Quête précieuse

Didier Tollet se rend régulièrement en Thaïlande pour y choisir les pierres © Tollet

Joaillier de son état, Didier TOLLET se rend régulièrement en Thaïlande pour y choisir les pierres (semi-)précieuses qu’il intègre dans ses pièces joaillières. Trends Style a pu l’accompagner durant cinq jours et découvrir ainsi des facettes inattendues de cette nation du sud-est asiatique, surnommée aussi ” pays du sourire “.

En route pour un pays où il fait bon vivre, manger et… revenir puisqu’il est vaste et que l’on n’en fait pas si rapidement le tour. Car ce voyage – il serait plus judicieux de dire ce marathon – n’a duré que quelques jours. Et pourtant subsiste l’impression étrange d’avoir vu énormément de choses et de connaître ce pays depuis toujours. Le mérite en revient à Didier Tollet, joaillier à ses heures mais surtout homme enthousiaste et généreux, au sourire haut perché, à l’oeil vif et clair, qui déborde d’idées, de plans A, B et C, d’envies de découvrir et de faire découvrir, de souvenirs et d’histoires vécues à raconter. Un vrai marathonien. Et du coureur de fond, il a la ” zénitude “. Mais il peut aussi courir contre sa montre (Cartier). Et il gagne toujours.

LA ROUTE DES PIERRES

Jour 1. 15 janvier 2016. Arrivée en Thaïlande.

Après onze heures d’un vol de nuit sans vraiment dormir, atterrissage à Suvarnabhumi Airport, le principal aéroport de Bangkok. Nous prenons sagement la file d’immigration. C’est long, très long, et cela agace mon compagnon et guide de voyage. A l’évidence, la lenteur, ce n’est pas son truc.

Une fois les bagages récupérés, nous nous dirigeons vers la sortie, où attend Watt, le chauffeur thaï de Didier Tollet, qui incarne à lui seul le peuple thaïlandais. D’emblée, il sourit. D’un petit sourire très doux qui part des yeux en un sillon discret vers les lèvres où il s’attarde aux commissures – sa manière à lui, leur manière à tous, de souhaiter la bienvenue. Et il semble calme, si calme. On jurerait que rien ne peut l’énerver, jamais, pas même les embouteillages de Bangkok. Mais il faut dire que ceux-ci n’ont pas grand-chose à voir avec les encombrements bruxellois – déjà, on n’y klaxonne pas.

Dans le 4X4 tout confort qui nous emmène à Chanthaburi, à 230 kilomètres à l’est de Bangkok vers la frontière cambodgienne, Didier Tollet raconte la Thaïlande que l’on va découvrir. Chanthaburi est une ville ancienne qui a joué un rôle prépondérant dans l’histoire du pays. Des vestiges archéologiques (poteries, ornements) vieux de 4.000 ans y ont été mis à jour. Occupée par l’armée française à la fin du 19e siècle, elle doit son nom à la rivière éponyme qui la traverse. Chanthaburi signifie ” ville de la lune “. Elle est aujourd’hui connue mondialement pour être le centre de l’exploitation minière de pierres précieuses – particulièrement de rubis et de saphirs.

Nous descendons à l’hôtel Rimnaam Klangchan, un quatre étoiles situé au bord de la rivière.

LA MINE ROUGE

Jour 2. 16 janvier 2016. Les pierres de Chanthaburi.

On arrive au stone market de Chanthaburi par une rue banale en apparence – très peu thaïlandaise même – ponctuée de petites boutiques banales, elles aussi. A y regarder de plus près, au travers des vitrines, on aperçoit des têtes penchées sur de petits monticules étincelants, bleus, rouges, verts, transparents. Nous entrons dans l’une d’elles. A l’évidence, Didier Tollet y est bien connu.

