Luxe anglaise à l’hôtel The Lanesborough

L'hôtel The Lanesborough. © © Dominic James

Majordome personnel, salle de bains en marbre, gourmandises façon française à base d’ingrédients anglais… Trends Style s’est plongé à Londres dans l’univers luxueux d’un cinq étoiles à l’occasion de la réouverture officielle de l’hôtel THE LANESBOROUGH.

Pourquoi ne pas emprunter le métro qui relie St Pancras International à Hyde Park Corner – histoire de sortir un peu des sentiers battus ? Mais c’était sans compter la présence, à la sortie de l’Eurostar, d’un chauffeur, élégant monsieur avec képi et plaquette dorée. Et c’est non pas à bord de la Rolls-Royce Phantom de la maison, mais d’une Mercedes Classe S de standing équivalent que l’on monte. Destination : le luxueux hôtel The Lanesborough.

Entre décembre 2013 et juillet 2015, cette ” auberge ” de très grand style a vécu dans les échafaudages, nécessitant une rénovation en profondeur. Petite parenthèse historique. En 1719, James Lane, deuxième et dernier vicomte de Lanesborough, a fait construire aux abords de Hyde Park une somptueuse maison de maître comme résidence secondaire. Le fait qu’elle fut transformée quatorze ans plus tard en hôpital (St. George’s Hospital) en dit long sur ses dimensions. Au cours des décennies suivantes, un étage et quelques pièces adventices y furent ajoutés. En 1980, l’hôpital fut déclaré obsolète. Après l’avoir laissée à l’abandon durant quelques années, on a cherché à donner une nouvelle destination à cette perle de style architectural britannique Regency. Et lors du Nouvel An 1991 fut inauguré The Lanesborough, un hôtel de grand luxe caractérisé par nombre de majordomes et d’équipes d’entretien, et par un garage regorgeant de voitures exclusives. Le décor intérieur respirait l’ambiance des célèbres gentlemen’s clubs londoniens – bois omniprésent et ambiance feutrée. Ce qui n’était pas vraiment du goût de la direction du groupe hôtelier de luxe Oetker Collection qui acquit l’hôtel voici quelques années. L’architecte d’intérieur Alfredo Pinto fut dès lors chargé de le réaménager de fond en comble et de le remeubler.

UN JAMES APPELÉ WILLIAM

A l’arrivée à l’hôtel, l’un des portiers à chapeau melon ouvre la portière de la Classe S : Good afternoon, sir ? How was your journey, sir ? Have a pleasant stay… ” D’autres employés de maison présentent leurs salutations et se chargent de nos bagages. Ce n’est là que les premiers de maints égards aimables de tous ordres. Les questions fusent mentalement. Est-on supposé distribuer des pourboires ? Du tout. Le service est all complimentary, tout compris – une façon chic de dire ” gratuit “. Et c’est bien le moins lorsqu’on passe deux nuits dans l’un des hôtels les plus coûteux de la City, à deux pas de Buckingham Palace.

Un full-time butler est mis à disposition 24 heures sur 24 – un James personnel qui, comme le fils aîné de Charles et Diana, s’appelle William. A titre gracieux, lui aussi. Tout comme le sont les coups de téléphone passés vers l’Europe et les Etats-Unis, une tablette à titre privé, des fruits frais et une pléthore d’autres services. La première question du majordome est “Coffee or tea? “et la réponse est “No, thank you very much”. Car on préfère d’abord prendre ses marques, se doucher et enfiler une chemise propre. Sa deuxième question porte sur le fait de défaire les valises. Pourquoi pas ? Quelques minutes plus tard, après avoir expliqué l’usage des divers boutons et leviers, William disparaît. C’est alors que retentit une sonnerie. Non pas celle du téléphone mais celle de la sonnette de la porte. Il s’agit cette fois de l’équipe d’entretien au grand complet qui vient se présenter et demander si tout se passe comme on le souhaite – on imagine ce que cela doit être lorsqu’arrive une vedette du rock, et combien il doit être difficile ici d’être un responsable multinational, avec des interventions constantes de ce personnel dans la sphère privée.

