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Réflexions hallucinogènes sur la dette publique

Et si tout ceci n’était qu’une immense illusion ? Si ces milliards de dettes, de plans de relance, de déficits publics n’étaient que des expressions virtuelles ?

Et si tout ceci n’était qu’une immense illusion ? Si ces milliards de dettes, de plans de relance, de déficits publics n’étaient que des expressions virtuelles ? Si les assouplissements monétaires n’étaient finalement que des chiffres encodés sur les écrans des ordinateurs de la Banque centrale européenne ? Si créer de la monnaie était aussi simple que l’encodage d’un numéro dans un GSM ? Et que pour la retirer du marché, il fallait juste effacer quelques chiffres sur un tableur ?

Car, quand on y réfléchit, où sont les centaines de milliards d’euros qui ont été débloqués pour aider quelques économies européennes, telles la Grèce et l’Irlande. Les autorités européennes ont financé un fonds de 440 milliards. Cela représente plus de 900 euros par citoyen de l’Union européenne.

Où sont les billets ? S’agit-il d’une écriture en compte ? D’une monnaie électronique inconnue ? D’un immense “MisterCash” ? Pourrait-on créer cet argent si d’immenses rotatives devaient les imprimer ? Et si ces rotatives étaient visibles, comment distribuerait-on les billets injectés dans les économies sabordées ? Si on prend le cas de l’Irlande, qui a reçu 85 milliards d’euros et qu’on imagine que le transfert a été effectué en petites coupures de 20 euros, il faudrait une surface de 40 km2 pour étaler les billets côte à côte. Si on étend cela au fonds global de 440 milliards destiné à éviter les défauts de crédit, on a besoin de 210 km2. C’est beaucoup 210 km2, sachant que la surface des 19 communes bruxelloises est de 160 km2.

580 fois le poids de l’Atomium

Bien sûr, on objectera qu’on ne renfloue pas un pays avec de petites coupures en billets usagés, comme dans un mauvais kidnapping. Et que si la Banque Centrale met en presse des billets, elle le fera plutôt en billets de 500 euros. N’empêche, c’est beaucoup. En pièces de 2 euros, le sauvetage de l’Irlande (85 milliards d’euros) aurait pesé 360.000 tonnes. A ce prix-là, la dette belge pèserait 1.500.000 tonnes, soit 580 fois le poids de l’Atomium. On le voit, un euro fort, ça pèse !

D’aucuns rétorqueront que la comparaison avec l’Atomium n’est pas pertinente : on ne rembourse pas une dette avec un symbole national. Et puis l’Atomium, il n’y en a qu’un. Parlons plutôt en maisons, alors. La dette publique belge s’élève à 342 milliards d’euros. Sur la base d’un prix moyen d’une maison de 250.000 euros, la dette s’élève à 1.400.000 maisons, soit des habitations qui pourraient héberger 5,6 millions de Belges, si on loge quatre personnes par maison. Cela devient beaucoup, tout cela. Si, en plus, on ajoute le coût du vieillissement de la population, on en arrive à 2 millions de maisons, soit de quoi loger 80 % de la population. Nous avons donc collectivement emprunté notre logement.

On pourrait aussi, pour l’exercice, comparer la dette publique à la valeur d’un Boeing 747. Un tel avion, bien équipé, doit coûter 250 millions d’euros. A ce prix-là, la dette publique correspond à près de 1.400 avions. Autre mesure : si l’on mettait, bout à bout, des billets de 500 euros correspondant à la dette publique belge, on alignerait des billets sur 110.000 km, soit un bon quart de la distance Terre-Lune. La dette correspond aussi à un menu “Giant ®” (avec grandes frites et boissons) pour chaque Belge pendant 13 ans. Pas mal pour un petit pays.

Alors, que penser de tout cela, sauf qu’y penser met mal à l’aise et qu’on espère repousser le remboursement de la dette à plus tard. L’argent ne serait-il qu’une grande illusion ? Sa transformation en monnaie électronique le rend-il moins tangible ? Et les économies sur des comptes : sont-ce vraiment de l’argent ou bien seulement des scintillements sur un écran ? Si c’était le cas, l’épargne en valeurs mobilières ne serait-elle qu’une expression nomade ?

Tout ceci n’est bien sûr qu’un mauvais rêve. Le système tient bon et l’argent est devenu électronique. Il n’y a pas d’argent réel à opposer à de l’argent virtuel. Les comptes sont aussi sûrs que des billets, car si les comptes ne valent plus rien, les billets non plus. De plus, la dette publique est la créance la plus sûre du Royaume. Mais il faudra progressivement la rembourser. Cette dette est une hypothèque colossale que nous avons fait peser sur les générations futures. Mais est-ce vraiment ce que nous voulions léguer à nos descendants : le remboursement de notre bien-être. Alors, même en menus “Giant ®”, ce sera indigeste.

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