Une voiture de sport adorable

Pour les puristes, la seule vraie Audi TT est le premier modèle, conçu en 1998. Création de Freeman Thomas, son design – l’excellence de l’Audi – a fait figure d’icône dès sa sortie. Dany Garand, Exterior Designer du projet Audi TT Project, explique la genèse de ce grand classique.

Tout designer qui a pour objectif de développer un objet icône, doit d’abord se poser la question de savoir s’il est en mesure de casser certains codes existants “, affirme Dany Garand, Exterior Designer du projet Audi TT. ” Ensuite, il importe que ce changement de paradigmes corresponde à l’esprit de l’époque. Lorsque l’Audi TT a été présentée sous forme de concept-car au Salon de Francfort en1995, le climat était très différent de ce qu’il est actuellement. Si nous devions lancer aujourd’hui la TT première génération, il se pourrait que la rupture de style ne soit pas suffisamment importante. Ou qu’elle soit, au contraire, exagérée. Le milieu des années 1990 était un moment propice pour prendre des positions fortes, et cela a été le cas pour l’Audi TT et sa géométrie inattendue.”

Ce design en une pièce, clairement inspiré du style Bauhaus, a stupéfié tout le monde.

“Freeman Thomas a eu du design général et des détails une approche très différente de celle du reste de l’industrie automobile. Il a évacué les pare-chocs et autres parties secondaires pour les intégrer dans l’ensemble. Il en a résulté un volume monolithique qui distinguait nettement la TT première génération des autres voitures de l’époque, en ce compris les Audi. Ce design en une pièce, clairement inspiré du style Bauhaus, a stupéfié tout le monde. Le prototype a permis à la marque de redéfinir le concept de “voiture de sport aborable”, et la version de production, sortie des chaînes de montage en 1998 et quasiment identique, de lancer une nouvelle génération de voitures. “

L’AUTOMOBILE EN LUI

” A mes yeux, l’impact d’une icône design est plus émotionnel que physique. Pour que l’on puisse parler d’icône, il faut que la première impression globale soit “surprenante”. Cela suppose de confronter le public à quelque chose de totalement inattendu et de lui permettre de découvrir une nouvelle facette du design (automobile). Ce n’est que dans une seconde phase qu’il pourra en retirer du plaisir : en découvrant les proportions, la manière dont le design accroche la lumière, les finitions détaillées et l’impact sur la marque. En résumé, une icône design a, en premier lieu, l’effet d’une surprise agréable, avant de convier à la découverte et à l’expérimentation. Par ailleurs, le design a une signification déterminée pour l’environnement, voire exerce une influence sur lui. “

Une voiture de sport adorable

” La première TT a été créée entre 1993 et 1995. Son style définitif résulte non pas d’un briefing qu’aurait donné Audi pour la conception d’une voiture de sport mais de la créativité du designer au cours du processus de développement. Freeman Thomas est le designer de l’Audi TT première génération, mais aussi de la New Beetle Volkswagen et de la Chrysler 300C. Un professionnel qui porte l’automobile en lui, qui ressent clairement, lors des esquisses, quand un design commence à prendre forme. Ce moment de basculement vers l’icône est difficile à définir. Cela a à voir avec les proportions – entre la carrosserie et les roues. Et avec la lumière générée… La première Audi TT est surtout née d’une sensation intérieure de Freeman Thomas, d’une série d’émotions qu’il a consignées sur papier. Il n’existe pas de recette en la matière – d’autant que l’environnement et l’époque du lancement du projet ont aussi leur importance. “

” Tout concepteur espère, bien sûr, voir son design accueilli favorablement. Chez Audi, nous visons en outre un design qui résiste le mieux possible à l’épreuve du temps. En tant que marque premium, Audi ne peut se permettre de changer constamment d’orientation. Il était donc exclu, après la première TT, de lancer à court terme un design radicalement différent. Sans quoi le premier modèle aurait semblé démodé et les clients se seraient sentis déconnectés de leur voiture, alors que nous voulons précisément qu’ils continuent à s’intéresser au modèle. “

Une voiture de sport adorable

La nouvelle TT est une ambassadrice de la sportivité au sein de la marque Audi. ” Il s’agit d’un choix délibéré. A l’époque de la TT première génération, la ligne Audi n’était pas encore très développée. La TT n’était entourée que de quelques voitures – l’A4, l’A6, l’Audi 80 et l’Audi 90. Il n’était pas encore question des Q7, Q5, Q3, R8, A3, A5… Aujourd’hui, l’image de la marque est devenue nettement plus sportive, d’où notre obligation de donner un positionnement clair dans la gamme à cette TT nouvelle génération. D’emblée, il a été clair que nous voulions la rendre plus sportive encore et faire coïncider certaines de ses caractéristiques avec celles de la R8, la sportive haut de gamme d’Audi.”

Son centre de gravité et sa suspension ont été aménagés, et son empattement augmenté, pour une longueur égale.

