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Sommes-nous dans une république bananière ?

Les partis néerlandophones qui veulent passer en force la loi sur BHV n’alimentent que la méfiance des francophones. Tout comme les demandes pour l’élargissement de Bruxelles constituent une attaque frontale pour les Flamands. Bref, plutôt que de jeter de l’huile sur le feu, négociez !

A l’heure où nous bouclons ces lignes, la démission du gouvernement vient d’être acceptée par le Roi. Et les présidents de partis francophones montrent un coupable du doigt : l’Open VLD. Il est vrai que son attitude est inacceptable et tout à fait irresponsable. Est-il nécessaire de leur rappeler qu’il s’agit de la gouvernance d’un pays et non d’une république bananière ? Mais il est réducteur de ne pointer qu’un seul mouton noir, alors que la situation pourrit depuis des années. Les responsabilités sont, à mes yeux, partagées des deux côtés de la frontière linguistique. Comment accepter les déclarations d’Olivier Maingain, président du FDF, qui estimait qu’aucun délai ne pouvait être imposé aux négociations et que le projet de Jean-Luc Dehaene ne pouvait servir comme base de discussion alors que Didier Reynders se montrait optimiste pour reprendre les négociations ?

Dans ce cadre, il me semble que la lecture de deux best-sellers sur la négociation, Getting to Yes et Getting Past No, écrits par deux professeurs de Harvard, William Ury et Roger Fisher, pourrait se révéler très utile pour notre classe politique. En voici quelques principes.

Le premier est la nécessité de prendre distance. “Face à un refus ou une attaque, il ne faut pas réagir immédiatement en contre-attaquant mais garder les yeux fixés sur l’objectif”, conseillent les deux Américains. Jean-Luc Dehaene a notamment utilisé cette technique en entourant ses propositions d’une grande discrétion afin d’éviter toute surenchère. C’est également l’attitude adoptée par Thomas Leysen, président de la FEB, et le Groupe des Dix qui insistent sur l’objectif à atteindre : offrir un cadre stable afin de favoriser le développement économique belge. Une attitude dont pourraient certainement s’inspirer Bart De Wever (N.VA) et Olivier Maingain (FDF) dont les déclarations ont l’art d’alimenter la controverse.

Deuxième règle : créer un climat propice à la discussion. “Votre interlocuteur s’attend à ce que vous attaquiez ou résistiez, expliquent les auteurs américains. N’en faites rien. Désarmez-le en prenant son camp, en montrant que vous comprenez son raisonnement.” C’est un conseil que l’Open VLD serait très avisé d’appliquer. Son attitude la semaine passée et les conditions qu’il a dictées pour revenir à la table des négociations ont rendu tout dialogue impossible. L’attitude du CD&V et de sa présidente me semble par contre beaucoup plus constructive pour, in fine, sceller un accord.

Troisième attitude à adopter : “Plutôt que de rejeter la position adverse – ce qui ne fait que la renforcer -, concentrez-vous sur la manière de rencontrer les intérêts des différentes parties.” En décrivant les propositions de Jean-Luc Dehaene comme étant un projet “flamand”, les partis francophones ont ainsi fait preuve d’une réelle mauvaise foi car certains éléments du document sont difficilement acceptables pour les Flamands. Pourquoi ne pas davantage s’inspirer de la méthode d’Herman Van Rompuy dont les capacités d’écoute et de respect ont fait merveille ?

Quatrième conseil : “Durant les négociations, votre interlocuteur peut bloquer le processus. Prenez le contre-pied, impliquez-le dans le processus, en incorporant ses idées. Bref, facilitez-lui la tâche de dire oui”, proposent Roger Fisher et William Ury. Ce conseil serait particulièrement utile pour les partis francophones. Tout le monde sait qu’un statu quo n’est pas acceptable et qu’afficher un “non” ne mènerait qu’à une radicalisation des exigences néerlandophones. L’exaspération au nord du pays est réelle et il aurait fallu en tenir compte avant que cette crise ne s’envenime.

Enfin, ne mettez pas votre interlocuteur à genoux. “Si votre interlocuteur résiste et estime qu’il peut remporter la partie sans négocier, démontrez-lui le contraire. Minimisez sa résistance en lui démontrant que votre but est la satisfaction mutuelle, pas une victoire”, concluent les deux auteurs. Les partis néerlandophones qui veulent passer en force la loi sur BHV – un vote qui est impossible vu les mécanismes de protection des minorités – n’alimentent que la méfiance des francophones. Tout comme les demandes pour l’élargissement de Bruxelles constituent une attaque frontale pour les Flamands. Bref, plutôt que de jeter de l’huile sur le feu, négociez !

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