Les secrets du porto

© Michel Vaerewijck

Le porto que produit Graham’s Port supporte sans peine la comparaison avec les meilleurs Bordeaux. C’est ce qu’a pu découvrir Trends Style en visitant les vignobles en terrasses, les pressoirs et les entrepôts de mûrissement de cette maison de porto vieille de 194 ans

Market Manager de Graham’s Port en Belgique, Isabel Monteiro, qui est née et a grandi dans la vallée du Douro, ne tente pas de valoriser démesurément son produit. “ Il est très facile de produire du porto ”, explique-t-elle lors de cette visite au Graham’s Port Lodge, à Vila Nova de Gaia, la ville bâtie face à Porto, sur la rive gauche du Douro. “ Il suffit de cueillir les raisins, de les rassembler dans un lagar – réservoir de pierre – et de les fouler – ce qui permet de tirer la couleur et la saveur de leurs peaux. On ajoute ensuite de l’eau-de-vie à 77 % de taux d’alcool, en vue d’enrayer la fermentation du jus de fruits et d’empêcher les sucres qu’il contient de se transformer en alcool. Tout se passe en 48 heures alors que, pour des vins ordinaires, le processus dure deux semaines. ”

C’est sans doute à la simplicité de sa production, au manque de subtilité et au caractère douceâtre de la plupart de ceux qui submergent le marché – belge notamment – que le porto doit sa réputation de vin de dessert servant uniquement à accompagner un plateau de fromages. Mais en contemplant les rives escarpées du Douro garnies d’étroites terrasses en pierres couvertes de vignobles, on entrevoit un autre tableau. Les raisins que produit cette région relèvent le niveau. Isabel Monteiro : “ Ils offrent tant de goûts et d’arômes que les viticulteurs n’ont besoin que de 48 heures pour en tirer tout le potentiel. Mais ils sont difficiles à cultiver parce que le climat et le sol schisteux ne permettent d’obtenir que de faibles récoltes – à peine un demi-kilo par pied de vigne dans certaines régions. ” Si le soleil estival est implacable, les hivers sont, eux, souvent froids et humides. Le schiste n’absorbe pas l’eau des pluies, ce qui oblige les racines des ceps à descendre en profondeur pour atteindre l’eau. En revanche, en été, le sol retient en surface la chaleur de la journée, qu’il libère durant la nuit, de sorte que les raisins mûrissent 24 heures sur 24. Résultat : leur peau devient épaisse, foncée, riche en arômes et en goût. “ La vallée du Douro possède la plus ancienne dénomination géographique protégée au monde. Le vin hongrois de Tokay a été le premier à voir délimiter la provenance géographique de sa production, mais nous avons été les premiers à fabriquer un vin selon des règles, en 1756. ” Des règles strictes : les producteurs de porto n’ont pas le droit de choisir le lieu de plantation de nouveaux pieds de vignes ni la manière dont ils irriguent leurs vignobles. “ Une autre règle célèbre étant la loi du tiers qui précise que l’on ne peut pas vendre plus d’un tiers de sa récolte, deux tiers devant pouvoir parvenir à maturation. ”

Isabel Monteiro, Market Manager de Graham's Port.
Isabel Monteiro, Market Manager de Graham’s Port.© Michel Vaerewijck

JUS AJOUTÉ

Ce règlement date de l’époque où les commerçants britanniques et écossais échangeaient leur laine et leurs tissus contre des vins concentrés de la vallée du Douro, et les exportaient vers la Grande-Bretagne. (Au 18e siècle, la France et l’Angleterre se livrant une guerre ininterrompue, les Britanniques furent empêchés de s’approvisionner en vins français et se rabattirent donc sur les vins portugais.)