“Nous avons donc opté pour la construction Audi ultralégère combinant acier et aluminium. Il en a résulté une TT pesant 50 kilos de moins que sa devancière et offrant dès lors une meilleure tenue de route, de meilleures performances, une consommation moindre et des émissions CO2 plus faibles. De plus, son centre de gravité et sa suspension ont été aménagés, et son empattement augmenté, pour une longueur égale. Résultat : les roues sont plus proches des extrémités de la carrosserie, ce qui renforce la sensation de sportivité en donnant l’impression, lorsqu’on se trouve dans le cockpit, d’être assis très bas, entre les roues. En résumé, nous avons rendu – optiquement et physiquement – la masse de la TT aussi basse et large que possible, tout en lui garantissant une stabilité accrue, tant à l’avant qu’à l’arrière. “

RETOUR AUX ORIGINES

” En matière de design, nous avons repris l’aspect monolithique et géométrique – perdu lors de la deuxième génération – de la première Audi TT. Celle-ci présentait une distinction claire entre le châssis, assorti d’une épaule très ronde, et le cockpit qui tranchait d’une manière nette. Pour cette génération-ci, nous avons voulu réintroduire et même renforcer cet élément qui, étant l’une des caractéristiques majeures du premier design, a participé à son statut d’icône. Aujourd’hui, nous repositionnons donc la cabine sur le châssis. La partie supérieure de la TT première génération était en quelque sorte construite selon des cercles. Le design de la deuxième génération les intégrait également mais ils étaient liés les uns aux autres au point de former une vague – ce que nous voulions éviter ici. Nous avons donc opté pour un aspect facetté rappelant un minéral ou un cristal, avec des lignes se croisant constamment. Résultat : la nouvelle TT apparaît à la fois élégante et un peu plus dure, moins ronde, moins féminine que la première génération. Mais elle en intègre bel et bien les logements de roues extrêmement larges, comme posés sur la base et constituant un tout géométrique à part. “

Une voiture de sport adorable

” Le profil du nouveau coupé TT rappelle par de nombreux détails le design classique de la première génération. C’est le cas aussi de la lunette arrière très courbée et des faces avant et arrière qui ont été rafraîchies. Nous voulions un look à la fois attractif et convaincant. La voiture doit donner l’impression de vouloir dévorer l’asphalte à tout moment. Il faut donc que le museau exprime de la détermination et des exigences élevées, sans pour autant être agressif. Nous avons également donné à son carénage avant un caractère plus viril, en lien avec le sport automobile. A ce titre, un parallèle pourrait être établi avec la différence existant entre les mâchoires masculine et féminine, cette dernière présentant des lignes plus douces. La poupe a également subi certaines évolutions. La nouvelle TT dispose à présent d’un échappement à deux tuyères proches l’une de l’autre, qui rappelle aussi la version d’origine. La face arrière évoque un surcroît de stabilité et de puissance, et, afin de donner à l’habitacle un look aussi sportif que possible, nous avons éliminé un maximum d’éléments perturbants. Ainsi, il s’agit du premier modèle TT de série à disposer d’un cockpit virtuel équipé d’un tableau de bord entièrement numérique. Les instruments se trouvent directement dans le champ visuel du conducteur, ce qui lui permet, même à grande vitesse, d’avoir sous les yeux toutes les informations nécessaires, sans être distrait. “

Le résultat que l’on voit sur la route reste bel et bien un travail d’équipe.

Dany Garand considère la nouvelle TT comme ” une réinterprétation du modèle d’origine, une ode à l’icône de première génération “. ” Son caractère sportif est encore plus affirmé. Elle est devenue une vraie voiture de sport. Elle reprend les atouts de la TT d’origine, tout en apportant des améliorations, et ce non pas sur un point précis mais de manière générale. Bien que séduits par la première TT, beaucoup achèteront la troisième génération parce qu’elle ajoute nombre de nouvelles qualités à celles de la première. “

Dany Garand rêve-t-il de créer lui aussi une voiture icône ? ” Il faut pour cela être un designer automobile confirmé mais le résultat que l’on voit sur la route reste bel et bien un travail d’équipe. Cela étant, l’impulsion initiale vient toujours d’un croquis, et l’équipe sait très bien que, sans lui, le produit serait différent. Dans la profession, il est souvent difficile d’admettre qu’un design automobile soit attribué à un seul designer, mais il n’y a malheureusement pas d’alternative. Moi-même, je ne le considère pas comme étant l’oeuvre d’une seule personne mais s’il doit être associé à un seul nom, cela ne me pose pas de problème. Il est indéniable que Freeman Thomas bénéficie aujourd’hui de la publicité faite autour de la TT nouvelle génération. La situation pourrait être comparée à celle d’un auteur-compositeur qui aurait écrit l’une des plus belles chansons de l’histoire, laquelle continuerait d’être chantée par les gens durant de très nombreuses années. Créer une voiture icône n’a rien de facile. Cela relève à la fois de la chance, d’un bon timing et d’un travail opiniâtre. “

Texte: Anja Van Der Borght

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