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Y a-t-il un gagnant ?

Ce fut le paradoxe de ce début de semaine perturbé par la grève : le débat a porté davantage sur l’opportunité de l’action, plutôt que sur le fond des revendications.

Ce fut le paradoxe de ce début de semaine perturbé par la grève : le débat a porté davantage sur l’opportunité de l’action, plutôt que sur le fond des revendications.

Alors que chacun s’accorde à dire que des réformes sont indispensables pour notre pays à peine sorti de la plus longue crise institutionnelle de son histoire, le mot d’ordre de grève générale a été apprécié de diverses manières. A l’issue de ce lundi particulier, patrons et syndicats ont crié victoire, mais personne n’a toutefois véritablement gagné. Cette journée a-t-elle été utile ? Pour nombre de ministres du gouvernement fédéral, la réponse était négative a priori. C’est donc avec le temps qu’on jaugera le résultat.

Quelques éléments sautent toutefois aux yeux quant à l’impact du mouvement.

Sur le plan économique, la note collective s’avère salée même si la fourchette d’estimations est large. En se basant sur le produit intérieur brut (PIB), la facture de la journée se serait élevée à quelque 600 millions d’euros – selon les organisations patronales – si la grève avait été totale. Quant aux pertes individuelles, elles sont à intensité variable selon les secteurs d’activités, les statuts (indépendants, PME, grandes entreprises,…) et les zones géographiques.

Au niveau politique, cette action a mis en lumière quelques lézardes dans la cohésion gouvernementale, en particulier au sein du Parti socialiste du Premier ministre, soumis à des distorsions vis-à-vis de sa base électorale et syndicale.

Le patron de l’opposition flamande, Bart De Wever (N-VA), n’a pas manqué de s’engager dans la brèche pour stigmatiser “les syndicats rouges qui jugent nécessaire de provoquer de graves dégâts économiques.” Et d’ajouter que “c’est incompréhensible, puisque c’est leur ami qui siège au 16, rue de la Loi”. On notera au passage que, même si la Flandre est plus syndiquée que la Wallonie, la grève y a pourtant été moins suivie lundi dernier et elle vote en masse pour le parti le plus opposé… aux syndicats.

En termes de communication, le télescopage entre cette grève et le sommet européen sur l’emploi et l’austérité a constitué une opportunité pour les syndicats, mais a probablement écorné l’image d’un pays encouragé par le FMI à poursuivre dans la voie budgétaire entamée. Le message adressé à l’Europe – “Trop d’austérité tue la croissance économique” – fait cependant son chemin.

Cette action a aussi révélé des divergences grandissantes dans l’opinion publique. Ne nous leurrons pas : si on retire tous ceux qui ont été contraints de faire grève (services publics, administrations et entreprises fermés d’office ; absence de transports en commun ; piquets ou, pire, entrave à la circulation sur la voie publique ; etc…), on serait probablement surpris quant au nombre réel de grévistes volontaires. Il suffit de constater le peu de PME en grève lundi dernier, alors qu’elles représentent la majeure partie du tissu économique.

En outre, l’augmentation de questions relatives aux syndicats, y compris de la part de la population, est éloquente : agissent-ils de manière transparente, quelle est leur personnalité juridique, pourquoi assurent-ils l’indemnisation des chômeurs, etc. ? Le questionnement citoyen prend désormais une autre dimension. Du côté patronal, les réponses aux actions gagnent en fermeté. Le Voka n’a-t-il pas manifesté devant la FGTB ? Le tabou syndical est encore loin de sauter mais la pression s’exerce désormais également sur les états-majors et les leaders syndicaux ont parfois de la peine à convaincre voire à contrôler leurs propres rangs sur le terrain.

Une réforme est donc aussi probablement nécessaire au niveau syndical, à tout le moins sur les modes opératoires et sur les cibles et sans pour autant remettre en cause le droit de grève. Sans quoi, le dialogue social aura du plomb dans l’aile, lui qui a déjà pris un méchant coup ces derniers jours… A méditer d’ici la prochaine action prévue le 29 février, à un échelon européen cette fois.

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