Trop risqué pour les assurances

Le plus dur, pour les locataires de telles salles fortifiées, est d’obtenir une couverture assurance adéquate. “Nous n’avons pas développé d’assurance additionnelle pour ce genre d’entrepôt. C’est un gros problème pour nos clients”, avoue Ulrich Guntram, président d’AXA Art Insurance Corporation, leader en assurances d’oeuvres d’art. Et les autres compagnies suisses, elles aussi, refusent de couvrir ce type de risque. Personne ne connaît la valeur exacte des objets stockés dans les entrepôts. Un possible incendie à Genève est perçu comme le scénario catastrophe le plus grave pour le monde de l’art. Pour répondre partiellement aux pressions des assureurs, un immeuble supplémentaire de six étages, exclusivement réservé aux oeuvres d’art, est actuellement en construction dans la zone franche de Genève.

La société d’entreposage – dont le canton de Genève possède 86 % – offre un service spécifiquement suisse : l’Agence nationale de douanes, qui a des bureaux dans l’entrepôt, ne taxe ni à l’importation ni à l’exportation, ni même sur la valeur ajoutée. Les objets de valeur sont acheminés directement de l’aéroport de Genève vers l’entrepôt. Plus tard, ils peuvent être vendus et transportés discrètement vers l’étranger sans frais additionnels et à n’importe quel moment.

En fait, ces entrepôts apportent une solution à tous les problèmes. Les passionnés de voitures de grande valeur peuvent louer des garages spéciaux, tandis que les amateurs de grands vins se voient proposer des locaux à température et taux d’humidité contrôlés. Des fournisseurs comme Stockbridge, une société britannique de gestion de biens, expliquent qu’en Suisse, l’or est une valeur absolument sécurisée, même dans les cas où un pays tiers serait en droit de confisquer des biens qui y seraient conservés. La confédération helvétique est le plus grand importateur d’or au monde. Elle en importe plus que des pays comme l’Inde, et quatre des plus grandes raffineries d’or au monde se trouvent en Suisse.

Grâce notamment à ses entrepôts libres de taxes, la Suisse est devenue une plate-forme commerciale pour tout ce qui brille et coûte cher. Cela n’a d’ailleurs pas échappé aux petits et grands criminels. Le 18 février de cette année, des voleurs lourdement armés déguisés en officiers de police ont attaqué un camion de sécurité blindé garé au pied d’un avion de Helvetic Airways, sur le tarmac de l’aéroport de Bruxelles. Ils se sont emparés de diamants pour une valeur de 50 millions de dollars. Ceux-ci étaient acheminés d’Anvers, centre belge du diamant, vers Zürich. Les initiés surnomment ces avions qui volent entre la Belgique et la Suisse “les bombardiers de diamants”. La police a réussi à arrêter la plupart des voleurs de Zaventem, et une partie – bien que réduite – du butin a été repérée à Genève.

Des montants considérables sont en jeu. Les citoyens allemands sont réputés posséder jusqu’à 200 milliards d’euros non déclarés sur des comptes suisses. Les banquiers conseillent à leurs clients de convertir leur argent en cash et de le déposer ensuite dans un coffre privé. Le fait est que la Banque nationale suisse peut difficilement faire face à la demande de nouvelles coupures de 1.000 francs suisses (environ 800 euros), la coupure la plus populaire dans l’univers de l’évasion fiscale. Ceci dit, c’est dans les oeuvres d’art que les personnes vraiment fortunées préfèrent investir…

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