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Science-fiction monétaire : la Belgique dans la zone mark ?

Que se passerait-il si l’improbable scénario catastrophe de fractionnement de la zone euro s’imposait à l’Europe ? On pourrait imaginer une dislocation géographique (Nord-Sud) ou même un effritement par grappes de pays.

Afin de lever toute ambigüité ou d’écarter tout message subliminal, ces quelques lignes esquissent un scénario qui nous semble impossible et dont la description relève de la science-fiction. Que se passerait-il si l’improbable scénario catastrophe de fractionnement de la zone euro s’imposait à l’Europe ? On pourrait imaginer une dislocation géographique (Nord-Sud) ou même un effritement par grappes de pays.

Cet aboutissement théorique n’est pas plausible, mais il ne peut pas être totalement exclu : les différentiels de compétitivité et d’industrialisation entre les pays participants sont énormes, les taux d’intérêt et la qualité des finances publiques divergent et l’absence de budget européen crédible oblige les Etats membres à utiliser la création monétaire (au travers de la Banque centrale européenne) pour régler des problèmes de solvabilité et de liquidité de certaines économies périphériques.

C’est sans doute ce dernier point qui est le plus inquiétant : alors que les politiques budgétaires et fiscales devraient charpenter les (dés)équilibres de dettes publiques entre pays, nos gouvernants utilisent la politique monétaire, au risque de fragiliser ce circuit économique qui doit rester le plus intègre.

A partir du moment où des Etats sont contraints par une monnaie unique sans capacité d’en altérer la valeur relative par des dévaluations ou des réévaluations, c’est aux facteurs de production, à savoir les hommes et le capital, de se fluidiser afin de localiser les zones d’emploi et de croissance. Le secteur financier et le marché du travail auraient donc dû se détendre. Or on a constaté l’inverse : suite à la crise bancaire et aux besoins financiers des Etats, le secteur financier est replacé sous la sphère publique, tandis que la mobilité du travail reste très faible.

Désormais, l’homogénéité des politiques économiques des Etats-membres qui est interpelée. Les facteurs de désynchronisation sont nombreux : géographies et modèles de croissance antagonistes, absence de fiscalité et de budget fédéral européen, accès divergents aux marchés des capitaux, disparités des systèmes sociaux, mécanismes de pensions hétéroclites, pressions inflationnistes antinomiques, différentiels démographiques, manque de synchronie des cycles économiques, etc.

Les unions monétaires ne sortent jamais indemnes des grandes crises. En effet, les ancrages de devises sont bâtis en haute conjoncture. Et, surtout, ils exigent une convergence économique qui est justement ébranlée par le manque de rigueur budgétaire découlant des crises financières. Il n’est d’ailleurs pas exclu que la fragilisation financière de certains Etats ne soit que le symptôme budgétaire d’un mal européen plus important : les insoutenables systèmes de répartition sociaux et des endettements hérités des politiques keynésiennes du passé ou de la croissance bâtie sur l’endettement public ou privé.

La valeur ajoutée de la Belgique

Mais, dans un scénario catastrophique de désintégration de la zone euro, où se situerait la Belgique ? Une zone monétaire doit s’envisager à l’aune des équilibres géopolitiques, mais surtout de l’homogénéité géographique des pays qui la composent. Il faut greffer sur cette réflexion la théorie (de David Ricardo) de l’avantage comparatif qui postule que, dans un contexte de libre-échange, chaque pays, s’il se spécialise dans la production pour laquelle il dispose de la productivité la plus forte ou la moins faible, comparativement à ses partenaires, accroît sa richesse nationale.

Dans cette perspective, une zone Euromark qui serait cohérente inclurait certainement l’Allemagne, le Benelux, l’Autriche, certains pays de l’Est et…la Pologne qui abandonnerait le zloty. La valeur ajoutée de la Belgique serait évidente : elle compléterait l’accès à la mer de l’Allemagne (qui constitue son principal partenaire économique) et homogénéiserait le versant atlantique de l’Allemagne dans une zone de commerce qui serait puissante. La Belgique confirmerait son empreinte industrielle et son rôle d’économie de transit, tandis que d’autres pays, plus agricoles comme la Pologne, compléteraient la nouvelle zone monétaire. Cette configuration, improbable à ce stade, serait un lointain écho au Traité de Westphalie qui, en 1648, a repartagé l’Europe et a donné naissance aux Etats-nations.

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