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Une indexation n’est pas l’autre !

L’idée viendrait-elle à une personne perdant son emploi, et voyant dès lors diminuer son revenu, d’augmenter l’argent de poche de ses enfants ? Probablement pas. Il est surprenant que cette métaphore n’ait pas trouvé sa place dans le débat suscité par l’indexation des salaires.

L’idée viendrait-elle à une personne perdant son emploi, et voyant dès lors diminuer son revenu, d’augmenter l’argent de poche de ses enfants ? Probablement pas. Il est surprenant que cette métaphore n’ait pas trouvé sa place dans le débat suscité par l’indexation des salaires. Car pour simpliste qu’elle soit, elle aurait le mérite de faire comprendre que si l’indexation des salaires sur l’inflation est souhaitable en des circonstances “normales”, elle s’avère au contraire aberrante dans d’autres. Une indexation n’est en effet pas l’autre, parce qu’une inflation n’est pas l’autre.

Les économistes en distinguent pour l’essentiel de trois types. Il y a l’inflation monétaire. Quand une banque centrale imprime des billets en quantités dépassant largement le supplément de produits offerts sur le marché, les prix s’adaptent inévitablement à la hausse. Ce phénomène est aujourd’hui confiné à quelques pays sous-développés, dont les potentats prodigues n’ont souvent pas d’autre moyen de payer leurs soudards.

Les deux autres types d’inflation sont d’origine économique. L’inflation par la demande peut être schématisée en évoquant la soudaine prospérité dont bénéficierait une partie de la population. En forte hausse, sa demande de biens et services fait grimper les prix… au détriment du reste des citoyens. Lesquels seront protégés par l’indexation de leur salaire. C’est en quelque sorte une inflation de prospérité, qu’il est légitime de vouloir partager. Il en va tout autrement de l’inflation par les coûts, plus précisément quand la hausse des prix est due à l’envol du pétrole ou d’autres matières premières. Si la Belgique paie plus cher l’énergie ou le minerai venant de l’étranger, il n’y a clairement aucune prospérité supplémentaire à partager, bien au contraire : tel le travailleur perdant son emploi, le pays s’appauvrit. En de telles circonstances, aussi souhaitable qu’elle puisse paraître, une indexation des salaires est absurde. Il y a erreur sur la nature du phénomène, comme en témoignèrent les consternantes manifestations “pour le pouvoir d’achat” de l’été 2008. La justice sociale consiste cette fois à répartir équitablement la perte de pouvoir d’achat dont souffre le pays tout entier.

Il est surprenant que l’on ait à ce point oublié la leçon des années 1970, quand nos salaires explosaient suite au premier choc pétrolier et que le pays maintenait ses dépenses comme si de rien n’était… alors que ses voisins se serraient la ceinture. Un banquier belge se souvient d’une réunion internationale où fut évoquée la progression des salaires sur un an. “Le champion arrivait à 8 % avant que vienne mon tour. Je dus avouer que, barème et inflation confondus, j’arrivais à 22 %. On m’a regardé comme un Martien…” La suite est connue : la dévaluation de 1982, avec brutale perte de pouvoir d’achat, et une explosion de la dette publique dont on paie toujours la charge.

La Belgique n’en est pas là aujourd’hui. Une toute récente étude de la banque française Natixis, qui corrige le coût salarial par plusieurs paramètres généralement négligés, conclut même que notre pays se range, aux côtés de l’Allemagne, parmi les nations compétitives, comme l’Espagne et le Portugal d’ailleurs, mais contrairement à l’Italie et à la France. Il reste qu’on ne peut nier une réalité économique. Les timides murmures évoquant une exclusion de l’énergie dans le calcul de l’indexation – et pas des seuls carburants, comme c’est le cas via l’indice-santé – est une approche désagréable mais pertinente. A condition, une fois encore, de partager la peine équitablement.

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