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Au suivant !

Même si la Grèce et l’Irlande ont un poids très relatif dans l’Eurozone, les autres pays ne peuvent se permettre de laisser tomber le premier domino, aussi petit soit-il. Sinon, ce sont leurs banques nationales qui boiront la tasse.

867 milliards de dollars. C’était le montant de la dette irlandaise au 1er janvier 2010, épinglé par le New York Times. Les banques allemandes en détiennent plus de 184 milliards et les institutions financières britanniques, 188 milliards. De son côté, la Grèce doit plus de 10 milliards de dollars aux banques portugaises. Le Portugal comptabilise, quant à lui, une dette de 86 milliards de dollars, détenue par les banques espagnoles. Si l’Espagne venait à trembler, ce serait les banques françaises, allemandes et britanniques qui seraient fragilisées puisqu’elles détiennent respectivement 220, 238 et 114 milliards de dollars de cette dette. Plus impressionnant encore, la position des institutions financières françaises face à la dette italienne : au 1er janvier 2010, elles en détenaient plus de 511 milliards, soit près de 20 % du PIB français, selon le quotidien américain.

A la lumière de ces chiffres, on comprend mieux que même si la Grèce et l’Irlande ont un poids très relatif dans l’Eurozone, les autres pays ne peuvent se permettre de laisser tomber le premier domino, aussi petit soit-il. Sinon, ce sont leurs banques nationales qui boiront la tasse. Le soutien apporté à l’Irlande et précédemment à la Grèce vise donc également à protéger les institutions bancaires européennes. Et l’euro, in fine.

Il y a six mois, l’aide accordée à la Grèce avait calmé les marchés et les esprits critiques qui prédisaient un éclatement de la zone euro. Cette fois, l’encre n’est même pas encore sèche que les marchés et les observateurs se demandent quel pays sera le suivant sur la liste… Le ministre allemand des Finances veut encore y croire : “Si nous trouvons la bonne réponse au problème irlandais, les chances sont grandes qu’il n’y ait pas d’effets de contagion”, a déclaré Wolfgang Schäuble à la télévision allemande.

Cependant, des voix discordantes se font entendre. Ainsi des économistes portugais et espagnols, interrogés par Reuters, indiquaient que si l’Irlande acceptait le deal européen, le Portugal serait partant pour suivre son exemple. Et si le Portugal est le suivant sur la liste, c’est l’Espagne qui concentrera toute l’attention des marchés…

Ces interconnexions sont, en soi, un bon signe : le marché unique est une réalité au niveau financier, qui permet d’alimenter les échanges commerciaux et financer les dettes publiques au sein de la zone euro. Mais la crise révèle un double déséquilibre.

D’abord, le marché unique ne touche guère la politique fiscale et budgétaire des pays européens. Des voix – l’une des dernières en date est celle de Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI – plaident d’ailleurs déjà pour une plus grande cohérence budgétaire et fiscale.

Ensuite, les stratégies de croissance sont elles aussi très différentes, ce qui renforce encore l’hétérogénéité au sein de la zone euro, pointe Marie-Pierre Ripert chez Natixis. Ainsi, certains pays, comme l’Allemagne, ont misé sur les exportations, et comprimé leurs coûts afin d’améliorer leur compétitivité. Ces pays récoltent à présent les fruits de cette stratégie. D’autres, comme la Grèce, ont privilégié leur demande domestique en la finançant bien souvent à crédit. Ces pays ont connu des rythmes de croissance très élevés avant d’être fortement ralentis par la crise. “Les politiques d’austérité menées actuellement risquent de peser davantage sur les économies espagnole ou irlandaise, note Marie-Pierre Ripert. Cela rendra difficile l’atteinte des objectifs budgétaires affichés.”

Côté face, le plan de sauvetage de l’Irlande risque de ne pas annoncer la fin des mauvaises nouvelles dans la zone euro. Mais côté pile, l’Europe sera obligée de revoir et d’améliorer son modèle de fonctionnement.

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