Martin Andersson (COS): ” Notre esthétique reste discrète “

Dans le monde de la mode, COS est un concept dont le business-modèle vise à offrir un bon design et une bonne qualité à un bon prix. Trois nouveaux magasins sont annoncés en Belgique. Trends Style a rencontré à Londres Martin Andersson, responsable de la ligne masculine.

Martin Andersson (39 ans) a quitté la Suède en 1997, à l’âge de 20 ans pour s’installer à Londres où il s’est inscrit à la Central St Martin’s, une école de réputation équivalente à celle de la Mode Academie à Anvers ou de La Cambre à Bruxelles. Après un passage chez Hackett, la mise sur pied d’un label propre et une incursion chez Aquascutum, il a rejoint COS (Collection Of Style) en 2008, en tant que chef de la ligne masculine.

Si le siège et le bureau de design de la maison mère – H&M – sont situés à Stockholm, COS est installé à Londres depuis 2007, employant une équipe de quelque 20 stylistes – essentiellement issus de Central St Martins – et disposant de boutiques aux quatre coins de la planète.

ADN FORT, ESTHÉTIQUE DISCRÈTE

Si COS peut se définir comme une ligne, il s’agit aussi et avant tout d’une culture. Et Martin Andersson s’emploie à l’incarner totalement.

” Je porte du COS pratiquement tous les jours. Cela me convient parfaitement. Car si son ADN est fort, son esthétique reste discrète. En portant du COS, on ne fera jamais figure de statement ambulant. Notre objectif est de proposer de la qualité – sur le plan des matières, du design et de l’exécution – à un bon prix. Esthétiquement nous visons l’intemporel et les basiques d’un vestiaire, réduits à l’essentiel et axés sur la longévité. D’où le concept d’une ligne simple qui se réinvente à chaque saison. Cela va du blazer bleu au pantalon gris ou à la paire de jeans, en passant par la chemise blanche. Celle-ci reste omniprésente mais elle se fait différente à chaque fois grâce à quelques détails. Cette saison, c’est la fermeture discrète entre l’épaule et la poitrine en lieu et place d’un boutonné apparent sur le devant, qui la rend nouvelle. “

L’intemporel a un bien-fondé commercial car il représente une valeur qui fait sa réapparition :la durabilité.

” Nous sommes convaincus du bien-fondé commercial des vêtements intemporels parce qu’ils représentent une valeur qui fait sa réapparition : la durabilité. Ces pièces ne se démodent pas et peuvent être portées durant plusieurs saisons sans que l’harmonie avec celles d’une collection plus récente ne soit rompue. “

” Cette durabilité se traduit par exemple par le recours, quand le vêtement s’y prête, à du polyester recyclé – mais de qualité, cela va de soi. Dans ce secteur, les Japonais se situent aujourd’hui à la pointe de la technologie. “

SUÉDOIS, OUI MAIS NON

L’identité de COS est une question souvent abordée par les équipes qui oeuvrent à la conception des tenues. Martin Andersson : ” Un simple T-shirt doit déjà la refléter. Lors de la création, nous analysons surtout les proportions. Car ce sont souvent elles qui déterminent si un vêtement ou un accessoire est moderne ou non “.

” COS est basé à Londres mais se veut une ligne internationale. Si notre compagnie mère est suédoise, nous sommes complètement indépendants sur le plan de la création. Mais nous n’échappons pas, bien sûr, à un certain héritage scandinave au niveau de son aspect démocratique et de son style – le fonctionnalisme a été la version suédoise du modernisme. “

L'inspiration du vêtement de travail : ici, le tablier.
L’inspiration du vêtement de travail : ici, le tablier.

” Cela étant, le logo ne figure jamais sur nos créations. Les vêtements conviennent donc tant à un vestiaire extravagant que conservateur. Nous constatons d’ailleurs qu’ils sont portés de manières extrêmement différentes. Nous sommes régulièrement impliqués dans des événements culturels et nos invités y viennent souvent habillés en COS. Je suis toujours surpris des possibilités qu’ils exploitent à partir de nos créations. “

PAS D’ÉLITISME

” Un design de qualité pour tous : voilà ce que nous voulons. Il n’est pas question pour nous d’être élitistes. Nous ne travaillons d’ailleurs pas pour une catégorie d’âge ou professionnelle définie. Notre objectif est de satisfaire l’exigence de style et de qualité d’une clientèle internationale qui s’informe, qui lit, qui possède un état d’esprit que l’on imagine chez des gens se rendant dans les musées et galeries, qui possède un esprit urbain même s’il ne vit pas en ville… Mais jamais, chez COS, nous ne parlons de luxe. Et certainement pas de luxe abordable. Le luxe est devenu un concept creux à plus d’un titre. Le cachemire, par exemple, n’est pas un luxe en soi car il existe des cachemires de très mauvaise qualité. Entre ces derniers et une laine de qualité, nous opterons toujours pour celle-ci, et les prix resteront raisonnables. “

Les détails
Les détails “fun” de COS: des signes typographiques agrandis.

