La qualité de nos loisirs sera bientôt plus déterminante que notre diplôme pour notre carrière

© ISTOCK
Amid Faljaoui

Au retour des vacances scolaires, j’ai pensé que ce serait bien de partager avec vous un grand secret : demain, on nous demandera des comptes sur l’usage de nos loisirs.

Oui, demain, on ne nous dira pas « qu’as-tu fait à l’école, mais bien en dehors de celle-ci ?». Le « on » ce sera aussi bien notre futur patron ou même notre futur conjoint dans la vie. En tout cas, c’est la thèse d’Olivier Babeau, économiste, chroniqueur et auteur d’un livre intitulé « la tyrannie du divertissement » aux éditions Buchet.

Que dit en substance Olivier Babeau dans ce magnifique livre ? Que jusqu’à présent, nous faisions tous un distinguo entre notre travail et nos loisirs. Erreur. Immense erreur selon cet auteur. Motif ? L’essentiel de notre réussite de demain ne passera pas par la case école, mais bien par la case « loisirs studieux ». Rien de plus normal, la qualité de nos loisirs aura plus d’impact demain qu’aujourd’hui pour la simple raison que si par exemple en 1841, nous passions 70% de notre vie éveillée à travailler, ce temps de travail s’est réduit aujourd’hui à 10%. Le sociologue Jean Viard estime à 70.000 heures en moyenne notre temps de travail dans une vie à comparer aux 700.000 heures de notre existence. Raison pour laquelle, il estime que le débat sur la retraite est tronqué à la base.

Et donc, oui, en bonne logique, demain ou après-demain, ce que nous ferons ou ne ferons pas de nos loisirs aura un impact direct sur notre trajectoire de vie. Aujourd’hui, la plupart du temps, ce loisir est souvent consacré aux écrans. Ces derniers nous piquent en moyenne 4H56 de notre journée. Autant dire que c’est un véritable opium, car ce n’est rien d’autre qu’un plaisir immédiat, éphémère et sans substance. D’ailleurs, les politiques feraient bien de se saisir de ce problème nous explique Olivier Babeau. La raison ? Nos politiques ont fait de l’école leur cheval de bataille pour réduire les inégalités sociales, notamment en introduisant massivement les nouvelles technologies à l’école par souci de démocratisation. Mais Olivier Babeau se demande s’il ne faudrait pas au contraire freiner leur entrée au sein de l’école.  Selon lui, il faudrait protéger les enfants de milieux modestes d’un accès trop large et trop permanent à ce monde virtuel. Olivier Babeau cite d’ailleurs des études qui montrent que plus on descend dans l’échelle sociale, plus le temps d’écran est important Le résultat est chiffré : un enfant de 5 ans issu d’un milieu favorisé dispose d’un vocabulaire de 1.000 mots en moyenne contre 200 à peine pour un enfant d’un milieu défavorisé. Il n’y a pas photo.

Je précise aussi à l’attention de mes lecteurs et lectrices qu’un milieu favorisé n’est pas nécessairement un milieu plus riche, on le voit en Belgique et en France, les enfants qui réussissent le mieux à l’université ou dans les grandes écoles sont souvent des enfants de professeurs du secondaire, donc des personnes de la classe moyenne. Attention donc aux conclusions hâtives.  

En fait, le message d’Olivier Babeau est simple : le capitalisme de demain sera certainement un capitalisme d’ingénieurs, mais aussi un capitalisme où « l’honnête homme » – au sens du 18e siècle – donc une personne cultivée et souple intellectuellement aura plus de chance d’être complémentaire aux machines et autres algorithmes qu’une personne sans culture générale. Ce sera un capitalisme cognitif comme il l’appelle et la qualité de nos loisirs aura donc un impact sur la qualité notre carrière.

Ce livre est en quelque sorte un appel du pied ferme pour avoir des loisirs plus studieux qu’aujourd’hui. Les plus éveillés d’entre nous le savent déjà, la « reproduction sociale des élites »  pour parler comme le sociologue Pierre Bourdieu se fera en partie par l’école bien sûr, mais désormais surtout par tout ce qui se fera en dehors des murs de l’école ! Autrement dit, la mobilité sociale sera moins une question d’argent comme l’estime une bonne partie de la gauche que de l’utilisation intelligente de notre temps libre. Bien entendu, le diplôme restera important, mais la qualité de nos loisirs le sera davantage.

Et c’est là où j’en viens à ce soupçon de thèse évoqué par Olivier Babeau : on ne nous a pas dit qu’un jour, et plus proche qu’on ne le croit, on nous demandera l’utilisation que nous avons fait de nos heures de liberté !

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Les lecteurs de Trends-tendances qui n’ont pas le temps de lire ce livre pourront toujours regarder la vidéo du Figaro avec Olivier Babeau et dont le titre est très explicite : « La société de loisirs, une fabrique à crétins ? ». La réponse vous a été donnée en un peu plus de 4 minutes de lecture.

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