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Règle d’or ou de papier ?

La “règle d’or” définie le week-end dernier fait preuve d’une certaine souplesse, indispensable, mais insuffisante à mes yeux.

Dans le débat lié à la crise européenne de l’endettement, le terme de “règle d’or” fait toujours référence à une règle contraignante en matière de finances publiques. L’Allemagne ayant depuis 1949 adopté une telle règle (sans d’ailleurs l’avoir toujours respectée !) a obtenu de voir ce principe étendu à l’ensemble des pays de la zone euro: le déficit public corrigé pour le cycle économique ne pourra plus dépasser 0,5 % du PIB.

La règle d’or fait preuve d’une certaine souplesse…

La “règle d’or” définie le week-end dernier fait preuve d’une certaine souplesse, indispensable, mais insuffisante à mes yeux. En effet, viser une cible identique chaque année (par exemple un déficit maximum de 0,5 % du PIB) reviendrait à aller à l’encontre de l’objectif de la politique budgétaire. Celle-ci doit en effet jouer contre le cycle, en acceptant le creusement de déficits en cas de mauvaise conjoncture, afin d’atténuer les effets de la récession mais surtout de relancer la machine économique. A l’inverse, en cas de très haute conjoncture, la saine gestion des finances publiques requiert de dégager des surplus, afin de combler les déficits passés, mais aussi dans le but de freiner quelque peu l’économie et ainsi éviter la surchauffe. Un objectif fixe quelles que soient les conditions macroéconomiques n’est donc pas idéal. C’est pourquoi l’accord européen fait référence à un déficit structurel, c’est-à-dire corrigé pour le cycle. Concrètement donc, des déficits plus importants en cas de récession seront acceptés. On aurait néanmoins pu aller plus loin et imposer aux pays de dégager des surplus en période de haute conjoncture, car ne pas dégager de surplus quand tout va bien peut être plus dangereux que d’accepter un léger déficit quand tout va mal.

…mais porte mal son nom

Si l’accord intervenu offre une certaine souplesse par rapport à la situation économique, il demeure par contre assez rigide face aux spécificités de chaque pays, si bien que la règle d’or adoptée porte mal son nom. Une véritable règle d’or est en fait un principe (un certain déficit public ou un certain taux d’endettement dans le cas présent) au service d’un objectif final (non pas l’équilibre des finances publiques, mais la maximisation de la croissance). Dans les années 1960, l’économiste Edmund Phelps avait étudié une telle règle d’or en matière de taux d’épargne des ménages, l’idée étant la suivante : dans un modèle de croissance de l’économie, on peut chercher à maximiser la croissance, à l’équilibre, de la consommation. Si le taux d’épargne aujourd’hui est nul, la consommation est maximale, mais il n’y a pas d’épargne pour financer des projets d’investissement et, compte tenu de la dépréciation des infrastructures productives en place, à terme, il n’y a plus de production, plus de revenus et…plus de consommation. Au contraire, si le taux d’épargne est maximal aujourd’hui, il n’y a pas de consommation, donc pas de revenu non plus, et le seul équilibre du modèle est une nouvelle fois une consommation nulle. Entre ces deux cas extrêmes cependant, on peut déterminer un taux d’épargne optimal qui assure le financement de l’économie et optimise la croissance de la consommation.

Rapportée aux finances publiques, la vraie règle d’or serait de définir le déficit optimal (ou même le taux d’endettement optimal) qui, à l’équilibre, maximise la croissance économique. Or, ce taux optimal est tributaire des taux d’intérêt, de la structure du pays et des conditions de départ des finances publiques. Une règle d’or en matière de finances publiques aboutirait donc à un objectif de déficit différent pour chaque pays.

Bons et mauvais déficits se côtoient

Enfin, et c’est peut-être le plus important, toute politique budgétaire doit être efficace: si la Grèce avait mis à profit les énormes dépenses publiques ayant creusé son déficit au fil des ans pour investir dans le futur, elle serait probablement une des économies les plus à la pointe technologiquement aujourd’hui. De manière générale, un déficit de 3 % du PIB afin de financer des projets porteurs pour l’économie peut parfois s’avérer moins dangereux qu’un déficit de 0,5 % du PIB dépensé dans des politiques inutiles. Au-delà de la définition d’un objectif commun, aussi souple soit-il, il faut donc espérer que la dynamique lancée lors du dernier sommet européen se poursuivra par une meilleure utilisation des moyens mis à disposition des Etats. Le chantier en la matière me paraît encore fort important. Si tel n’est pas le cas, ce que l’on nomme aujourd’hui la règle d’or risque de demeurer une bonne intention couchée sur papier (aussi constitutionnel soit-il).

Un déficit de 3 % du PIB afin de financer des projets porteurs pour l’économie peut s’avérer moins dangereux qu’un déficit de 0,5 % du PIB dépensé dans des politiques inutiles.

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