Jacky Franco de Strelli Homme : ” Nous avons fait un choix artistique clair “

Il a habillé Mick Jagger pour la tournée ” Bridges to Babylon ” des Rolling Stones, a conçu les looks colorés qui ont fait d’Olivier Strelli une référence dans la mode masculine internationale. Aujourd’hui, Jacky Franco demeure la tête artistique du label belge qui s’est offert une cure de jouvence et a été rebaptisé Strelli Homme.

Le nouveau QG de Strelli Homme trouve place dans un entrepôt moderne situé en plein coeur de Gand. Jacky Franco : ” Un nouvel espace, un nouveau nom, un nouveau départ. ” Durant trente ans, ce travailleur de l’ombre, créateur de la ligne masculine du label, a collaboré étroitement avec le fondateur, Nissim Israël – mieux connu sous le pseudonyme d’Olivier Strelli. A la demande du nouveau management, il a repris du collier et contribué au repositionnement de Strelli.

” J’ai créé la collection Strelli Homme en étant animé d’un grand respect pour l’héritage d’Olivier Strelli mais en ayant le regard tourné vers l’avenir. La société évolue et la mode masculine aussi – même si l’on peut avoir l’impression qu’il n’y a pas grand-chose de neuf. La sobriété se pose aujourd’hui en tendance de fond : formes épurées, lignes nettes, détails discrets, matières naturelles. C’est précisément ce qu’incarne Strelli Homme. Qu’il s’agisse du logo, des boutiques ou de la collection. “

Jacky Franco de Strelli Homme :

Dans le même temps, mariant couture et casual, la collection renvoie d’emblée à l’univers d’Olivier Strelli. Ce à quoi contribuent aussi les couleurs et les motifs (signés Jacky Franco), même si la palette de coloris se révèle plus sombre qu’auparavant. ” Une opinion que je ne partage pas, bien que Strelli ait toujours été synonyme d’imprimés et de couleurs vives. Notre nouvelle image traduit l’esprit actuel. Les volumes sont devenus plus ajustés et la vision des couleurs a évolué. Première Vision Paris, salon biannuel des matières, donne à voir 10.000 coloris dédiés aux femmes pour à peine la moitié, si pas le quart, du côté masculin. Les grandes marques doivent s’adapter. “

Durant l’époque glorieuse d’Olivier Strelli – les années 1980 et 90 -, le label proposait des manteaux rouges et des costumes en velours mauve. Pour hommes. Car, dès les débuts, il s’est mis au service des deux sexes, même si la mémoire collective retient essentiellement les collections féminines aux couleurs vives et aux accents méditerranéens. ” Il est logique que le grand public ne connaisse surtout que celles-là car, en Belgique, la mode féminine s’arroge l’essentiel du marché. Nous y avions davantage de boutiques lui étant dédiées – c’était l’inverse à l’étranger. Je conserve d’excellents souvenirs de cette époque. Nous avons réalisé des choses sensationnelles. Nous étions connus aux quatre coins du monde pour nos lignes colorées. Nous donnions le ton en matière de mode masculine, organisions des défilés à Paris et les Rolling Stones nous demandaient de les habiller. Tout était possible. “

VICTIME DU SUCCÈS

L’histoire de Strelli a débuté en 1975. L’ingénieur textile belgo-italien Nissim Israël loue un stand au Salon du Prêt-à-porter parisien et présente sa collection de chemises. Le succès est inattendu. En cinq jours, il vend 60.000 pièces. Parmi les acheteurs, on compte de grands noms – Harrods, Bloomingdale’s… Très vite, le jeune Jacky Franco, déjà actif dans le milieu de la mode, est intégré à l’équipe. Il prend en charge la mode masculine et devient le bras droit du fondateur. Olivier Strelli poursuit sa croissance jusqu’à devenir un véritable empire : à son apogée, l’entreprise comptait plus de 400 boutiques de par le monde. Mais, en 2008, Nissim Israël se retire.

