre autres rester le leader mondial des dérivés actions. Peu importe que ces activités aient une image déplorable auprès de l’opinion publique ou des pouvoirs en place… La banque espère même obtenir dans les prochaines années “une position dans le Top 5 européen” de la BFI ; pour 2012, elle estime que la plupart de ses profits seront issus de cette activité (2,3 milliards à 2,8 milliards).

6 milliards de bénéfices : le scénario le plus optimiste

La banque aura-t-elle les moyens de ses ambitions financières ? Difficile à dire. L’établissement aurait encore 35 milliards d’euros d’actifs toxiques dans son bilan. Cette année, leur impact sur le résultat devrait représenter entre 700 millions et 1 milliard d’euros. Mais justement, pour atteindre 6 milliards de bénéfices en 2012, la banque compte bien sur la fin de ces dépréciations, qui l’ont beaucoup pénalisée pendant la crise. Elle a également décidé de mettre en place une importante politique de contrôle de coûts, qui pourrait accroître ses bénéfices.

Dans tous les cas, “pour atteindre 6 milliards d’euros de bénéfices, la Société Générale table sur un coût du risque faible qui surestime peut-être la capacité bénéficiaire de la banque sur l’ensemble du cycle économique”, estime Benoît de Broissia. En clair, pour évaluer cette somme, les économistes de la Société Générale sont partis de l’hypothèse que la crise serait finie en 2012. Une hypothèse très optimiste. Récemment, la BCE estimait que les banques devraient déprécier 195 milliards supplémentaires d’ici à 2011 pour compenser le risque de défaut des particuliers et entreprises en Europe…

Les investisseurs y ont cru en tout cas, du moins en partie, puisque le titre a clôturé la journée à la Bourse de Paris en hausse de 3,87 % dans un marché en hausse de seulement 0,98 %.

Julie de la Brosse, L’Expansion.com

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