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Quarante années d’indécision

Aux mêmes maux, les mêmes erreurs ? A 40 années d’intervalle, un pressentiment confus se propage, celui d’une même résignation devant des bouleversements économiques d’envergure mondiale.

Au début des années 1970, le premier choc pétrolier fut considéré comme une péripétie conjoncturelle, sans que ses conséquences sociétales fussent correctement appréhendées. Pourtant, il coïncidait avec la mutation d’une société industrielle en une économie de services. Les gouvernements de l’époque, imprégnés de la suprématie du politique sur la sphère économique, décidèrent qu’une politique de déficit budgétaire compenserait la perte de pouvoir d’achat entraînée par un pétrole cher et un dollar faible depuis la fin des accords de Bretton Woods en 1971. En un mot, on confondit stratégie avec tactique, et mutations structurelles avec péripéties conjoncturelles.

Les années 1970 annonçaient deux décennies de cendres et de clous. On se souvient de la suite : un déficit budgétaire à deux chiffres et une spirale inflationniste cyclonique. L’endettement fédéral se creusa par un phénomène de siphon, conduisant à l’effet “boule de neige” de la dette publique. Au début des années 1990, la dette publique atteignait 130 % du PIB et il fallut attendre 1993 avant que les partenaires sociaux n’admettent la perte de compétitivité.

Ce fut l’entrée dans la zone euro qui contraignit l’Etat à la discipline financière. Avec les gouvernements Dehaene et Verhofstadt, la dette publique commença à baisser, donnant lieu à un assouplissement fiscal en matière d’impôt des personnes physiques et des sociétés.

La leçon des années 1970 tient en quelques mots, au risque de choquer certains thuriféraires des politiques collectivistes : la sphère politique est subordonnée aux évolutions économiques, à tout le moins en termes de stimulation économique. C’est d’autant plus vrai pour un petit pays immergé dans une économie mondialisée aux forces gravitationnelles d’une densité inconnue.

Quel parallèle tirer avec 2013 ? A priori aucun car la situation économique est structurellement différente. Mais si l’histoire ne se répète jamais, elle commence à rimer. Les années 1970, comme notre période, étaient caractérisées par une mutation structurelle de l’économie.

Nous avons aussi compris que nous étions devenus un petit pays. D’ailleurs, la mondialisation, c’est l’économie de marché généralisée. Cette crise est donc un avertissement qu’il faut décoder. Le marché a annoncé l’immersion dans un univers plus volatil.

Pour le royaume, l’année 2013 a sonné le tocsin d’une nouvelle guerre économique. Et où sera le peloton belge dans ce plan de bataille ? Pourra-t-il déserter la conscription ? Sera-t-il un guetteur résigné et désespéré ou un stratège inspiré ? La Belgique pourra-t-elle éviter l’obstacle des réformes structurelles qui assureront la croissance de demain ? La réponse est négative.

Certains imaginent que le statu quo économique est souhaitable et justifié par les réflexes des années 1970. Comme s’il existait un état stationnaire qui constitue le point d’équilibre de l’économie, qui rendrait l’avenir prévisible et rassurerait la plupart des agents économiques européens. Cette vision du monde est utopique. La Belgique devra ajuster le curseur de ses systèmes de redistribution au regard de son degré de compétitivité mondiale. L’ouverture des marchés est inéluctable, mais sera source d’ajustements et de frictions.

Croyions-nous que nous pourrions nous permettre de nous réfugier dans une économie de rentiers ? C’est la responsabilité de tous les décideurs de ce pays de poser ces questions et d’admettre l’envergure des mutations de nos communautés. La génération de la crise des années 1970, désormais aux postes à responsabilités, sera assignée à un devoir d’inventaire.

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