Trends Tendances

Récession ou pas récession, telle… n’est pas la question

L’un ou l’autre indicateur économique américain avait redonné espoir aux marchés à la fin août, mais les statistiques de l’emploi publiées le vendredi 2 septembre ont noyé ce timide regain d’optimisme dans un océan de détresse. Les économistes n’attendaient pas la lune, mais le plus pessimiste n’imaginait pas qu’on arriverait à zéro création d’emploi en août aux Etats-Unis !

Du coup, le “terrible mot en R”, cette périphrase fort usitée dans le monde anglo-saxon pour désigner la récession, a connu un regain de popularité parmi les commentateurs de la scène économique. Ils ont fait le point sur la situation au niveau mondial et leur conclusion est préoccupante. Base de jugement : le très prisé purchasing manager’s index (PMI), ou indice des directeurs d’achat, également désigné ISM aux Etats-Unis, du nom de l’organisme qui en assure le calcul. Résultant d’une large enquête dans les entreprises, ce PMI est considéré comme un excellent indicateur de la conjoncture, dans ses composantes présente et future. Or, à 50,9 aux Etats-Unis et 49 dans la zone euro pour le secteur industriel, ou encore à 50,7 en Europe pour l’indice composite (industrie + services), on est partout en zone dangereuse, loin des niveaux de 55 à 60 qui caractérisent un bon tonus économique. Et auxquels on se situait encore en début d’année ! La moyenne planétaire s’établit aujourd’hui à 50,1, soit un fifrelin seulement au-dessus de cette barre des 50 points qui marque la frontière entre expansion de l’activité économique et contraction.

La récession n’est donc pas loin. Certains y croient, d’autres pas. Ces discussions semblent toutefois byzantines face à une perspective qui gagne du terrain dans l’esprit des économistes et gestionnaires d’actifs : la croissance américaine, mais probablement aussi européenne, sera faible pendant longtemps. Le temps qu’il faudra pour digérer la crise de 2008, c’est-à-dire évacuer en douceur l’endettement accumulé pendant des décennies d’inconscience et qui a culminé avec les subprimes. Voilà un mois, le groupe BlackRock, premier gestionnaire du monde avec plus de 3.000 milliards de dollars sous dossier, affirmait s’attendre à une croissance de 1 à 2 % à peine durant les 10 prochaines années aux Etats-Unis. Soit la moitié à peine du taux historiquement affiché là-bas !

Qu’est-ce que cette faiblesse pérenne pourrait signifier au niveau, par exemple, des bénéfices des entreprises ? Bien malin qui en aurait une idée dès aujourd’hui. C’est le dilemme de la Bourse : l’affirmation selon laquelle les actions sont très bon marché sur la base du rapport cours-bénéfice (P/E) est pour le moins fragile. Le bénéfice en question, c’est-à-dire celui qu’on espère pour l’avenir, risque en effet de se révéler caduc dans un scénario d’anémie chronique. Tout le monde n’est au demeurant pas convaincu que la Bourse soit bon marché. Quelques contestataires ont ainsi pris à témoin le P/E “cycliquement ajusté” (Cape) concocté par l’incontournable Robert Shiller, professeur à Yale. Selon ce Cape, Wall Street est plutôt surévalué. Pour être qualifiée de vraiment bon marché, la Bourse américaine devrait encore chuter de moitié ! Vrai ou faux, voilà qui pourrait toutefois passer pour une autre discussion byzantine face à cette énorme inconnue que représenterait une croissance durablement chétive…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content