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Et si, en voulant interdire le versement des dividendes, les Etats ne se tiraient pas une balle dans le pied?

Le gouvernement de Sophie Wilmes est en train de découvrir que, parfois, le mieux est l’ennemi du bien. A sa décharge, il n’y a pas qu’en Belgique que les ministres découvrent, ou redécouvrent, qu’une proposition, en apparence sympathique aux yeux et oreilles du public, est parfois dangereuse en pratique.

C’est par exemple le cas avec cette volonté d’annuler les dividendes, octroyés par les entreprises et les banques en particulie. L’idée derrière est très simple : nous traversons tous une crise immense, inédite et il faut se serrer les coudes. Autrement dit, il n’est pas question que les banques par exemple distribuent des dividendes à leurs actionnaires alors que la banque centrale européenne a mis en place un soutien massif de ces banques. Et de même, est-il normal que l’Etat aide des entreprises, les soutiennent alors que ces mêmes entreprises continuent de verser des dividendes à leurs actionnaires ? Evidemment, c’est invendable aux citoyens et les syndicats auraient rapidement dénoncé ce jeu de dupes. Cela, c’est pour l’idée, généreuse en soi, mais qu’en est-il dans la pratique ?

Comme toujours le réel est plus complexe… L’Etat belge vient de comprendre que cette annulation des dividendes va se traduire par un manque à gagner de 2,7 milliards d’euros… C’est énorme mais c’est logique, car ces dividendes qui sont versés aux actionnaires, subissent un précompte mobilier qui n’ira donc pas dans les caisses de l’Etat fédéral. C’est donc de l’argent en moins à distribuer à la population… L’Etat a déjà vécu cette mauvaise expérience, de façon miniature, l’an dernier : à l’époque le brasseur belge AB Inbev avait décidé de réduire de 50% le montant de son dividende (je rappelle qu’AB Inbev est la plus grosse société cotée en Bourse de Bruxelles) et cette amputation du dividende s’est immédiatement traduite par une perte de 350 millions d’euros pour l’Etat belge.

Si l’idée est belle, il faut se rappeler que l’Etat est lui-même aussi actionnaire. D’abord de BNP Paribas dont il détient 7,7% du capital (et là aussi, on parle d’un manque à gagner de 300 millions), la même chose pour Proximus et Bpost, dont l’Etat détient à chaque fois 50% du capital. Des dividendes annulés, c’est du beurre en moins dans les épinards de l’Etat fédéral… Reste encore à savoir ce que va faire la direction de Belfius qui se réunit ce jeudi pour décider. Je rappelle que l’Etat est actionnaire à 100% de Belfius et qu’on parle de montant de l’ordre de 100 millions.

Bref, une fois de plus, tout ceci montre qu’entre les belles idées et leur mise en oeuvre, il y a la réalité qui s’interpose. Cela dit, l’interdiction de distribuer des dividendes s’impose aussi auprès des entreprises de manière naturelle, car elles n’ont pas besoin qu’on leur dise qu’elles doivent garder cet argent pour des jours plus difficiles. Mais il faut aussi garder à l’esprit que l’actionnaire n’est pas l’image d’Epinal qu’on s’en fait, un homme riche et fumant le cigare. Non, l’actionnaire, c’est vous et moi, au travers de nos SICAV ou de notre assurance-vie ou de notre épargne-pension, qui je le rappelle sont autant d’instruments financiers qui vivent aussi des dividendes versés par les sociétés cotées. Autrement dit, l’actionnaire, c’est aussi le salarié et le consommateur. Les trois casquettes ne sont pas incompatibles, encore faut-il en être conscient !

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