Manque de formations en droit alimentaire

Zowel de fipronilcrisis als een nieuwe Europese verordening maken duidelijk dat ons voedingsrecht erg complex is geworden © BELGA/KRISTOF VAN ACCOM

Ces derniers mois, tant la crise du fipronil qu’un nouveau règlement européen en matière de contrôles et de sanctions ont clairement illustré à quel point notre droit alimentaire s’est complexifié. Cette complexité ne trouve malheureusement pas écho dans de formations multidisciplinaires solides et hautement qualitatives, pensent Aude Mahy et Yves Van Couter de l’équipe Food & Beverages de Loyens & Loeff.

Dire que la législation alimentaire s’est complexifiée, ces quinze dernières années, est un euphémisme… Au siècle passé et jusqu’en 2002, cette branche du droit était encore gérable par les responsables de la qualité qui conseillaient leur entreprise sur les règles à suivre en se fondant sur leur seul bagage scientifique. Le 28 février 2002 a marqué un tournant avec l’adoption de la première loi-cadre européenne en matière de droit alimentaire, à la suite de la crise de l’ESB (un épisode mieux connu sous le vocable de ” crise de la vache folle “). Depuis, le droit alimentaire n’a cessé d’évoluer, essentiellement à la suite de diverses crises. ” En 2013, le scandale de la viande de cheval, où du cheval était commercialisé comme étant de la viande de boeuf, a incité l’Union européenne à accélérer l’élaboration d’un système harmonisé de contrôles et de sanctions, ” souligne Aude Mahy.

Harmonisation des contrôles et des sanctions

L’Union européenne a pleinement joué la carte de l’harmonisation et de l’élargissement du pouvoir des organismes de contrôle. Les réformes envisagées par l’Union européenne ont trouvé leur concrétisation dans l’élaboration, plus tôt cette année, d’un règlement-cadre. Ce texte prévoit des règles de contrôle uniformes pour les denrées alimentaires qui peuvent avoir un impact sur la santé de l’homme et des animaux, et ce, selon le principe bien connu ” de la fourche à la fourchette”. Le règlement vise finalement à éviter que le système de contrôles et de sanctions reste lettre morte. C’est précisément cet aspect que la crise du fipronil a mis en exergue. Outre l’inquiétude quant à d’éventuels risques sanitaires, la crise a clairement mis en évidence le rôle central d’organe de contrôle que joue l’Agence fédérale de sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA) dans notre pays.

Aude Mahy, advocate en hoofd van het Belgische Food & Beverages Team bij Loyens & Loeff.
Aude Mahy, advocate en hoofd van het Belgische Food & Beverages Team bij Loyens & Loeff.

Meilleure protection

Pour évaluer précisément les conséquences du nouveau règlement, il importe d’en attendre la transposition en droit belge. Les États membres doivent, en effet, transposer ces mesures avant le 14 décembre 2019. Il est toutefois question, en l’occurrence, d’un règlement-cadre de 150 pages, comptant pas moins de 167 articles. Ils visent tous à peaufiner l’harmonisation des contrôles, mais vont souvent bien plus loin que les anciennes règles. Après l’entrée en vigueur, les autorités nationales seront ainsi tenues de diligenter une enquête au moindre soupçon de non-respect des prescriptions par une instance. La liste des infractions possibles est, en outre, élargie et l’autorité compétente devra neutraliser l’avantage économique de toute infraction grave.

Les services d’inspection peuvent, par exemple, se livrer au ” mystery shopping ” et passer des commandes anonymes afin de pouvoir contrôler les produits proposés en ligne.