C’est lorsqu’on en sort que la magie commence à opérer. A mesure que l’on progresse dans la rue, on découvre une enfilade de petites tables d’écoliers jonchées de pinces fines, d’oeilletons, de loupes, de calculettes, jouxtant celles des vendeurs de fruits et autres snacks locaux. C’est là que les acheteurs de pierres précieuses (et semi-précieuses) attendent assis sur des chaises de jardin en plastique ceux qui viendront leur en proposer à la vente. Didier Tollet : ” Il y en a parfois pour des millions d’euros, sur ces tables, en pleine rue “. Et pourtant, tout se passe dans le calme et en l’absence de tout sentiment d’insécurité – une constante durant tout le voyage. Personne ne vous accoste, chacun y va à son rythme, en fonction de ses besoins et de ses envies. ” Cela étant, 95 % des pierres, ici, sont fausses. Même moi, je pourrais m’y tromper. Je ne conseillerais à personne dont ce n’est pas le métier d’en acheter. ” A bon entendeur…

Il y en a parfois pour des millions d’euros, sur ces tables, en pleine rue.

Cap ensuite vers la mine de pierres précieuses et semi-précieuses. Sur le site, la terre est rouge et l’ambiance, calme, comme partout dans ce pays. Le processus est simple. De grosses pierres sont extraites du sol au moyen de pelleteuses, puis lavées, triées et passées au tamis – du plus grand au plus petit. C’est à ce dernier stade que les pierres (semi-)précieuses apparaissent. Ou pas. On appréhendait de découvrir l’extrême pénibilité de ce travail. Il n’en est rien. Il s’agit de tâches lourdes, oui, mais comme le sont celles d’un chantier ordinaire. Les travailleurs ont une vingtaine d’années et sont peu nombreux – une dizaine pas davantage – sur l’entièreté de la mine, dont le calme n’est rompu que par les bruits lents des bulldozers et de l’eau projetée sur les cailloux extraits.

LE TRÈS GRAND PALAIS

Jour 3. 17 janvier 2016. Cap sur Bangkok.

L’excitation grandit, quand, au terme de quatre heures de route, on aperçoit au loin les premiers signes de la cité.

Des buildings aux formes parfois improbables se détachent dans le ciel. Des viaducs aussi. Car Bangkok a la particularité d’être bâtie sur des marécages. Impossible dès lors d’y construire un métro souterrain. Aux énormes problèmes de circulation, la réponse ne pouvait donc qu’être qu’aérienne. Résultat : une ville mutilée par des axes routiers suspendus qui la traversent en tous sens. L’un d’eux – le Thai Belgian Bridge – est d’ailleurs issu d’un viaduc bruxellois recyclé.

Avant de pénétrer vraiment dans la ville, il est prévu de se restaurer au Baan Klang Nam (littéralement : la maison au bord de l’eau), un restaurant-pagode situé à la périphérie, habillé de persiennes en toile blanche et occupé entre autres par des tortues géantes.

Bangkok, la capitale.
Bangkok, la capitale.© Véronique Pipers

Au terme d’un repas-festin, Watt nous amène au coeur de Bangkok, à travers un trafic idense qui semble d’autant plus complexe que l’on roule ici à gauche, jusqu’à l’hôtel Mandarin Oriental Bangkok (voir encadré).

Check-in en douceur, installation dans les chambres puis, direction le Grand Palais, l’un des deux musts de la ville.

Ce Palais royal a été érigé par Rama Ier, fondateur de la dynastie Chakri, en 1782, sur la rive orientale de la Chao Phraya, au coeur de l’île Tattanakosin, lorsqu’il fit de Bangkok la nouvelle capitale de la Thaïlande. Auparavant, c’était Thonburi. Aujourd’hui, si le roi (Bhumibol Adulyadej ou Rama IX) n’y réside plus, le palais est toujours le siège des bureaux royaux et gouvernementaux et n’est donc que partiellement ouvert au public. Tout au long des 230 années de règnes successifs, il a connu des transformations organiques qui en font un lieu architectural composite bâti sur 22 hectares et ceint d’une muraille carrée longue de près de 2 kilomètres. A ne pas manquer : le temple du Bouddha d’Emeraude (Wat Phra Kaeo, récemment rénové), Chakri Maha Prasat Hall et la terrasse supérieure.

