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“Vous avez l’énergie”… et surtout la facture !

Qu’y a-t-il exactement dans le rapport de la Banque nationale au sujet de la rente nucléaire ? On le saura peut-être au moment où paraîtront ces lignes. Il y a en réalité deux sujets de discussion… et un fameux malentendu.

Qu’y a-t-il exactement dans le rapport de la Banque nationale au sujet de la rente nucléaire ? On le saura peut-être au moment où paraîtront ces lignes. Dans cette étude d’arbitrage – un exercice auquel le nouveau gouverneur Luc Coene veut mettre fin – la BNB accréditerait la thèse d’Electrabel, à savoir que la rente nucléaire serait sensiblement inférieure à un milliard d’euros par an, alors que la Creg, l’autorité de contrôle, évoque près du double. Il y a en réalité deux sujets de discussion… et un fameux malentendu.

Le premier sujet, c’est le bénéfice réellement engrangé par Electrabel. A défaut d’être clairement chiffré, le prix de revient de l’électricité peut être approché d’assez près. Il serait en moyenne de l’ordre de 25, au grand maximum 30 euros par mégawatt-heure (MW-h), étant entendu que les centrales nucléaires sont amorties. Quant au prix de vente, il se situe en moyenne à 55-60 euros pour le même MW-h, à en croire la Creg. En prenant très prudemment 30 euros d’un côté et 55 de l’autre, le bénéfice d’exploitation ressort donc à 25 euros par MW-h. Le bénéfice serait dès lors de 1,75 milliard d’euros sur la seule électricité produite en Belgique, soit quelque 70 millions de MW-h. On ne s’étonne pas qu’Eric De Keuleneer, professeur à Solvay, évoque un total de 2 à 2,5 milliards. Des chiffres toujours snobés par Electrabel, mais jamais vraiment démentis.

Le patron du géant allemand RWE vient d’ailleurs d’apporter une confirmation à ce raisonnement. A l’assemblée de mercredi dernier, il s’est plaint du manque à gagner occasionné par la mise à l’arrêt forcée, par le gouvernement, de deux réacteurs pendant trois mois. Combien ? “Dans le bas des centaines de millions”, a-t-il évoqué. Soit au moins 200 millions d’euros. Pour un trimestre et pour les 2.000 MW concernés. Une petite règle de trois mène à 2 milliards par an pour les quelque 5.000 MW d’Electrabel. Rappelons que l’entreprise affiche un bénéfice de 800 millions à peine et ne paye même pas d’impôts. Vive les arcanes des comptes consolidés d’un groupe international !

Le deuxième sujet, c’est la rente nucléaire. C’est la partie du bénéfice qui découle du fait que le producteur ne doit plus amortir ses centrales, tout en appliquant les prix qui prévalaient lorsque cette charge était de mise. Et alors qu’il était convenu, à l’époque, d’un ajustement en faveur du consommateur en cas de prolongation des centrales. Electrabel lui-même avance 650 millions par an et la Banque nationale serait proche de ce chiffre, tandis que la Creg grimpe à 2 milliards.

La BNB donnerait donc raison à Electrabel ? C’est aller un peu vite en besogne ! Car le producteur estime qu’il lui serait normal, sur cette base, de payer une “taxe nucléaire” de 250 millions par an, soit un montant en rapport avec l’impôt normalement dû sur un tel bénéfice. On nage ici dans un malentendu aussi profond que, sans doute, savamment entretenu. De fait, la rente nucléaire n’est de toute évidence pas un résultat d’exploitation, mais un trop-perçu. Et un trop-perçu, cela se rembourse ! Comme l’affirme fort justement la FGTB, avec laquelle on peut parfois être d’accord…

“Vous avez l’énergie”, clamait une fort sympathique campagne marketing d’Electrabel. Oui, mais vous avez aussi et surtout une facture excessive, qui prévaut depuis un bout de temps déjà et que personne ne nie ! Alors que certains se demandent avec angoisse ce qu’il adviendra demain de l’Etat belge, comment ne pas relever que, face aux appétits étrangers, il y a belle lurette qu’il ne se trouve plus grand-monde pour défendre la nation belge au niveau de son tissu économique et des intérêts de ses citoyens-consommateurs ?

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