Le ruling fiscal ‘à la belge’ dans le collimateur de la Commission

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La Commission européenne a ouvert une enquête approfondie visant une disposition fiscale belge controversée connue sous le nom d'”excess profit ruling”.

Celle-ci permet aux multinationales de défiscaliser autour de 50% de leur bénéfice, et jusqu’à 90% dans certains cas, a affirmé la commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager.

Avec cette nouvelle enquête, la Commission élargit le champ de ses investigations sur les décisions fiscales anticipées (rulings), sur lesquelles l’affaire des Luxembourg Leaks a braqué les projecteurs médiatiques. Depuis des mois, les services de la concurrence passent déjà au peigne fin des rulings luxembourgeois (au profit de Fiat et Amazon), irlandais (Apple) et néerlandais (Starbucks).

Dans le cas de l’excess profit ruling, c’est le mécanisme lui-même qui est l’objet de l’enquête, plutôt qu’un rabais accordé à une entreprise spécifique. La Commission procède de la même manière pour un système de décisions anticipées en vigueur à Gibraltar.

Si elle était jusqu’à présent relativement exemptée, la Belgique n’échappe donc plus à l’attention internationale autour des cadeaux fiscaux offerts aux multinationales.

Verhofstadt II

Le système mis en cause a été créé en 2004 par le gouvernement Verhofstadt II (socialiste-libéral), également à l’origine des intérêts notionnels. Si ceux-ci ont suscité un large débat public, l’excess profit ruling restait peu connu, jusqu’à la publication d’articles de presse à la fin de l’an dernier.

“Nous avons découvert son existence par les médias”, a d’ailleurs indiqué mardi la commissaire Vestager. “Cela montre l’importance d’avoir une société ouverte et une presse critique”.

L’enquête confirme la volonté de la Commission de Jean-Claude Juncker d’enquêter largement sur les rulings, bien au-delà du cas luxembourgeois. En pleine affaire LuxLeaks, le président de la Commission, accusé d’avoir favorisé l’optimisation fiscale quand il était à la tête du Grand-Duché, n’en avait pas fait mystère.

Interpelé au Parlement européen par Guy Verhofstadt, il avait renvoyé la balle dans le camp belge. “Vous avez été Premier ministre. Pouvez-vous vous lever tout de suite et dire: ‘Jamais il n’y a eu une aide d’État refusée et annulée par la Commission pendant la période où j’étais Premier ministre’ ? Vous ne le savez pas”, avait-il rétorqué lors d’un débat en novembre dernier. “Je suis pour une investigation large et profonde, dans tous les pays. Peut-être, alors, aurez-vous un problème”, avait-il alors lancé à l’ancien chef de gouvernement belge. L’enquête ouverte mardi fait écho à cet avertissement.

“Pas question de faire entrer une harmonisation fiscale par une porte dérobée”

Le mécanisme contesté par la Commission permet en fait à des entreprises étrangères de réduire nettement l’impôt sur les sociétés dont elles sont redevables en Belgique en requalifiant comme “excédentaire” une partie de leur bénéfice. En substance, sont considérés comme tels les profits découlant prétendument de l’avantage tiré de l’appartenance à un groupe multinational.

Pour Mme Vestager, les choses sont en réalité plus simples. “Sans aucune justification”, la Belgique “conclut des accords avec des entreprises qui déplacent une portion substantielle de leur activité” dans le pays, a-t-elle expliqué. “Si cela est confirmé (par l’enquête), ce serait clairement injuste” au regard des règles sur la concurrence.

Ce qui est contesté, précisément, c’est le fait que les entreprises isolées et les entreprises belges ne peuvent pas bénéficier du mécanisme. Il y aurait donc un avantage sélectif contraire aux règles sur les aides d’Etat.

La commissaire a répété par ailleurs que les enquêtes conduites par ses services ne visaient pas à délégitimer la pratique du ruling en tant que telle, dans la mesure où celle-ci permet de renforcer la sécurité juridique pour les entreprises. “Mais si les décisions anticipées sont utilisées pour créer un paradis fiscal (…), c’est une tout autre chose”, a-t-elle prévenu.

Il n’est par ailleurs “pas question de faire entrer une harmonisation fiscale par une porte dérobée”. Toute évolution en la matière relève des Etats membres et du Parlement européen, a souligné Mme Vestager.

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