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Vers une Europe allemande ou une Allemagne européenne?

C’est LA question qui se posait au lendemain des élections législatives allemandes, lundi dernier.

Jamais un scrutin n’aura d’ailleurs été autant surveillé dans le monde occidental. Comme si les Européens eux-mêmes acceptaient implicitement l’idée que l’Allemagne – et Angela Merkel en particulier – soit leur leader en ces temps de crise économique sans précédent.

Car il faut bien le reconnaître, dans la gestion de la crise européenne, c’est Angela Merkel qui donne le ton. On l’aime ou ne l’aime pas, on adhère ou non à sa politique d’austérité et de rigueur, toujours est-il que ce sont ses doctrines qui ont été largement suivies. Avec plus ou moins de satisfaction au bout du compte – de la part des Allemands en tout cas, des pays du Sud, un peu moins.

S’il est vrai que la politique menée par madame Merkel semble avoir plutôt réussi à l’Allemagne – qui reste, avec un taux de chômage de 6,8 % fin août et une croissance de 0,7 % enregistrée au second semestre, la locomotive de l’Europe – son bulletin européen est plus mitigé. Normal : l’attachement d’Angela Merkel à l’Europe est, et elle ne parvient pas vraiment à s’en cacher, lui aussi pour le moins mitigé. Et c’est là tout le paradoxe : l’Allemagne, avec des indicateurs économiques hors normes, est reconnue comme le pilier de l’Europe et profite dès lors d’un poids sans pareil sur la scène européenne ; mais cette même Allemagne freine des quatre fers lorsqu’il s’agit de débloquer des fonds pour les pays en difficulté, fait front avec le Royaume-Uni pour sabrer dans les budgets, se défend d’une politique monétaire “accommodante”, et accouche d’un parti anti-euro qui manque de peu l’entrée au gouvernement. Avec Angela, l’Europe aurait-elle à la fois un leader et un bourreau ?

Reste que pour entrer définitivement dans les livres d’histoire, elle devra peut-être choisir d’incarner l’une ou l’autre de ces personnalités. Et que même si la plupart des observateurs s’accordent pour dire que la victoire d’Angela Merkel est sa victoire à elle, bien avant celle de son parti, ses politiques – allemande et européenne – seront de toute façon influencées par ses partenaires de la majorité. Or, puisque les libéraux (FDP) n’ont pas obtenu suffisamment de voies pour être représentés au Bundestag, le scénario d’une coalition avec les sociaux-démocrates (SPD) semble se préciser. Un scénario qui inciterait la chancelière à prendre des positions plus pro-européennes, ou en tout cas plus clémentes vis-à-vis des pays du Sud ? Rien n’est moins sûr. Car une réélection, ça ressemble plutôt à un ticket de première classe pour continuer dans la même direction… Dans tous les défis auxquels elle devra faire face, autant dans son propre pays (lire aussi l’article “Les remèdes anti-âge du vieillard de l’Europe”) que dans l’Union, espérons toutefois qu’Angela Merkel se positionnera comme un leader plutôt qu’un bourreau. Et que l’Europe, même teintée d’une rigueur toute germaine, n’aura pas à regretter ce troisième mandat.

CAMILLE VAN VYVE, Rédactrice en chef adjointe

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