SIAM PARAGON, TEMPLE DU LUXE

Jour 4. 18 janvier 2016. Les khlongs.

A la visite du Damnoen Saduak, le fameux marché flottant des cartes postales, Didier Tollet préfère celle des canaux de Bangkok – les khlongs – à bord d’un bateau à longue queue ou long tail. Assurément, l’un des moments les plus forts de ce voyage. Maisons en bois sur pilotis, de la plus modeste et délabrée à la plus luxueuse, varans à portée d’objectif, bateaux-snacks, pirogues-supermarchés, et surtout regards et sourires des habitants dans leur vie quotidienne…

Au programme de l’après-midi, après la visite de la Jim Thompson House, rendez-vous chez l’un des revendeurs de pierres fines de Didier Tollet. On est loin de l’ambiance décontractée du marché de Chanthaburi. Au 11e étage du building, il faut montrer patte blanche avant de pouvoir franchir la porte blindée. Dans le bureau, le soleil tape dur au travers de la grande fenêtre. Ni store ni rideau car ici rubis, saphirs et émeraudes se choisissent en plein midi. Didier Tollet repart les mains vides. Les pierres sont belles mais il veut mieux.

Pas une minute à perdre… L’étape suivante est le Siam Paragon, le temple du luxe de l’Asie sur huit étages. Toutes les marques prestigieuses sans exception y ont pignon sur galerie. On peut y acheter des vêtements et bijoux couture, mais aussi… la Lamborghini ou la Bentley exposées en vitrine. Ce lieu est l’équivalent des Galeries Lafayette au carré. Ou, en alimentation, Rob multiplié par quatre. Ou encore Auchan puissance 20. Tout, ici, est démesuré. C’est l’Asie.

” IF IT SWIMS, WE HAVE IT “

Jour 5. 19 janvier 2016. Derniers spots.

Déjeuner au Shot tritt, un minuscule restaurant à la propriétaire irascible qui, à elle seule, vaut le détour.

Petite pointe ensuite à Silom Village où l’on peut acheter bouddhas, pashminas de soie, portes anciennes sculptées et autres objets de décoration typiques et de qualité. Le quartier est franchement touristique mais c’est un haut lieu de shopping, où – ne pas oublier ! – les prix se négocient, et où il est possible de se loger correctement, à des tarifs raisonnables.

Autre espace de shopping : le MBK, pour Ma Boo Krong, un centre commercial à l’opposé du Paragon, si ce n’est par sa surface. Ici, tout est faux ou presque, et si cela ne l’est pas, les prix pratiqués sont les mêmes qu’en Belgique

Et voilà déjà venue la dernière étape de ce voyage : le Sea Food Market. Dehors, à front de rue, des cuisiniers font flamber les langoustes. Dedans, des néons diffusent leurs lumières colorées dans la salle immense. D’un côté, des tables où manger, de l’autre, un supermarché sur fond d’aquarium. Car ici on achète son poisson ou son homard vivant et, juste à côté, ses légumes et son vin. Passage à la caisse où l’on peut décider soit d’emmener ses achats et de les cuisiner chez soi, soit, moyennant un léger supplément, de les faire cuisiner et de les déguster sur place. L’expérience du poisson ” pêché ” et grillé à la minute est fabuleuse.

Et voilà venue l’heure du retour. A l’aéroport, je prends congé de Watt avec un petit pincement au coeur. Tant de gentillesse, de loyauté et de fiabilité dans un seul être, c’est rare. Ou alors, c’est thaï… ?

www.tollet.com

TEXTE & PHOTOS VÉRONIQUE PIPERS

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