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Vers un capitalisme cognitif

Depuis l’explosion de la crise de 2008, des questions importantes sont posées sur les modes d’organisation du capitalisme. Contrairement à ce que certains idéologues postulaient, la crise n’a aucunement signifié la fin de l’économie marchande, mais plutôt une immersion profonde dans un capitalisme plus exigeant.

Depuis l’explosion de la crise de 2008, des questions importantes sont posées sur les modes d’organisation du capitalisme. Contrairement à ce que certains idéologues postulaient, la crise n’a aucunement signifié la fin de l’économie marchande, mais plutôt une immersion profonde dans un capitalisme plus exigeant.

Deux phénomènes se télescopent pour confirmer cette réalité. Il y a, bien sûr, la mondialisation et la mobilité croissante des capitaux, des travailleurs et de l’information. Les gisements de croissance se sont déplacés et nous ne devons attendre aucune rémission de nos concurrents américains et asiatiques. Mais il y a aussi – et c’est un phénomène fondamental – la dépendance croissante des Etats par rapport aux marchés financiers. Aujourd’hui, les Etats sont considérés comme des emprunteurs ordinaires et ils sont dominés par des marchés globalisés qui les dépassent. Ils ne constituent plus le rempart contre les mutations de l’économie, d’autant plus que leurs endettements sont devenus excessifs.

La mue du capitalisme européen

Cependant, si le capitalisme ne meurt pas, sa formulation européenne est en train de muter. Il s’agit d’un revirement du capitalisme des années 1970, souvent qualifié de modèle partenarial ou de capitalisme rhénan. Ce dernier tentait d’intégrer une perspective homogène de l’entreprise. Celle-ci superposait les intérêts des différents acteurs de la vie de l’entreprise, c’est-à-dire ses actionnaires, mais aussi les créanciers, les travailleurs, les pouvoirs publics, etc.

Son fondement différait donc de l’entreprise américaine et anglo-saxonne, pour laquelle les tiers à l’entreprise sont des externalités, dont le coût doit être mis en rapport avec la valeur ajoutée (travailleurs et créanciers) ou avec la contrainte (autorités publiques, environnement, etc.).

Dans le modèle rhénan, la concertation sociale est collective, tandis qu’elle est contractuelle et individualisée dans les pays anglo-saxons. Le modèle anglo-saxon est plus versatile et empirique, avec une moindre homogénéité sociale. Dans ce modèle, l’entreprise n’existe donc pas pour elle-même : elle n’est que par et pour ses actionnaires.

Vers un nouveau capitalisme

Il est possible que nos communautés évoluent vers une nouvelle modalité de capitalisme, situé entre les modèles rhénan et anglo-saxon. Certains le qualifient de capitalisme de coopération ou même de capitalisme cognitif. Dans ces modèles innovants, l’entreprise est intégrée dans la communauté ; elle est fondée sur l’échange des connaissances et sur la diffusion du savoir dans une logique de gains mutuels. Ici, la collaboration remplace la coopération, et l’échange permet la valorisation réciproque du savoir.

Ces nouvelles modalités de capitalisme se révèlent par un grand nombre d’indices : les entreprises de ce type sont moins pyramidales et s’articulent plutôt autour de l’interaction et la cascade de responsabilités. Les travailleurs sont organisés autour de projets et d’idées transversales, de manière extravertie plutôt qu’introvertie.

Dans ces entreprises, l’information est partagée et non retenue. Les monocultures sont remplacées par la versatilité des idées plutôt que par des légendes. Ce capitalisme de collaboration féconde des carrières plurielles, qui sont elles-mêmes alimentées tant par l’expérience des acteurs que par le positionnement hiérarchique. Le leadership devient dès lors plus fondé sur l’expertise que sur des reconnaissances contractuelles.

Ce nouveau capitalisme de réseau, plus altruiste, est à nos portes. Il est alimenté par la génération des jeunes récemment entrés sur le marché du travail. Mais, au-delà de l’adoption des modèles, un fait s’impose, au même rythme que la disparition des référentiels supérieurs : ce sera la confiance en l’individu et donc sa responsabilisation au titre d’acteur de l’économie de marché, qui prévaudra. C’est ce que nous qualifions de capitalisme éclairé ou coordonné.

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