“ Pour remédier à la faiblesse des rendements des vignobles de la vallée du Douro, les commerçants britanniques ajoutaient du jus aux vins. Ces vins contrefaits dévalorisant l’image des producteurs, le Marquis de Pombal énonça cette règlementation stricte. ” En réalité, c’est grâce à ces commerçants que le porto a vu le jour. Les vins de la vallée du Douro avaient un taux d’alcool trop faible et étaient insuffisamment structurés pour résister à la traversée entre Porto et les ports britanniques. “ Du fait de la chaleur qui régnait dans les cales, ils devenaient très secs et perdaient leur caractère fruité. Résultat :  à l’arrivée, il ne restait rien de leur belle saveur. Les commerçants se sont donc mis à y ajouter de l’eau-de-vie juste avant d’embarquer les fûts, ce qui permettait d’interrompre la fermentation. Et ont constaté que le vin se révélait encore meilleur à leur arrivée en Angleterre. On peut donc dire que, sans les Britanniques, le porto n’existerait pas. “La nécessité est la mère de la découverte ”, dit un proverbe portugais. ”

Une règle célèbre étant la loi du tiers qui précise que l’on ne peut pas vendre plus d’un tiers de sa récolte, deux tiers devant pouvoir parvenir à maturation.

NI BON NI MAUVAIS MOMENT

Les règles strictes qui régissent la production de porto sont aussi à l’origine de ses divers types. “ Mais elles sont simples. Il existe des portos blancs et des portos rouges. Les blancs sont doux, mi-doux ou secs. Les rouges mûrissent soit en fûts de chêne, soit en bouteilles – c’est le cas du Vintage Port qui avant d’être embouteillé passe toutefois deux ans en tonneaux de chêne. ” Le processus de maturation se poursuit dans la bouteille où il ne se produit pas d’oxydation, ce qui n’est pas le cas dans les fûts. Résultat : le vin se charge de notes fumées et de cuir, le fruit devient plus doux et les tanins disparaissent. Les Vintage ont le potentiel nécessaire pour mûrir longtemps et donc besoin de plus de temps pour révéler leur valeur.

“ Les Vintage Ports se situent dans la catégorie jadis réservée aux grands Bourgogne et Bordeaux. Après plusieurs années de maturation, ils acquièrent un goût délicat, moelleux. En Grande-Bretagne – notre marché principal -, certains amateurs vont attendre jusqu’à vingt ou trente ans avant d’ouvrir une bouteille de Vintage 2001 alors que les Américains considèrent qu’il est très bien tel quel, et que les Russes l’ont sans doute déjà consommé depuis cinq ans (rires). Se pose dès lors la question du moment idéal pour boire un Vintage. En réalité, il n’y a ni bon ni mauvais moment, car il demeure en permanence un bon vin, offrant le juste équilibre entre fruit, tanins et acidité. Cela étant, en goûtant un Vintage plus ancien – un 1963 ou un 1983 -, on perçoit l’évolution. C’est un autre vin. ”

Le Graham's Port: à base de raisins de qualité exceptionnelle.
Le Graham’s Port: à base de raisins de qualité exceptionnelle.© Michel Vaerewijck

L’ART DE GOÛTER

La classification des portos mûris sur bois s’avère plus complexe. “ En anglais, les termes ruby et tawny désignent des couleurs. Les Ruby ont une robe sombre, couleur rubis. Ils ont mûri en fûts – de grandes barriques en chêne – durant trois ans en moyenne et sont chargés d’arômes jeunes et robustes de fruits rouges. Il ne requièrent que peu de contact avec le bois, leur oxydation revêtant une importance moindre. Les Tawny mûrissent, eux, en pipas – de petits fûts dans lesquels le vin bénéficie d’un contact ample avec le bois. Ils présentent une couleur plus pâle, proche d’un brun ocre, et un goût de noisette et de fruits secs. ” Les Tawny peuvent compter 10, 20 ou 30 ans d’âge, voire être des “ Over 40 Years Old ”.

Si tous les portos sont réalisés de la même manière, la durée de leur maturation détermine leurs différences. C’est là que s’éprouvent le savoir-faire et le talent du producteur. “ Tout l’art consiste à réaliser de bons mélanges. Il ne sert à rien de cultiver les raisins les plus qualitatifs, de posséder les installations les plus modernes et les meilleurs caves et fûts de bois, si l’on ne dispose pas dans la tasting room d’un nez accompli qui, à un Tawny 30 Years Old, par exemple, saura mêler un 20 YO pour le rafraîchir, ou un 40 YO pour lui ajouter de la structure. Un art qui s’apprend progressivement. Il faut avoir acquis une tasting ability, laquelle se transmet en famille, de génération en génération. ”

www.grahams-port.com

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