“Il existe encore des perspectives de développement très encourageantes”

Troisième génération à la tête de la société horlogère suisse Raymond Weil. Le CEO Elie Bernheim conjugue trois passions : l’horlogerie, la musique et la gastronomie.

Elie Bernheim : ” Notre marque est appréciée sur l’ensemble des territoires parce qu’elle est capable d’offrir des produits d’une qualité exceptionnelle, associée un design très soigné et un grand raffinement, le tout à un prix abordable. Quand je parle de prix abordable, cela se situe entre 600 et 2.500 euros. C’est dans ce créneau que nous détenons nos véritables parts de marché et que nous sommes un acteur majeur.

Avant d’être nommé CEO de la marque, vous avez été, depuis 2006, responsable de son développement et de l’optimisation de sa stratégie mondiale.

-J’ai la chance d’avoir un père qui m’a invité à le rejoindre en 2006 et à qui j’ai demandé d’avoir une relative liberté pour développer la marque pour les 25 prochaines années. Cela a été l’occasion pour moi de faire évoluer l’identité visuelle générale vers un style plus moderne, plus jeune, plus contemporain. J’ai développé une stratégie de produits compréhensible par tous – pas seulement les consommateurs finaux, mais également notre canal de distribution, à savoir nos filiales, nos distributeurs et nos détaillants, qui sont les acteurs principaux dans notre succès. Quand on évoque une entreprise familiale comme la nôtre, se pose la question de la responsabilité par rapport à un réseau qui doit pouvoir s’identifier à un message, à un esprit et à un certain dynamisme. C’est ce que j’ai voulu inculquer très rapidement aux différents collaborateurs avec lesquels je travaille.

En tant que CEO, comment voyez-vous l’avenir stratégique global de l’horlogerie ?

-Je suis à la fois optimiste, mais aussi modéré et prudent. Depuis 20 ans, Raymond Weil est en croissance constante – excepté en 2009 -, comme tous les acteurs importants de l’horlogerie. Cette tendance générale à la croissance est en partie liée à une forme de bulle qui s’est créée en Asie, et plus particulièrement sur le marché chinois, avec beaucoup d’investissements dans le développement de boutiques et de points de vente. Par rapport à cette tendance, le mot d’ordre de Raymond Weil a toujours été de répartir le risque et de ne pas avoir de ‘surposition’. Aujourd’hui, le marché asiatique est en phase de léger ralentissement et fait donc face à une vague de consolidation. Reste qu’il existe encore des perspectives de développement très encourageantes pour des marques comme la nôtre.

Quelle est votre vision du marketing aujourd’hui ?

-Le marketing est essentiel, et il évolue très vite. Par exemple, il y a encore dix ans, personne ne parlait du numérique, alors qu’aujourd’hui, il s’agit de l’un des principaux vecteurs de communication, notamment à travers les sites internet, les réseaux sociaux, Instagram, etc. Je crois personnellement beaucoup à l’impact du numérique. Par ailleurs, le marketing au niveau des points de vente est extrêmement important pour nous – le fait d’avoir une ” corporate identity ” avec un univers de marque précis et clair.

Freelancer Piper van Raymond Weil
Freelancer Piper van Raymond Weil

Parlant d’univers de marque, la musique a toujours été au coeur de l’histoire de Raymond Weil. Votre mère était elle-même pianiste professionnelle et on vous dit passionné des arts en général, et de la musique en particulier. Parlez-nous de ces deux mondes…

Nous sommes tous très mélomanes dans la famille, et c’est peut-être cela qui fait le charme de notre société, que nous ayons réussi à combiner nos passions à la fois pour l’horlogerie et pour la musique. Depuis bientôt plus de 38 ans, la marque Raymond Weil est associée à l’univers de l’art et de la culture, et principalement de la musique, ce dont nous sommes particulièrement fiers. Tout a un lien, une connexion, une synergie avec cet univers-là, depuis les partenariats conclus avec des grandes salles de concert, les remises de prix, les plateformes de musique en ligne et les actions caritatives, jusqu’au nom de nos collections et, depuis peu, au design de certaines séries limitées qui sont inspirées d’instruments et de groupes musicaux.

Vous êtes diplômé de la prestigieuse Ecole Hôtelière de Lausanne. Quel est l’apport de ce parcours académique vis-à-vis de vos responsabilités actuelles ?

C’est une vraie école de vie, dont je suis un fervent ambassadeur. Elle est totalement internationale – je me souviens que dans ma classe j’avais des amis venant du Japon, du Guatemala ou du Brésil notamment – et cette dimension ouvre l’esprit à un large éventail de cultures. Dans le même temps, il s’agit d’une business school -probablement l’une des deux meilleures de Suisse – qui intègre une véritable sensibilisation au monde professionnel grâce au fait que les étudiants sont tenus d’effectuer différents stages en entreprise. Il s’agit d’un apprentissage du monde professionnel avant l’heure ! Aujourd’hui, on a besoin de jeunes qui savent non seulement manier les outils informatiques et parler plusieurs langues, mais aussi travailler en entreprise. Et enfin, à l’Ecole Hôtelière, on passe par tous les services, de la plonge à la gestion, et on apprend à valoriser chaque métier. Ce que je ressens au quotidien, c’est que quel que soit le collaborateur et la tâche qu’il doit accomplir, il revêt à mes yeux une importance essentielle parce que sans lui, je ne pourrais pas développer ce que l’on réalise aujourd’hui.

Vous parliez de la faculté d’intégrer ses passions dans sa vie professionnelle. Vous l’avez également concrétisée avec la gastronomie…

En effet, je n’ai pas fait l’école hôtelière par simple hasard ! En réalité, j’ai trois passions : l’horlogerie, la musique et la gastronomie. Cette formation m’a permis d’associer celles-ci à une business school. Je suis quelqu’un de très entreprenant dans l’âme, et il y a quelques années, j’ai ouvert deux restaurants à Genève. C’est pour moi un plaisir immense de m’en occuper. Et de m’y rendre aussi, car j’adore la cuisine qu’on y propose.

Quels sont les enseignements que votre père et votre grand père vous ont prodigués ?

Les valeurs humaines importantes, dont le respect d’autrui. Si notre société compte parmi les fleurons de l’horlogerie, c’est parce que nous avons cette capacité à établir des liens humains forts avec nos partenaires – nos distributeurs et nos détaillants – qui se reconnaissent dans notre marque et ont envie de la développer avec nous.

De manière générale, quel est selon vous le rôle d’un CEO aujourd’hui ?

Son rôle est de construire, de bâtir, d’être dynamique. Il ne faut certainement pas rester sur ses acquis et croire que demain sera comme aujourd’hui, mais au contraire innover et investir. Dans les outils, dans la production, dans la créativité, mais aussi dans l’humain, dans le travail des équipes, afin que celles-ci soient motivées à amener l’entreprise à accéder à des sphères encore plus élevées en termes de résultats et de visibilité sur les marchés.

Texte Nathalie Marchal

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