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Un plan global à la sauce belge pour la Grèce ?

La zone euro est secouée depuis quelques semaines par les craintes des marchés financiers quant à la solvabilité de certains de ses Etats membres. Et de fait, les déficits publics se sont creusés et l’endettement public augmente. La Grèce focalise pour le moment l’attention, mais peu à peu se dessine déjà un classement des potentielles prochaines victimes : le Portugal, l’Espagne, l’Irlande, l’Italie…

La zone euro est secouée depuis quelques semaines par les craintes des marchés financiers quant à la solvabilité de certains de ses Etats membres. Et de fait, les déficits publics se sont creusés et l’endettement public augmente. La Grèce focalise pour le moment l’attention, mais peu à peu se dessine déjà un classement des potentielles prochaines victimes : le Portugal, l’Espagne, l’Irlande, l’Italie…

Je laisserai la discussion sur la véracité (douteuse à mon sens) de ce classement à d’autres ou à un prochain billet, pour m’intéresser à un autre aspect. En effet, étonnamment, la Belgique vient assez loin dans ce douteux classement. On connaît pourtant les handicaps de notre pays en la matière : une incapacité depuis les années 2000 à dégager des surplus budgétaires, même en période faste, et surtout un endettement colossal, de l’ordre de 100 % du PIB. Et pourtant, les marchés ne semblent pas, pour l’instant, douter de la santé financière de l’économie belge.

Certes, le déficit public restera inférieur à 6 % du PIB en 2009 et 2010, là où il dépasse allègrement les 10 % dans d’autres pays. La trajectoire de la dette semble également maîtrisable. Certes, notre compte courant positif et un haut taux d’épargne des ménages nous rendent moins tributaires du financement extérieur. Mais la Belgique jouit également d’une autre qualité : la crédibilité. En effet, les marchés semblent se rappeler qu’au prix de nombreux efforts, notre pays a réussi à corriger le tir en matière de finances publiques.

Rappel des faits

Au début des années 1980, l’économie belge est rongée par un déficit public abyssal, dépassant 15 % de son PIB. Une première vague de mesures, notamment sur les salaires, vont permettre de ramener à la fin de la décennie le déficit à quelque 8 % du PIB. Mais ce n’est pas suffisant, l’effet boule de neige continue de faire des ravages, et le taux d’endettement dépasse dangereusement 130 % du PIB. De surcroît, la crise du début des années 1990 met les finances publiques sous pression. Un nouveau train de mesures est indispensable : pouvoirs spéciaux, impôts de crise et plan global doivent sévir. Mais le résultat est là : l’effet boule de neige est stoppé, la Belgique se qualifie (sans mentir sur ses finances publiques !) pour l’euro, et l’équilibre budgétaire est enfin réalisé en 2000.

La Belgique serait-elle un exemple ?

La Grèce devrait-elle s’inspirer des mesures prises en Belgique pour à son tour assainir ses finances publiques ? Ce serait aller un peu vite en besogne. Oui, certaines mesures fiscales ont été expérimentées, et cette expérience peut être utile. Mais il ne faut pas se leurrer, si la Grèce veut redorer son blason, elle devra consentir des efforts bien plus importants. Elle ne bénéficiera en tout cas pas de trois avantages cruciaux dans la trajectoire belge :

1. Le temps. La Belgique a mis près de 20 ans pour assainir ses finances publiques. Il est plus que probable que les marchés financiers et les institutions européennes n’auront pas autant de patience dans le cas de la Grèce. Il faut donc faire vite et bien.

2. La dévaluation. La Belgique a entamé son plan de redressement en 1982 par une dévaluation du franc belge. Ceci a permis notamment de restaurer la compétitivité de l’économie. La Grèce, faisant partie de l’euro, n’aura pas cette possibilité. Sauf si évidemment, de gré ou de force, elle décidait de sortir de “l’emprise” de l’euro. Ce serait à mon sens un très mauvais calcul. Il y aurait certes l’avantage de la compétitivité, mais à quel prix ? La Grèce ne bénéficierait alors plus de la “protection” des autres Etats membres (affirmée avec un brin d’ambiguïté lors du dernier sommet européen). Or c’est son grand atout ! La Grèce pourrait par contre imposer une diminution des salaires, qui serait en quelque sorte une dévaluation virtuelle.

3. La baisse des taux. On loue souvent les effets macroéconomiques du plan global initié en 1993 en Belgique pour assainir les finances publiques. Il ne faut cependant pas oublier que durant les années 1990, les taux d’intérêt n’ont cessé de baisser, si bien que la charge d’intérêt sur la dette se relâchait à mesure que le taux d’intérêt implicite sur la dette belge diminuait. Ceci accentuait fortement l’assainissement provoqué par le plan global et a contribuéà faire refluer le taux d’endettement.

On peut tirer deux conclusions de ce rapide retour en arrière : pour la Grèce d’une part, l’effort demandé est d’une dimension bien plus importante que l’effort entrepris en son temps par la Belgique pour in fine se qualifier pour l’euro. Pour la Belgique d’autre part, les déboires de certains pays doivent être pris comme un sérieux avertissement. La crédibilité fondée sur les actions menées dans le passé nous a servis mais ne sera pas éternelle, particulièrement lorsqu’il faudra faire face au coût du vieillissement de la population. On se lasserait presque de le rappeler… Des réformes structurelles sont indispensables. Ce n’est pas une question de gauche ou de droite, qu’elle s’assume ou pas, c’est une réalité. Il en va de l’avenir de notre modèle économique et social.

Philippe Ledent, économiste ING Belgique et chargé de cours invité à l’UCL

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