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Un vent du Nord socialiste

D’abord on s’étonne. Et puis on sourit. De quoi ? De voir les médias flamands relayer des propos élogieux envers la Wallonie, et, plus fort encore, des propos à connotation socialiste (propos sur lesquels s’empressera évidemment de rebondir Paul Magnette, toujours à l’affût).

Petit retour en arrière. Le 4 avril dernier, nos confrères de Trends publient une interview de Georges Jacobs, ancien CEO et président d’UCB, intitulée : “Il y a pour mes petits-enfants plus d’espoir en Wallonie”. Le sujet est carrément annoncé en une, avec cette citation : “La Wallonie est guérie”. Surprenant. Pas tant du point de vue du contenu que de celui du choix éditorial, d’habitude moins tendre envers le Sud du pays. Certains lecteurs s’en sont d’ailleurs offusqués, nous diront nos collègues néerlandophones.

Deux semaines plus tard, les fleurs sont jetées par un Flamand cette fois, et pas n’importe lequel : Luc Van der Kelen, éditorialiste au Laatste Nieuws, parle même de “miracle wallon” lorsqu’il fait référence aux bienfaits du plan Marshall. Le journal De Standaard embraiera quelques jours plus tard, évoquant une Flandre rétrograde…

Et puis, vendredi dernier, c’est au tour de Marc Coucke, le charismatique patron d’Omega Pharma, que l’on connaît aussi pour sa forte implication dans le cyclisme, de ruer dans les brancards. Sur le plateau de Kanaal Z, après avoir affirmé que le gouvernement belge faisait globalement du bon boulot, il nuance : “Les politiques n’osent pas assez”. Et de s’en prendre notamment à John Crombez pour la fiscalité qui, selon lui, devrait être “plus juste”. C’est-à-dire : toucher les bénéfices partout où ils sont faits, donc y compris au niveau des plus-values sur actions et au niveau du capital en général. Ceci en contrepartie d’une baisse drastique des charges sur le travail, qui permettrait aux entreprises de gagner en compétitivité et aux travailleurs de voir leur pouvoir d’achat augmenter. Quant à l’impôt des sociétés, Marc Coucke est également très ferme : Omega Pharma paie en moyenne 25 % d’impôt, alors que ses concurrents qui sont pour la plupart des multinationales paient à peine 5 % et que le taux réel est censé être de 33,99 %. Pourquoi ne pas faire payer 28 % par tout le monde ? Mais cela, martèle Marc Coucke, personne n’ose le faire. Parce que les politiciens pour lesquels nous votons sont entourés de groupes de travail et de lobbys en tout genre (que nous n’élisons pas), qui les empêchent de prendre véritablement leurs responsabilités, c’est-à-dire de poser des choix qui profiteront à la génération suivante. Des choix en matière de fiscalité, mais pas seulement : augmentation de l’âge de la pension et réduction du coût de l’Etat fédéral, aussi et nécessairement.

Plutôt que de sourire bêtement, réfléchissons tout de même un brin. Qu’on reconnaisse à la Wallonie et à Jean-Claude Marcourt des efforts qui portent visiblement leurs fruits, c’est une bonne chose. Paradoxalement, le fait que cette reconnaissance vienne de la Flandre ravive même cette fierté que les Wallons avaient presque oubliée. Qu’un (riche) patron flamand s’affiche partisan d’une fiscalité qui fasse contribuer davantage les plus nantis, c’est peut-être simplement de la provocation, mais ça a tout de même un certain panache. Certaines des idées de Marc Coucke seront sans doute critiquées. Mais pas parce qu’elles proviennent du mauvais socialisme wallon. Allons donc !

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