” La bonne gouvernance est essentielle à la pérennité des entreprises familiales “

Certaines entreprises familiales sont devenues de véritables icônes : Cargill, Ford, IKEA, Solvay ou Walmart pour n’en citer que quelques-unes. Certes, l’innovation et l’internationalisation ont été des clés de leur succès. ” Mais pour assurer la pérennité des entreprises, la gouvernance et la planification à long terme jouent également un rôle primordial “, estime Morten Bennedsen, professeur à l’INSEAD et directeur académique du Wendel International Centre for Family Enterprise.

Bennedsen a déjà mené de nombreuses recherches sur les raisons pour lesquelles certaines entreprises familiales survivent alors que d’autres disparaissent. ” Toutes nos recherches ont démontré que des tergiversations autour de la planification à long terme ainsi que le report de décisions relatives notamment au suivi d’activité constituent les risques principaux pour les entreprises familiales. Nous constatons que de nombreux fondateurs sont de très bons entrepreneurs qui savent comment faire des affaires, mais sont moins bons dans l’anticipation à long terme de l’avenir de leur entreprise, le rôle de la famille, la transition, etc. “

Fusée à trois étages

Les entrepreneurs de la première génération sont souvent absorbés par l’opérationnel et les soucis au quotidien. ” En outre, il existe toujours de bonnes raisons pour ne pas penser à long terme. Il y a des barrières émotionnelles, pratiques ou psychologiques… qui poussent au report “, analyse encore le professeur de l’INSEAD. ” Alors qu’une telle attitude implique des risques majeurs. Si le dirigeant d’entreprise tombe malade ou décède sans qu’un plan de suivi ait été prévu, l’avenir de l’entreprise peut s’en trouver hypothéqué. “

Une telle vision et un tel plan ne peuvent être définis en un jour. Selon Morten Bennedsen, une planification à long terme s’apparente à une fusée à trois étages. ” Celle-ci impose un exercice de réflexion stratégique sur le long terme. Dans un premier temps, il convient d’identifier les défis de l’entreprise pour les vingt prochaines années et la manière dont la famille peut contribuer à l’entreprise. Ensuite, se pose la question de savoir comment le dirigeant envisage la propriété : poursuivre seul, assurer une transmission familiale, voire vendre à un tiers. Et dans un troisième temps, ces choix doivent être traduits en décisions pratiques susceptibles de préparer l’entreprise à mettre ces choix en application. “

Morten Bennedsen
Morten Bennedsen© INSEAD

Une entreprise familiale comme une fin en soi

Les entreprises familiales pérennes ont évidemment déjà posé ces choix. ” Une étude intéressante menée auprès d’entreprises familiales ayant plus de 200 ans d’histoire, les fameux Hénokiens, a montré que celles-ci avaient institutionnalisé la planification à long terme sous une forme ou une autre “, explique encore Bennedsen. ” Les actionnaires s’accordent sur le fait que l’objectif premier de l’entreprise est de continuer à exister en tant qu’entreprise familiale. Il s’agit là d’une décision importante qui induit forcément une planification au-delà des générations. “

Une fois que les actionnaires sont d’accord sur cette vision, les structures et règles nécessaires sont mises en place pour atteindre cet objectif. ” C’est alors que la gouvernance est essentielle : celle-ci règle les structures de décision, l’organisation de la famille, les accords sur le suivi, etc. Mais cela ne signifie pas que l’approche soit unique. Il existe par exemple des modèles de planification multiples et variés. Dans certaines familles, la règle veut que la propriété passe toujours à une seule branche ou un actionnaire. Et dans d’autres – je songe à Solvay -, on retrouve désormais quelque 2.000 actionnaires familiaux, tandis que la gouvernance y est organisée de manière totalement différente, précisément pour maintenir une uniformité familiale. “

Une fois que les actionnaires sont d’accord sur cette vision, les structures et règles nécessaires sont mises en place pour atteindre l’objectif. ” C’est alors que la gouvernance est essentielle : celle-ci règle les structures de décision, l’organisation de la famille, les accords sur le suivi, etc.

Peut-être est-ce là aussi que réside le défi : chaque entreprise familiale doit trouver sa propre structure de gouvernance. Morten Bennedsen : ” Il n’existe pas de modèle unique susceptible d’être reproduit. En fonction de la taille de l’entreprise, de son histoire, de ses aspects familiaux spécifiques et de son modèle business, la structure, les règles et l’organisation doivent être adaptées. Pour survivre en tant qu’entreprise familiale, il faudra également accorder beaucoup d’importance à la formation et à l’implication de la génération suivante. “

Enfin, le professeur insiste sur l’importance de la professionnalisation. ” Attirer des conseillers et administrateurs externes représente l’une des étapes importantes de la mise en place d’une bonne gouvernance. Ceux-ci peuvent en effet accompagner l’entreprise dans la planification à long terme et dans le processus de suivi. Les externes permettent d’objectiver la prise de décision et de maintenir les aspects familiaux et émotionnels en dehors du conseil d’administration “, conclut Morten Bennedsen.

Le Professeur Bennedsen sera l’orateur principal du Forum Family Business Governance que BNP Paribas Fortis organisera le 25 octobre à Bruxelles. Plus d’infos : www.bnpparibasfortis.be/familygovernance

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