C’est alors que retentit la sonette de la porte d’entrée de la suite. Cette fois c’est l’équipe d’entretien au complet qui vient présenter ses salutations.

Cela étant, le petit bouton scintillant destiné à appeler le majordome, s’avère très tentant. Ding dong. Et William apparaît très rapidement. “Thanks for coming so quickly.” Et de lui remettre quelques chemises et costumes à repasser. A 4 PM, il déposera sur la table de salon une bouteille de champagne Taittinger dans un seau à glace argenté et deux verres de cristal. Deuxième recours au bouton, presque par jeu, pour lui demander, cette fois, d’aller chercher un tube de dentifrice au magasin du coin. “Toothpaste? No problem, sir.”Tout compte fait,le déclin de sa vie privée, on finit par y prendre goût.

COMME CADRE JUNIOR ?

Ne pas être un cadre junior ne signifie pas que l’on ne puisse pas s’habituer très rapidement à une Executive Junior Suite, grâce à cette fameuse faculté d’adaptation – déjà testée lors d’une séance de camping près d’une petite rivière dans la Drôme, en France.

A côté d’une pile de papier à lettres personnalisé se trouve un billet manuscrit signé Paula McColgan, Director of Sales & Marketing, qui souhaite la bienvenue à Londres et dans ce bel hôtel. We look forward to celebrating the re-opening of the hotel with you. Un accueil nettement plus classieux que l’annonce de bienvenue en lettres clignotantes énormes sur le téléviseur allumé. L’écran plat se trouve ici niché discrètement dans le cadre baroque d’un tableau suspendu au mur. ” Discret “… comme si l’on s’attendait à ce qu’un Malevitch soit suspendu incliné dans la chambre ! “Love or hate it, it’s a statement”, dira plus tard Frank Marrenbach, CEO de la Oetker Collection. Le choix est offert entre plusieurs films – de ” Hollywood ” à ” Adult “, car les rich and famous ne dédaignent pas s’offrir de temps à autre une tranche de porno.

Chambre avec vue sur Hyde Park.
Chambre avec vue sur Hyde Park.© The Lanesborough

En Grande-Bretagne, cela relève de l’habitude – it’s a cultural thing– de poser de la moquette partout. Si les plafonds peuvent être recouverts de feuilles d’or de 23 OE carats sur des dizaines de m², le sol est, lui, immanquablement couvert de tapis plain. C’est le cas dans le restaurant Céleste, le Library Bar et toutes les salles publiques. Seules exceptions : le hall d’entrée et les salles de bains où le marbre domine. Le sol de marbre chauffé de la douche s’avère particulièrement appréciable. Outre les habituelles quantités de savons et crèmes de chez Roja Haute Parfumerie, on y trouve aussi une carafe de talc en verre. Du talc ?! N’est-ce pas d’un autre âge – tout comme le bidet, du reste ? Le miroir de la salle de bains se révèle, lui aussi, très surprenant, comportant un écran TV intégré mais relativement petit. Cela étant, ce n’est pas ici que l’on regarde la télévision, bien sûr.

Figues fraîches, fraises, raisins… il y a de quoi se régaler dans cette suite. Et comment dort-on sur un lit de deux mètres sur deux qui compte sept oreillers ? Quatre pour dormir, et trois pour décorer – mais ceux-là disparaissent lorsque la femme de chambre vient à 6 PM préparer les lits pour la nuit. L’un des mini-iPads posés sur la table de nuit permet de fermer les rideaux et de tamiser la lumière.

