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Que celui qui dépense soit impuni

La crise a créé un nouveau bouc émissaire. Le grand méchant loup ? L’impôt. Celui contre lequel tout le monde se révolte, l’incarnation suprême de l’austérité ambiante et de la perte de liberté individuelle.

Selon la gravité de la situation, on est tenu de l’accepter, on parvient à l’éviter ou on le planque derrière d’autres manoeuvres qui aboutissent plus ou moins au même résultat. Les Chypriotes verront ainsi leur épargne supérieure à 100.000 euros “décotée”, potentiellement jusqu’à 60 %. En France, face au tollé provoqué par l’annonce d’une taxe à 75 % sur les revenus dépassant le million d’euros, François Hollande a finalement décidé d’agir au niveau des entreprises. Celles-ci se verront infliger une “contribution” supplémentaire d’environ 50 % sur la part des rémunérations versées dépassant le million ; l’effet sera le même, mais la pilule un brin plus facile à avaler. Nous, les Belges, sortons relativement indemnes du dernier contrôle budgétaire : point d’augmentation de la TVA, mais bien une augmentation de la taxation sur les boni de liquidation, compensée par une diminution du précompte mobilier frappant les dividendes des actions nouvelles dans les PME.

Pas le choix ? Submergés par leur dette, les Etats ne peuvent vraisemblablement miser sur la seule contraction des dépenses. Et qui dit augmentation des recettes dit impôts nouveaux. Qui pèsent sur le pouvoir d’achat des ménages et sur la compétitivité des entreprises, le tout freinant encore un peu plus la croissance (disent les plus optimistes, les autres parlant sans hésiter d’invitation à la récession). Dans cette discussion, personne n’a raison : même si l’austérité ne fait plus l’unanimité, on ne voit pas très bien comment s’en passer. A petite ou grosse dose selon les cas.

La hausse de l’impôt est-elle donc inéluctable ? Pas nécessairement. Chez nous, l’idée de réduire l’impôt des sociétés de 34 % à 25 %, en supprimant les niches fiscales par ailleurs, fait (doucement) son chemin. De quoi stimuler la compétitivité de nos entreprises en évitant que les multinationales ne profitent du “système” pour ne payer au final que quelques pour cent d’impôt. Reste à savoir si les personnes physiques seraient épargnées, elles qui en Belgique ne paient (encore) ni impôt sur la fortune, ni impôt sur les plus-values mobilières.

Pour éviter le scandale que provoqueraient de telles impositions, une idée – pour le moins révolutionnaire – mérite notre attention : celle de remplacer une taxe éventuelle sur les gros capitaux par une incitation à la dépense. Votre fortune dépasse un montant X ? Si vous n’en dépensez pas Y % dans l’année (en Belgique, cela va de soi, et dans des secteurs préférentiels), vous serez taxé. La formule – qui pourrait s’appliquer tant aux particuliers qu’aux entreprises regorgeant de fonds propres – aurait l’avantage de favoriser la relance économique en mobilisant les montagnes d’euros dormants sur les comptes d’épargne, sans pour autant constituer une ponction pure et simple. Rigueur et suppression des niches obligent, on n’irait pas jusqu’à avantager ceux qui dépensent (comme le font actuellement certaines “primes à l’investissement”) ; on se contenterait de ne pas les punir. Dans le climat actuel, ça ne serait déjà pas si mal.

CAMILLE VAN VYVE, RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE

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