Boire sobrement?

Dirk Van Ham, Country Director Benelux de Diageo. © Diageo

En ces jours de fin d’année, on débouche volontiers une bonne bouteille. S’il s’agit d’un spiritueux, il y a fort à parier que Diageo en soit le fournisseur. A une époque où l’inexistence d’un plan belge en matière d’alcools est pointée du doigt, beaucoup se demandent si, après la cigarette, c’est à présent l’alcool qui risque d’être stigmatisé.

Selon Dirk Van Ham, Country Director Benelux de Diageo, ” il y a bien moins de divergences qu’on ne croit entre ceux désireux de brider l’alcool et nous “.

” En tant que leader de ce marché, Diageo a, bien sûr, une réelle responsabilité. La consommation responsable (responsible drinking) est l’une de nos priorités stratégiques. Nous ne cherchons pas qu’à gagner de l’argent. Certaines de nos marques existent depuis deux siècles et nous aimerions qu’elles durent encore 200 ans. Pourquoi ferions-nous aveuglément la promotion de l’alcool ? Nous avons, nous aussi, des enfants, une famille, des amis. Nous travaillons dès lors avec les groupes d’intérêt. Unir nos forces permet de trouver des solutions. Une consommation d’alcool responsable s’inscrit dans un style de vie équilibré. “

Tout le monde ne trouve pas cet équilibre.

Dirk Van Ham : ” En Belgique, 94 % des personnes buvant de l’alcool le font d’une façon responsable. Les gens sont de plus en plus conscients de l’influence exercée par l’alimentation et la boisson sur leur santé. Ils savent qu’il n’est pas raisonnable de conduire en état d’ébriété, qu’il ne faut pas servir de l’alcool aux jeunes et que celui-ci a un impact sur l’organisme, la santé et la manière d’être. Restent, bien sûr, les 6 % restants. Nous devons unir nos forces pour ceux-là. Nous ne sommes pas partisans d’une approche qui traiterait tous les consommateurs de la même façon, indépendamment de leur âge ou de leurs préférences – bière, vin ou boissons fortes. La Belgique reste l’un des quatre pays européens permettant aux moins de 18 ans d’acheter de la bière. Un jeune de 16 ans ne peut pas acheter une bouteille de Smirnoff, mais est autorisé à acheter une bière de 33 cl titrant 9°, alors que celle-ci contient deux fois plus d’alcool qu’un verre de vodka-cola. “

Pourquoi ferions-nous aveuglément la promotion de l’alcool ? Nous avons, nous aussi, des enfants, une famille, des amis.

Diageo indique aussi désormais la valeur nutritive.

” La primeur en revient à Johnnie Walker Red Label, le whisky écossais le plus vendu au monde. Cette année, 30 millions de ses bouteilles ont reçu une étiquette spéciale. Nos autres marques suivront progressivement – en réponse à ce fameux style de vie équilibré. Les gens doivent pouvoir faire leur choix en connaissance de cause. L’étiquette mentionne ainsi le nombre de calories, et ces valeurs figurent aussi sur le site DRINKiQ.com. Nous sommes le premier producteur d’alcool au monde à franchir ce pas. Il a fallu douze ans de négociations avec les autorités américaines pour obtenir l’autorisation d’utiliser ces étiquettes. “

Pourquoi une telle circonspection ?

” Je l’attribue à l’ignorance plutôt qu’à la mauvaise volonté. Il est vrai que lorsque notre secteur fait des propositions, il a souvent à se battre contre des préjugés. Ce n’est pas illogique mais on perd beaucoup de temps avant de pouvoir exposer ses intentions aux personnes habilitées. De plus, il arrive souvent que la loi ne nous soit pas favorable. “

SENSIBILISER PLUTÔT QUE SANCTIONNER

Quelles sont les tendances dans l’univers des boissons fortes ?

” La première est contradictoire : les boissons distillées sans alcool. Le succès des produits pauvres en alcool vient de l’attention croissante accordée par les gens à leur santé. En Grande-Bretagne, Diageo a conclu une joint-venture avec Seedlip, le plus grand producteur mondial de spiritueux non alcoolisés – non pas des jus de fruits ou des limonades, mais un distillat à 0°. Nous développons actuellement un gin non alcoolisé. En l’allongeant avec du tonic, on obtient la même sensation de goût qu’avec un gin-tonic. A ceci près que l’on peut en boire des dizaines en restant sobre à 100 %. Nous testons actuellement les réactions du consommateur. “

” Une deuxième tendance est ce que l’on appelle la valeur et l’accessibilité : tout doit être disponible, ici et maintenant. Cela nous ramène à l’alcool : prohiber sa vente dans les magasins de nuit et les stations-service, c’est jeter le bébé avec l’eau du bain. Nous avons tous vu au JT des gens prendre le volant une canette de bière à la main. Cela ne se fait pas, bien sûr. Mais a-t-on jamais vu quelqu’un acheter une bouteille de vodka dans une station-service et l’ouvrir séance tenante ? Un tel point de vente se choisit parce qu’il est situé entre le lieu de travail et le domicile. C’est cela, la valeur et l’accessibilité, ce genre d’achat rapide. Et cela n’a aucun rapport avec une consommation abusive d’alcool. “

Vos marques sont très présentes dans les grands événements. Quelle est l’importance du sponsoring ?