BON APPÉTIT

En dépit de cette armée plutôt invasive de personnel très policé, on n’en a pas moins l’impression de se sentir chez soi au Lanesborough. Car ce personnel constamment prêt, derrière la porte, à satisfaire le moindre souhait du client s’exécute d’une manière si humaine qu’il est impossible de se sentir mal à l’aise. Serait-ce cela le flegme britannique ? Peut-être. Etre convaincant sans vouloir convaincre – cela a quelque chose d’élégant, d’ humain, de naturel. Et lorsqu’on propose à William – chargé d’un seau à glace et de paniers à fruits vides – de lui ouvrir la porte de la chambre au moment où il veut en sortir, un sourire imperceptible passe sur ses lèvres. En faisant cela, on sort, certes, de son rôle mais lorsqu’on est à ce point submergé de serviabilité, on est tenté de rendre la pareille.

Le restaurant Céleste de style Regency.
Le restaurant Céleste de style Regency.© The Lanesborough

En matière culinaire aussi, The Lanesborough s’avère être une excellente adresse. Le food & beverages est l’un des atouts majeurs du groupe Oetker. On ignore toujours si cela se prononce ” utker ” ou ” outker ” mais, quoi qu’il en soit, il s’agit bien du même Oetker que celui des pizzas – le docteur. On n’aurait osé l’imaginer, mais Frank Marrenbach, CEO de Oetker Collection, le confirme bel et bien au début du dîner ayant lieu au restaurant Céleste. Ce qui a débuté en 1891 comme une petite entreprise de levure chimique créée par le pharmacien Dr August Oetker s’est développé jusqu’à devenir un groupe international qui compte non seulement des banques mais aussi des hôtels de luxe : la Oetker Collection. The Lanesborough en fait officiellement partie depuis 2015 : il s’agit du 9e Masterpiece Hotel. Frank Marrenbach : ” Certains pensent que nous officions dans le secteur de la bijouterie. Cela ne nous dérange pas, car nos neuf hôtels sont les perles du collier que constitue la Collection “. Le collier de perles en est précisément le logo. Et toutes les collaboratrices en portent un, d’ailleurs – sobre et constitué de perles blanches. Tout concorde, donc.

Certains pensent que nous officions dans le secteur de la bijouterie. Cela ne nous dérange pas. Nos neuf hôtels sont les perles du collier de la Oetker collection.

La réputation de la cuisine britannique aidant, on ne peut s’empêcher d’éprouver quelques craintes à découvrir ce qui sera servi dans l’assiette – ce ne seront en tout cas pas des pizzas surgelées. Mais, belle surprise, le chef parisien Eric Frechon, trois étoiles au Michelin – il dirige la cuisine de l’Hôtel Le Bristol à Paris -, a envoyé son protégé Florian Favario au Céleste de Londres. Et ce dernier a concocté des mets de grande cuisine française à partir d’ingrédients anglais. Dont un fabuleux dessert qui, dans la bouche, passe des saveurs douces à des goûts délicatement salés, et qui précède un tube empli de mousse au chocolat accompagné d’une petite cuillerée de glace au moka et d’un copeau de feuille d’argent. Un régal.

IT’S A STATEMENT

Le décor sort de l’ordinaire lui aussi : plafond peint orné de moulures à la feuille d’or, lustre en cristal, bibliothèque regorgeant de livres anciens et deux personnages peints, à l’expression ébahie, semblant fixer les convives. Comment tout cela a-t-il été imaginé ? Il n’est plus possible de poser la question à l’architecte d’intérieur Alberto Pinto, décédé avant même le début des travaux et remplacé dès lors par sa soeur Linda pour assurer le suivi le chantier. The Lanesborough a été entièrement vidé. Même le toit a été démonté pour recevoir une couche d’isolation sous les tuiles. Le caractère sombre de la bâtisse d’origine a été allégé. Les meilleures fonderies de bronze primées, les polisseurs de verre, les menuisiers et les ébénistes de toutes sortes ont accompli leurs missions d’une façon plus que respectable.