En finir avec les ” pommes pourries “

Le règlement tient aussi compte de la nouvelle réalité digitale. Les services d’inspection peuvent, par exemple, se livrer au ” mystery shopping ” et passer des commandes anonymes afin de pouvoir contrôler les produits proposés en ligne. ” Il s’agit d’une des grandes avancées de ce nouveau règlement, ” insiste Aude Mahy. ” Les autorités auront plus de moyens pour collecter des informations, entre autres par le biais d’un régime de protection pour les lanceurs d’alerte “. Outre des contrôles plus uniformes, l’Europe prévoit aussi une politique adaptée et plus efficace sur le plan répressif. ” Un système informatique intégré permettra notamment l’échange rapide d’informations complètes entre les États membres, ” note Yves Van Couter. ” Tout cela ne vise qu’un objectif : mieux protéger le consommateur et proposer un cadre normatif clair et efficace au secteur agroalimentaire. Les acteurs du secteur sont, pour l’essentiel, demandeurs d’un système permettant de garantir la qualité et d’en exclure les “pommes pourries” “.

Yves Van Couter, advocaat en hoofd van het Benelux Food & Beverages Team bij Loyens & Loeff.
Yves Van Couter, advocaat en hoofd van het Benelux Food & Beverages Team bij Loyens & Loeff.

Manque de connaissance spécialisée

La sécurité alimentaire est devenue une priorité absolue et le risque de fraude a de plus en plus souvent une dimension et un impact à l’échelle internationale. Il suffit d’évoquer la récente crise du fipronil pour s’en convaincre. Le droit alimentaire est néanmoins beaucoup plus vaste. Pensons aux allégations nutritionnelles et de santé, aux informations trompeuses, à l’innovation et à la propriété intellectuelle, à l’import et à l’export… Il s’agit d’un vrai défi pour les organismes de contrôle, mais aussi pour les entreprises concernées qui entendent réagir rapidement sur différents plans. La vitesse de réaction des entreprises dépend toutefois de leur capacité à interpréter et appliquer correctement la réglementation existante. ” Encore trop peu d’entreprises ont les profils juridiques nécessaires pour ce faire, ” déplore Yves Van Couter. ” En ce domaine, nous nous trouvons à un moment-charnière. De par le manque de formations spécialisées, de nombreuses entreprises ne disposent pas des talents dont elles ont besoin. Elles comptent peut-être de bons scientifiques et des responsables de la qualité aguerris, voire un département juridique de haute qualité, mais il leur manque souvent un spécialiste en droit alimentaire “.

Une bonne diffusion et une interprétation univoque de l’information sont cruciales pour beaucoup d’entreprises.

Le droit alimentaire : une spécialisation

Un département juridique classique compte essentiellement des généralistes qui doivent pouvoir apporter une solution dans toutes les matières, qu’elles concernent le droit alimentaire ou pas. La spécialisation juridique fait cruellement défaut. ” Nous constatons, en effet, que les entreprises ont grandement besoin du mariage idéal de compétences : un juriste capable de parler et de comprendre la langue des responsables de la qualité, ” affirme Aude Mahy. ” Il manque une vraie formation en droit alimentaire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Loyens & Loeff a pris une initiative en ce sens avec ces Food Law Classes. Nous notons, d’une part, que de nombreuses entreprises inscrivent leurs équipes internationales complètes à nos Food Law Classes. Mais nous constatons aussi, d’autre part, que les institutions européennes cherchent une manière d’expliciter ces réformes. Une bonne diffusion et une interprétation univoque de l’information sont cruciales pour beaucoup d’entreprises. “

Clarifier la législation

Dans le contexte d’une nouvelle réglementation complexe, l’Europe exploite volontiers toute occasion de clarifier la législation. ” Nous avons ainsi rapidement trouvé un représentant de la Commission européenne prêt à expliciter, lors de la première session de nos Food Law Classes, la nouvelle réglementation européenne en matière de contrôles et de sanctions, dans la perspective du régulateur européen, ” se réjouit Aude Mahy. ” La nouvelle réglementation est complexe, mais a indubitablement pour but de clarifier et d’améliorer les règles de jeu dans le contexte européen, au bénéfice de tous les acteurs concernés : les autorités nationales, l’industrie et le consommateur. Il serait déplorable qu’une telle chance ne soit pas pleinement exploitée par manque de connaissance “.

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