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Réflexions sur le droit de vote des actions

Depuis quelques années, on s’interroge sur le bien-fondé d’avoir, pour une entreprise cotée, un actionnaire de référence. Faut-il, en effet, privilégier un actionnariat exclusivement minoritaire ou, au contraire, conforter l’existence d’un actionnaire de référence qui est chargé de piloter l’entreprise ?

Depuis quelques années, on s’interroge sur le bien-fondé d’avoir, pour une entreprise cotée, un actionnaire de référence. Faut-il, en effet, privilégier un actionnariat exclusivement minoritaire ou, au contraire, conforter l’existence d’un actionnaire de référence qui est chargé de piloter l’entreprise ?

Certaines études signalent qu’un actionnaire de référence est une valeur ajoutée pour l’entreprise, surtout en période de turbulences conjoncturelles. Pourtant, l’actionnariat de référence ne fonde pas, dans l’absolu, le meilleur modèle. Il peut d’ailleurs conduire à des conflits d’intérêt entre actionnaires, voire à des décotes boursières.

En même temps, l’actionnariat exclusivement minoritaire (reflétant les tendances anglo-saxonnes) n’est pas exempt de failles. En effet, si l’actionnariat d’une entreprise est fragmenté, un actionnaire qui rassemble quelques pour cent des droits de vote devient ipso facto un actionnaire de référence. Cela conduit parfois à des dérives telles que des chantages sur des directions, voire des choix stratégiques sub-optimaux.

De telles actions ont déjà existé

En filigrane de ces différences de modèles, c’est la question du droit de vote qui se pose. Contrairement au droit au dividende, acquis passivement par tous les actionnaires, le droit au vote n’est pas toujours exercé par l’actionnaire minoritaire.

Certains vont, dès lors, plus loin : si les droits de vote ne sont pas exercés par les actionnaires minoritaires, c’est que leur valeur est insignifiante. Cela signifie théoriquement que leur valeur est de facto transférée gratuitement par les actionnaires minoritaires à l’actionnaire de référence. Ne faut-il pas, dès lors, attribuer des droits de vote additionnels aux actionnaires stables ? Il s’agirait donc de déroger au principe selon lequel le nombre de voix attaché aux actions est proportionnel à la quotité de capital qu’elles représentent. Du reste, l’idée n’est pas neuve : les actions à droits de vote multiple ont déjà existé en Belgique, avant qu’un arrêté royal de 1934 les supprime, dans le sillage du krach de 1929.

Mais, là aussi, deux courants de pensées s’opposent en matière d’actions à droits de vote majorés.

Ceux qui sont favorables à l’idée soulignent l’incongruité de donner la même influence, en termes de droits de vote, à des actionnaires permanents et en transit. Dans cette perspective, il convient de récompenser la stabilité de l’actionnariat en majorant les droits de vote de ces actions stables. Cela permet à l’actionnaire de référence d’alléger son investissement financier dans l’actionnariat de l’entreprise. En effet, à nombre de droits de vote égal, il lui faut détenir moins d’actions pour garder son influence. Ceci permet aussi d’augmenter le free float (fraction des titres traités en Bourse), sans mettre en péril la structure de l’actionnariat de référence.

Pour d’autres protagonistes, cette démarche conduirait au renforcement des structures de holdings, dont l’objectif est souvent de maximiser le pouvoir de direction en minimisant le nombre de titres détenus dans les filiales. L’émission d’actions à droit de vote multiples tendrait donc à escamoter les actionnaires minoritaires. En renfort de cet argument, une récente étude de la Commission européenne avance que les actions à droits de vote irrégulier souffrent d’une décote de 10 % à 30 %. Dans cette optique, la privation du droit de vote doit être rémunérée sous une forme ou l’autre (dividende prioritaire, etc.).

Mais quel est le véritable problème ? Les cotations boursières sont alimentées par un flux continu d’achats et de ventes. Par contre, l’exercice du droit de vote est lié à la détention de l’action pendant un bref intervalle de temps, à savoir au moment des assemblées générales.

En d’autres termes, on oppose une cotation boursière qui, pour exister, exige un flux permanent d’acheteurs et vendeurs, à un droit de vote qui requiert une fugace détention des titres pendant un moment confiné. Ce mode d’organisation était adapté lorsque les marchés boursiers étaient peu mobiles et moins fractals. Mais, de nos jours, ce manque de “synchronicité” n’est pas optimal. En effet, la propriété de l’action est dynamique tandis que l’exercice du droit de vote est statique.

Une orientation à long terme devra être prise

On en arrive donc à une constatation implacable : le cours de Bourse ne peut exister entre deux assemblées générales que s’il exclut certains actionnaires. Ces actionnaires exclus sont les vendeurs de titres qui transmettent leur droit de vote à des acheteurs subséquents. Inversement, si tous les actionnaires voulaient le rester, afin de pouvoir exercer leur droit de vote, il n’y aurait pas de vendeurs de titres, donc pas de cotation.

Intuitivement, une orientation à long terme devra donc être prise. Celle-ci pourrait consister en l’extraction du droit de vote pour les actionnaires instables. Le droit de vote des actionnaires stables pourrait donc augmenter, dans de strictes limites, au fur et à mesure de la détention. Il pourrait devenir caduc en cas de changement de contrôle. Mais d’autres modalités sont envisageables : actions sans droit de vote à dividende prioritaire, capital remboursable, etc.

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