” Pour nous, les limites de prix ne sont pas un handicap dans le processus de créativité, car elles font partie du business-modèle de départ. Même si la recherche de détails et de solutions dans ce cadre demeure, bien sûr, un challenge. Cela étant, grâce à notre compagnie mère, nous pouvons profiter d’une expertise énorme sur le plan de la qualité des tissus et obtenir des prix intéressants. “

ENVIRONNEMENTS ARTISTIQUES

Si Martin Andersson dit être régulièrement impliqué dans des événements culturels, c’est aussi parce que COS semble les rechercher activement.

” Depuis quatre ans, nous sommes présents à Milan durant le Salon du Meuble, pour y présenter ou interpréter nos valeurs en collaboration avec un architecte, un designer ou un architecte d’intérieur – en même temps que pour y découvrir une mine d’idées en matière de formes et de textures nouvelles. Si, l’an dernier, nous avions travaillé avec le studio de design japonais Nendo (Oki Sato), cette année, nous avons collaboré avec le bureau new-yorkais Snarkitecture. S’inspirant des textures que nous utilisons dans notre collection cet été, il a créé un environnement clair et léger. “

Comme il se dit dans l’univers couturier : la mode passe, le style demeure.

” Mais nous menons d’autres collaborations, notamment avec le Palais de Tokyo pour l’art contemporain à Paris. Et, depuis trois ans, avec la Serpentine Gallery à Londres avec laquelle nous organisons des Park Night Events – des performances multidisciplinaires – dans et autour de ses pavillons éphémères créés chaque année par des architectes ou artistes. “

” Nos sources d’inspiration sont donc forcément à chercher dans le monde de l’art contemporain, du design et de l’architecture – l’esthétique des années 1930 à 1960, celle de Charles & Ray Eames, de Ludwig Mies van der Rohe, du Bauhaus, des designers scandinaves… Mais nous essayons d’être le plus open minded possible. “

La collaboration de COS avec le Pavillon Ephémère de la Serpentine Gallery à Londres, en 2014.
La collaboration de COS avec le Pavillon Ephémère de la Serpentine Gallery à Londres, en 2014.

FROM JAPAN, GREENLAND, ETCETERA

La collection automne/hiver 2015 annoncée semble illustrer parfaitement cette multiplicité d’inspirations possibles chez COS. ” Nous avons lorgné du côté du Mono-ha, un mouvement artistique japonais que l’on a souvent rapproché de Fluxus et de l’art conceptuel de la fin des années 1960 et du début des années 1970, mais qui, en réalité, ne s’occupait pas du tout de ce que faisait l’Occident. Nous avons examiné des tissus japonais, des vêtements traditionnels, leurs détails, leur sens du volume… Réduire pour embellir, élaguer pour aller à l’essentiel et privilégier le côté tactile – une notion très importante pour nous également. Une autre source d’inspiration a été celle des clichés de paysages groenlandais, à la fois sobres et reluisants, signés par le photographe allemand Olaf Otto Becker. Une sobriété que l’on retrouve dans nos collections, ce qui ne veut pas dire qu’elles soient dénuées de détails “fun”. Mais nous nous sommes également inspirés de vêtements de travail – le tablier, par exemple – et d’un nouveau concept – l’auto-créativité – qui détourne des matières avec une très grande liberté – la texture d’une couverture pour un manteau, par exemple, ou d’un duvet léger pour une chemise… COS est à la fois classique et d’avant-garde. Dès le départ, nous avons été le chaînon manquant entre la high fashion et le high street. “

De toute évidence, COS – Collection Of Style – porte bien son nom. Car, comme d’aucuns aiment à le répéter dans l’univers couturier notamment, le style est bien plus durable que la mode.

Texte: Serge Vanmaercke

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