La Fed mise au défi de réduire les inégalités

Jerome Powell © belgaimage

La Banque centrale américaine (Fed) peut-elle agir contre les inégalités raciales aux Etats-Unis? L’idée gagne du terrain depuis les manifestations Black Lives Matter de juin. Des parlementaires démocrates ont même déposé récemment une proposition de loi en ce sens.

“Il y a une tradition, la Fed s’intéresse à ce qui se passe en termes d’inégalités”, a expliqué à l’AFP Lydia Boussour, d’Oxford Economics, relevant l’impact “indirect de la politique monétaire sur les inégalités”. A titre d’exemple, la baisse des taux d’intérêt rend le crédit moins cher, ce qui “stimule l’investissement” et donc l’embauche, ajoute-t-elle.

Mais des élues du Congrès exhortent la Réserve fédérale américaine à aller plus loin.

Dans le projet de loi déposé début août, elles proposent d’ajouter la réduction des inégalités raciales à ses deux missions actuelles, que sont la stabilité des prix et le plein emploi.

La Fed “peut utiliser ses pouvoirs existants”, a résumé la sénatrice démocrate Elizabeth Warren. “Notre projet de loi (l’)exigera”, a-t-elle ajouté dans un communiqué.

Au programme pour la Fed, réduire les inégalités en termes d’emplois, de salaires et l’accès à un crédit abordable.

Des problèmes sur lesquels les manifestations “Black Lives Matter” (“Les vies noires comptent”) du mois de juin, après la mort de George Floyd, un Afro-américain tué par un policier blanc, ont jeté une lumière crue.

– “Partager le gâteau” –

“La crise du Covid-19 et ses impacts économiques touchent de manière disproportionnée les communautés de couleur, (…) la Réserve fédérale doit faire tout ce qu’elle peut pour s’assurer que la reprise (économique) sera équitablement partagée”, estime Maxine Waters, une autre élue à l’origine du texte.

Les Afro-américains ont été les plus touchés non seulement par le virus, mais encore par le chômage.

Premiers à avoir été licenciés, ils pourraient aussi être les derniers à retrouver un emploi.

“En gros, la Banque centrale pourrait être chargée de partager le gâteau et de s’assurer que chacun soit traité de manière égalitaire”, a résumé William Rodgers, professeur à la Rutgers University, ancien chef économiste au département du Travail et membre de l’équipe de Barack Obama, dans une tribune publiée sur le site The Conversation.

Cette loi “transférerait une partie de la responsabilité” du Congrès vers la Fed, écrit-il. “Les politiciens du pays ayant à ce jour échoué (…), ça ne peut pas être une mauvaise chose”, selon lui.

– “Pas vraiment d’outils” –

Avant même la présentation de cette proposition de loi, le président de la Fed, Jerome Powell, évoquait le sujet des inégalités raciales à l’issue de la réunion monétaire le 29 juillet.

“Chaque économie est confrontée à des problèmes persistants. Et l’un des nôtres est la différence du taux de chômage des Noirs et des Blancs (…) en général deux fois plus élevé pour les Noirs”, avait-il relevé.

L’institution regarde avec beaucoup d’attention les “niveaux de chômage” par catégories de population, avait-il souligné.

Mais il avait aussi reconnu que la puissante institution financière ne disposait pas d’outils pour réduire les disparités de revenus.

Et de renvoyer vers les politiques budgétaires qui peuvent davantage agir en matière de soins de santé et d’éducation par exemple.

La Fed a un “rôle important” à jouer, estime pourtant Raphael Bostic, président de la Fed d’Atlanta, seul responsable Afro-Américain de l’institution.

Comment? En aidant l’économie à retrouver sa bonne santé ou la conserver, et en soutenant l’emploi maximal pour que cela profite à tous.

Car “en limitant les opportunités en termes d’économie et d’éducation pour beaucoup d’Américains, le racisme institutionnalisé restreint le potentiel économique du pays”, avait-il relevé en juin dans une tribune.

La proposition de loi a toutefois peu de chances d’être adoptée.

Le taux de chômage des travailleurs noirs a stagné (14,6%) en juillet, quand il a reculé pour les travailleurs blancs (9,2%), asiatiques (12%) et hispaniques (12,9%), selon les données officielles.

Après la récession de 2009, il avait fallu près de dix ans pour que la reprise économique profite aux minorités, a rappelé Jerome Powell.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content