Jacky Franco de Strelli Homme :

Aujourd’hui, grâce aux nouveaux investisseurs, Paul Malingreau (actuel CEO) et ses associés Carl Mourisse et Alain De Mol, Strelli a retrouvé sa place sur le marché, sous un nom légèrement modifié : Strelli Homme. Portés par un nouveau projet sous la direction artistique de Jacky Franco, ils ont su convaincre Olivier Israël, fils de Nissim et propriétaire du nom de marque Olivier Strelli.

” Et nous avons fait un choix artistique clair : une mode masculine contemporaine, un nouveau logo, de nouvelles boutiques. Nous avons tiré les leçons du passé. Le label a été victime de son succès, répondant aux attentes d’une clientèle qui exigeait toujours la même chose, et cessant dès lors d’innover. Le consommateur s’est lassé. J’y ai pris part, je l’avoue, mais le plaisir de créer avait disparu. Nous sommes repartis de zéro, en ayant le regard tourné vers l’avenir. Pour l’instant, nous nous concentrons exclusivement sur la mode masculine. “

Jacky Franco de Strelli Homme :

Si l’idée de relancer la ligne féminine existe, elle relève actuellement de la pure abstraction selon Jacky Franco. ” Priorité à la collection masculine. Et nous ciblons un groupe très particulier : féru de mode, sensible à la beauté et à la qualité. Ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît car le marché a radicalement changé : les hommes aspirent à une certaine sécurité dans leur manière de se vêtir. Ils en reviennent aux classiques, aux basiques. Tout l’art consiste à suivre cette tendance en parvenant à innover. “

LE BLEU DE TRAVAIL

Comment y parvient-on ? Où Jacky Franco puise-t-il son inspiration ? ” Je voyage beaucoup et j’observe ce que les hommes portent à Londres, Paris, Milan, New York. Milan est très classique, très BCBG. Paris est la ville des hipsters – ces jeunes barbus, chaussés de grosses lunettes et de bottines. Ma ville préférée est Londres. Je m’y rends au moins quatre fois par an et je visite les galeries d’art, les musées, les clubs de blues… J’observe ce qui marche parmi les trendsetters – des tenues qui ne se voient pas par ici – et ce que portent les artistes, les publicitaires… Ils assortissent les styles les plus hétéroclites pour créer un look personnel – par exemple, une veste en tweed et des mocassins portés avec un chandail et un bonnet. Cela correspond à ma vision de la mode masculine. J’aimerais les accueillir dans l’une de nos boutiques et leur dire : voici notre collection, habillez-vous comme bon vous semble. Cela pourrait même constituer le pitch d’une campagne publicitaire. “

Jacky Franco de Strelli Homme :

Pour concevoir la collection 2015, Jacky Franco s’est inspiré du travail d’un photographe anglais découvert lors de l’un de ses trips. Et plus particulièrement d’un reportage photo des années 1940 consacré à des ouvriers d’usine et ruraux. ” La veste de travail que je porte aujourd’hui incarne ce que j’ai voulu réaliser : une version moderne et habillée de tenues vues sur ces photographies. En coton teint dans le même bleu spécifique que celui qui pare les ouvriers. C’est devenu l’une des pièces maîtresses de la collection. “

Est-il facile aujourd’hui d’attirer les hommes dans les boutiques ? ” Cela ne l’est pas mais nous aménageons celles-ci de la façon la plus attrayante possible. Pour la boutique gantoise, nous avons choisi un intérieur atypique qui fait contraster des matériaux bruts – brique et bois – avec les coloris délicats et les imprimés de la collection. Et, pour proposer un concept total, nous complétons la ligne d’autres labels – les jeans Edwin, les sneakers CEBO. Nous organisons aussi des événements permettant de faire connaître nos produits et d’attirer la clientèle masculine. Pour que celle-ci puisse se familiariser avec la marque, il importe de bénéficier d’une visibilité suffisante et d’avoir suffisamment de boutiques en nom propre. Nous en avons déjà ouvert quatre : à Gand, à Anvers, à Hasselt et à Knokke – un flagship store. Une nouvelle devrait encore ouvrir ses portes à l’automne mais je ne peux en dire plus pour l’instant. ”

Texte : Ilse Bal

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