Le bâtiment est décoré et aménagé – pour s’exprimer de façon diplomatique – d’une façon classique, peut-être même légèrement désuète. Non pas démodée, mais sophistiquée et très british – celle dont se présentait un hôtel raffiné du début du 19e siècle. De ” style Regency ” comme indiquait le premier briefing adressé à Alberto Pinto. Là encore, que l’on aime ou pas,it’s a statement. Dixit Frank Marrenbach.

Le lendemain matin, comme demandé, le journal The Times est glissé dans la boîte aux lettres. Car, oui, l’Executive Junior Suite en comprend une. Au menu des activités de ce jour : la lecture du journal, un jogging dans Hyde Park, une balade vers la Royal Academy of Arts, à proximité immédiate de l’hôtel et la réception d’ouverture du Lanesborough qui débutera à 19 heures. Une chose à retenir : ne pas dire The Lanes pour en parler… Cela sonne trop snob. A moins que l’on ne soit réellement un familier ou que l’on y travaille. Dans ces cas, c’est accepté, comme le souligne Paula McColgan, Director of Sales & Marketing, qui se reprend très vite lorsqu’elle explique qu’elle travaille depuis 13 ans déjà au ” Lanes “. ” Je veux dire au Lanesborough. ”

ADIEU CHAUFFEUR ET MAJORDOME

L'une des prestations musicales lors de la soirée d'ouverture.
L’une des prestations musicales lors de la soirée d’ouverture.© The Lanesborough

La fête, on ne l’évoquera guère. Elle était très bien organisée. Tous sont arrivée habillés sur leurs 31. Un peu moins de 400 invités, beaucoup de membres de la haute société londonienne et quelques Koweïtiens ayant fait le voyage. Beaucoup de chaussures Louboutin. Dans une salle, un jeune crooner a interprété son numéro accompagné d’un petit orchestre jazz tandis que, dans le restaurant, deux vieux messieurs jouaient l’un, du piano à queue, l’autre, de la contrebasse. Au moment de sortir prendre un peu l’air, coupe de champagne à la main, on s’entend dire : Can you leave your glass inside, sir ? ” L’assistante du portier de service ressemble à un membre féminin de la police secrète. D’ailleurs, qu’en est-il vraiment de la sécurité ici ? Policiers et gardes du corps sont bel et bien présents mais ils ne sont pas identifiables car ils n’ont rien de grands baraqués à lunettes noires. A l’intérieur, il y a partout des caméras de surveillance, “except above your bed”. Au bout d’un moment, on a l’impression d’avoir fait le tour. Encore une cuillerée de caviar au passage, préparée par le chef Florian en personne, et l’on part se coucher, histoire de vérifier l’absence de caméras.

La Oetker Collection comprend une belle liste d’autres hôtels. Mais les chambres d’un Masterpiece Hoteln’ont rien à voir avec celles d’une méga-chaîne qui propose le même look partout. Luxe et exclusivité y sont au rendez-vous, qu’il s’agisse de vacances de ski à L’Apogée à Courchevel dans Les 3 Vallées ou de détente dans le climat chaleureux de la Fregate Island Private – à 4.000 euros par nuitée… mais on peut y occuper l’une des 16 villas se trouvant sur cette île semi-déserte des Seychelles, côtoyer les tortues géantes d’Aldabra, vieilles comme le monde, et déterminer soi-même le nombre de ses serviteurs.

Si deux nuits et deux journées au The Lanesborough ne font pas le bonheur d’un homme, ils lui permettent de découvrir et d’apprécier un autre monde. Le retour vers St Pancras International se fait en Mercedes noire. Et vers Bruxelles, en première classe de l’Eurostar. Revoilà donc la capitale. Ici point de chauffeur à disposition. Ce sera transports en commun et marche à pied. Retour à la réalité de son chez-soi – et à sa chope de bière accompagnée de chips plutôt qu’au coûteux champagne et huîtres façon Florian. “William, where are you? “ ?

www.lanesborough.comwww.oetkercollection.com

TEXTE STEVEN GRAAUWMANS

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