Trends Tendances

Un jeu dangereux chez Carrefour

Si les syndicats résistent et que le groupe Mestdagh jette l’éponge, les licenciements pourraient monter jusqu’à 4.666

“Nous refusons de sauver de l’emploi au détriment d’autres et avec une dégradation des conditions de travail”, déclarait récemment Irène Pêtre, permanente du secteur commerce à la CNE, à nos confrères de L’Echo, en réaction aux nouvelles propositions de la direction de Carrefour.

Cette déclaration me choque. En effet, cela tend à démontrer que les syndicats, dans ce conflit, défendent les acquis sociaux avant l’emploi. Dans une période de crise – l’an passé en Belgique, il y a même eu une faillite par heure – l’emploi me semble pourtant LA priorité absolue. On peut comprendre que dans une négociation aussi difficile, chaque partie veuille arriver en position de force à la table des négociations. Mais se montrer intransigeant pourrait se révéler très coûteux. Or, les principaux syndicats francophones, emmenés par deux femmes à forte personnalité, donnent l’impression de camper sur leurs positions. Le prix exigé par la direction leur semble exorbitant, même si un compromis pourrait assurer le maintien de 650 emplois menacés. En outre, les dirigeants de Carrefour ont annoncé leurs exigences dès le début des négociations : les employés doivent relever d’une autre commission paritaire, plus avantageuse pour l’employeur, et une diminution des coûts de 10 % doit être réalisée.

Les rémunérations des salariés de Carrefour sont, en effet, plus avantageuses que celles en vigueur chez Colruyt, notamment. Selon certains calculs, le différentiel serait de l’ordre de 29 %. Carrefour est, avec Hema et Cora, une des dernières enseignes à faire partie de la commission paritaire 312, la plus coûteuse pour l’employeur. Les travailleurs préféreraient bien évidemment un nivellement vers le haut… Mais dans les conditions difficiles actuelles, ce scénario semble tout à fait utopique. Pourquoi les syndicats tiennent-ils à cette commission paritaire, envers et contre tout ? Un des éléments de réponse est la prochaine création d’un groupe de travail sur les structures des commissions dans le secteur du commerce. L’idée est bien sûr d’harmoniser les conditions afin que tout le monde se trouve sur un pied d’égalité. Le combat au niveau sectoriel serait perdu d’avance pour les syndicats si Carrefour n’appliquait plus cette convention. L’enjeu est donc de taille.

Mais en jouant les durs, les syndicats pratiquent un jeu dangereux. Avec des milliers d’emplois à la clé. En effet, le chiffre de 1.672 pertes d’emplois a été avancé. Il pourrait se limiter à 1.022 si, comme il en est question, neuf des 21 magasins Carrefour menacés de fermeture sont sauvés. Mais en fermant la porte à toute négociation sur les acquis, la note pourrait se révéler plus salée. En outre, le groupe Mestdagh communiquera ses intentions le lundi 12 avril mais on peut raisonnablement penser qu’il ne sera intéressé par la reprise de plusieurs magasins Carrefour qu’aux conditions appliquées au sein de ses enseignes Champion. Si les syndicats résistent et que le groupe Mestdagh jette le gant, les licenciements pourraient monter jusqu’à 4.666 emplois… La direction de Carrefour a également confirmé son intention de rester en Belgique, à condition de réduire les coûts. Si, au cours de cette première phase d’information et de consultations de la procédure Renault, aucune avancée n’est bouclée, Carrefour risque de revoir son engagement. Et de concrétiser une des craintes des syndicats et des travailleurs sur le terrain : quitter la Belgique…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content