Impôt des sociétés: l’OCDE accouche d’un impôt mondial

Avocat et professeur de droit fiscal à l'ULB Thierry Afschrift qui estime que "l'accord profitera surtout aux grands pays comme les Etats-Unis, la France ou l'Allemagne". © GettyImages
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Un accord international sur la taxation des multinationales et des géants du Net voit le jour sous l’impulsion du club des pays riches.

Moins d’un mois après le G7 de Venise, et après de longues années de négociations, 130 pays faisant partie de l’OCDE (le club des pays riches) se sont mis d’accord pour mettre en place un impôt minimum de 15 % sur les bénéfices des multinationales et des géants du numérique Google, Amazon, Facebook et Apple (Gafa). Un impôt qui devrait rapporter environ 150 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires par an, selon l’OCDE.

“Les sociétés multinationales ne pourront plus opposer les pays les uns aux autres dans le but de faire baisser les taux d’imposition et de protéger leurs bénéfices au détriment des recettes publiques”, s’est félicité Joe Biden. Même son de cloche à Berlin où le ministre allemand des Finances Olaf Scholz a évoqué un “pas colossal vers une plus grande justice fiscale” tandis que son homologue français Bruno Le Maire a salué “l’accord fiscal international le plus important conclu depuis un siècle”, malgré la résistance de neuf pays s’opposant à la réforme, notamment l’Irlande dont le taux de l’impôt des sociétés est de 12,5 %.

Avec une entrée en vigueur prévue pour 2023, l’accord sonne-t-il le glas de la concurrence fiscale ? Selon le secrétaire général de l’OCDE Mathias Cormann, “ce paquet de mesures n’a pas vocation” à le faire. Un avis que ne partage pas l’avocat et professeur de droit fiscal à l’ULB Thierry Afschrift qui estime que “beaucoup de choses ne sont pas claires” et que “l’accord profitera surtout aux grands pays comme les Etats-Unis, la France ou l’Allemagne”. C’est par contre une mauvaise nouvelle pour les petits pays comme la Belgique, dit-il. A son sens, ils pourront moins faire usage d’avantages fiscaux pour essayer de rester attractifs aux yeux des investisseurs étrangers, “même si le régime fiscal belge des holdings sera sûrement maintenu”. Une exemption qui devrait être accordée à Bruxelles à l’image du cadeau fait à Londres pour les banques installées dans la City, lesquelles continueront à payer leurs impôts en Grande-Bretagne, sans être obligées de payer plus d’impôts dans les pays où elles font leurs profits.

Consommateur taxé

L’accord est pourtant censé viser les groupes internationaux dont le chiffre d’affaires dépasse 20 milliards d’euros avec une rentabilité supérieure à 10 % (rapport entre les bénéfices et le chiffre d’affaires). Une partie de leur profit serait taxée, non plus où ils ont leurs quartiers généraux, mais dans les pays où ils exercent une activité sans y être forcément présents physiquement (commerce en ligne, par exemple). “Avec comme risque de taxer ce qui a déjà été imposé ailleurs et surtout de voir petit à petit toutes les sociétés, y compris celles qui bénéficient d’un régime de taxation favorable, être soumises à ce taux minimum de 15 %”, souligne Thierry Afschrift, pointant également un autre grand danger : celui de la translation de l’impôt. “Si Apple et Samsung doivent payer des milliards d’impôts en plus, il est fort probable que la charge sera reportée sur le consommateur qui paiera son smartphone plus cher. A partir du moment où elles sont toutes dans la même situation, ces entreprises pourront en effet tranquillement augmenter leurs prix”, conclut le fiscaliste.

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