Devenez un investisseur intelligent

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Personne n’est parfait. L’investisseur ne l’est pas davantage. Identifier les erreurs récurrentes peut toutefois vous aider à vous améliorer.

Après des dizaines de milliers d’années d’évolution, le cerveau humain est devenu un ensemble complexe. Nous pouvons penser de manière rationnelle, mais notre cerveau comprend également une part animale très développée qui contrôle nos émotions. Des études comportementales ont démontré que cette part animale émet, dans les moments de panique, des signaux plus puissants que la part cérébrale rationnelle. Ce qui signifie que lors des moments de stress, nos émotions et instincts prennent le dessus sur notre raison. Une spécificité qui a dû s’avérer bien utile à nos ancêtres lorsqu’ils étaient menacés par des bêtes sauvages… mais pour vos investissements, ce n’est pas à proprement parler une bonne chose.

Il arrive aux meilleurs d’entre nous de prendre des décisions financières dictées par les émotions. Qui ne perdrait pas son sang-froid en remarquant, à l’ouverture de son portefeuille d’actions, qu’une valeur a subitement plongé de 10 % ? Notre première réaction, compréhensible, est alors de vendre. Pourtant, l’investisseur doit justement être capable de ne pas se séparer de ses valeurs dans un moment de panique, mais de réfléchir aux circonstances qui ont conduit ces valeurs à reculer. Peut-être l’entreprise a-t-elle publié des résultats trimestriels décevants ou le lancement d’un nouveau produit ne se déroule pas comme elle l’aurait souhaité. Les résultats sont-ils réellement mauvais ? Les ambitions n’étaient-elles pas excessives ? S’agit-il d’un simple accès de faiblesse ou d’un dysfonctionnement de nature structurelle ? Ne prenez de décision que lorsque vous êtes certain de la nécessité de vendre.

Ce sont ces mêmes émotions qui nous entraînent dans l’euphorie ou la panique des autres. Nous savons tous qu’il faut acheter lorsque l’action est au plus bas et vendre lorsqu’elle est au plus haut. Or dans la réalité, nous aurons généralement tendance à vendre lorsque les marchés sont en perte de vitesse — et donc que les actions deviennent moins chères — par crainte de perdre encore plus. Et nous n’achetons d’actions qu’après que les Bourses ont augmenté et que nous sommes rassurés par le calme revenu sur les Bourses. Nos émotions nous dictent donc des comportements contraires au bon sens (voir illustration).

Confiance en soi Rien n’est plus dangereux qu’un excès de confiance en soi, qui peut inciter un investisseur à s’exposer à des risques de plus en plus grands. Imaginez que vous avez investi un faible montant dans une action qui progresse ensuite de 50 %. Ce premier succès vous incitera à investir davantage dans une nouvelle valeur, et plus encore ensuite. Jusqu’à ce que finalement, vous misiez sur le mauvais cheval et perdiez tous les gains accumulés. C’est ce qui arrive inévitablement aux spéculateurs et hélas également aux investisseurs inexpérimentés. Plus la confiance en soi est grande, plus la tentation l’est également d’enfreindre les règles de base de l’investissement, comme la diversification.

Momentum Les marchés financiers ont la mémoire courte. A peine six ans après la crise financière, les actions sont à nouveau à un niveau record et tout semble rentré dans l’ordre. Les bénéfices des entreprises sont en hausse depuis plusieurs années et se situent même à un niveau anormalement élevé. Les investisseurs semblent penser que cette tendance se poursuivra. L’extrapolation de cette tendance haussière des bénéfices porte les cours à des niveaux de plus en plus élevés.

Si l’histoire nous a enseigné une chose, c’est bien que les tendances ne durent pas. Les bénéfices d’entreprises anormalement élevés sont intenables. Les managers qui ont trop confiance en eux finissent par prendre de mauvaises décisions d’investissement. De leur côté, les salariés exigent une plus grande part du gâteau. En outre, de nouveaux concurrents apparaissent qui souhaitent eux aussi profiter des bénéfices plantureux, ce qui donne lieu à une baisse des prix et à une érosion des marges bénéficiaires. A un certain moment, les marges bénéficiaires reviennent à leur moyenne historique. Ce qui donne inévitablement lieu à une correction des cours.

Ancrage Lorsque nous achetons une action, une chose étrange se passe dans notre cerveau : nous ouvrons un calcul mental pour cette action. Nous effectuons chaque jour des calculs mentaux. Ainsi savons-nous à peu près ce que nous dépensons en nourriture et en loisirs. Tout calcul a un point d’ancrage — par exemple le montant hebdomadaire maximum à dépenser.

Pour une action, le point d’ancrage est généralement le cours d’achat. Des études comportementales financières ont démontré qu’il est particulièrement difficile pour des investisseurs de tenir un calcul mental en bénéfice. Nous sommes toujours tentés de transformer un bénéfice (modeste) théorique en liquide. Les calculs mentaux en perte sont en revanche difficiles à clôturer. Nous continuons d’espérer que le cours de l’action évolue vers notre cours d’achat, pour pouvoir ensuite la vendre. Il est possible cependant que l’action n’atteigne jamais ce cours. Une étude récente de l’UCL, qui a étudié le comportement d’investissement de 65.000 clients de Keytrade Banque, permet d’affirmer que les investisseurs belges commettent l’erreur de vendre trop rapidement des actions en bénéfice et de conserver trop longtemps les valeurs en perte.

Il est important de savoir quand vendre un titre et quand le conserver. La situation financière de l’entreprise s’est-elle fondamentalement dégradée depuis que vous avez acheté l’action ? Le cas échéant, il est préférable d’acter votre perte pour en éviter de plus lourdes. Ne vendez pas purement et simplement des actions en bénéfice. Selon l’investisseur-star Warren Buffett, le cours d’une action reflétera toujours, sur le long terme, la politique efficace d’une direction. Selon lui, vendre une action en hausse de 10 % après un mois n’a aucun sens.

Idées préconçues Une dernière erreur classique de l’investisseur réside dans les idées préconçues. Lorsque vous avez une opinion déterminée (positive ou négative) par rapport à une entreprise, vous considérerez toute l’actualité relative à cette entreprise à la lumière de cette opinion. Si vous êtes enthousiaste à l’égard d’une valeur, vous aurez tendance à amplifier les bonnes nouvelles la concernant et à minimaliser les mauvaises nouvelles. Vous pourriez donc bien passer à côté des faits importants. Jugez toute nouvelle (positive ou négative) de manière objective : modifie-t-elle de manière fondamentale la situation de l’entreprise ? Est-ce d’une manière positive ou négative ?

MATHIAS NUTTIN

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