” Nous sommes présents à Tomorrowland avec Smirnoff. En Formule 1, avec Johnnie Walker. Cela correspond parfaitement à ce que nous considérons comme une troisième tendance : l’évolution des relations entre les gens – changing socializing en termes de marketing. Nous vivons dans un monde de plus en plus numérisé où l’on se rencontre davantage en ligne que dans la vie réelle. Une tendance inverse est en train d’émerger : bien qu’appréciant les médias sociaux, beaucoup ressentent un manque de vrai contact social. Il existe des bars et restaurants non connectés au wi-fi, où l’étiquette exige que les gens se parlent et ne soient pas penchés en permanence sur leur smartphone. Les expériences et les événements gagnent en importance. A cet égard, Tomorrowland est exemplatif. Nous constatons une parfaite concordance entre Tomorrowland et Smirnoff du point de vue de la convivialité. “

” Johnnie Walker s’adresse à un autre public. La F1, où nous sponsorisons McLaren, convient à ce whisky populaire. Sur et hors circuit, notre message est centré sur la consommation responsable. Il y a peu, nous avons organisé à Bruxelles une action avec Stoffel Vandoorne, le pilote ambassadeur de Johnnie Walker qui roulera l’an prochain pour McLaren. Tout qui réservait une course chez Uber et encodait un code promotionnel sur notre site Join the Pact était embarqué par lui dans une McLaren. Sur Join the Pact, il est aussi possible pour chacun de faire état de son engagement personnel à ne jamais conduire en ayant bu. Des millions de personnes se sont déjà inscrites. La sensibilisation récolte une plus grande audience et de meilleurs résultats qu’une sanction. Dans notre entreprise, nous pratiquons la tolérance zéro. Le vendeur qui boirait un verre avec un client sait qu’il devrait se chercher un autre travail. “

LE WHISKY ? LE NOUVEAU GIN

Nombre de marques sont séculaires et recourent à une image de tradition et de professionnalisme. L’innovation a-t-elle sa place ?

” Elle est un de nos principaux piliers. En Grande-Bretagne, nous apportons, avec Distill Ventures, un soutien à des start-up dans l’industrie des boissons. Exemple ? Le Jinzu, un gin infusé au saké mis au point par la barwoman Dee Davies. Nous avons aussi conclu une collaboration avec Seedlip en matière de boissons non alcoolisées. Et il y a peu, nous avons lancé le Johnnie Walker Red Rye Finish – la première innovation en matière de whisky depuis 200 ans. En quoi est-il révolutionnaire ? Il s’agit de Red Label ayant été mis à mûrir dans des fûts de bourbon. Dans le verre, cela se traduit par une confrontation entre le caractère d’un scotch et la douceur d’un bourbon. Il s’adresse plutôt à la génération Y qu’aux amateurs typiques de Johnnie Walker. Le whisky est en pleine résurrection. Nous sommes convaincus qu’il sera le produit tendance qui succédera au gin. En un an, sa consommation est passée de 21 à 28 % auprès des 18-24 ans. Et de nombreuses femmes franchissent le pas – rares sont celles qui refusent un Johnnie Walker Red Rye Finish accompagné de ginger ale et d’une tranche de citron vert. Des icônes de la mode comme Kate Moss jouent un rôle majeur dans cette évolution. “

Diageo se présente comme une entreprise durable. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

” Nous soutenons plus de 40 initiatives à travers le monde ayant trait à la consommation responsable. Cela surprend l’OMS qui ne traite généralement pas avec les producteurs d’alcool, sauf avec nous. Nous travaillons aussi à améliorer notre empreinte écologique. La production d’alcool nécessite beaucoup d’eau et d’énergie. D’où la campagne “Water for Life” menée en Afrique – un marché important pour la Guinness -, qui vise à fournir de l’eau à des régions arides. “

Si l’on n’est pas perçu comme entrepreneur responsable par les consommateurs, les ONG et les autorités, on est sans avenir.

” Diageo se préoccupe aussi de la société. L’alcool procure du plaisir mais nous devons combattre son mésusage. Et nous traduisons notre responsabilité d’entreprise sur le plan social en donnant leur chance à certains. L’une de ces initiatives est “Work for Life”. Il y a quelques années, nous avons offert à dix jeunes défavorisés, en Belgique, l’occasion de suivre une formation horeca. L’époque n’est plus aux entreprises se contentant de produire, de vendre et d’accumuler des bénéfices. Il n’y a plus d’avenir pour qui n’est pas considéré comme entrepreneur responsable par les consommateurs, les ONG et les autorités. ”

www.diageo.com

TEXTE DIRK REMMERIE

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