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Quand le politique use le privé

Pour autant que les avancées communautaires se poursuivent, les négociateurs fédéraux s’apprêtent enfin à aborder le volet socio-économique tant attendu. En filigrane de ces discussions, l’actualité livre quelques éléments qui, mis bout à bout, interpellent.

Alain Flausch, le patron des transports publics bruxellois, est donc descendu du tram, après avoir sonné pour demander l’arrêt. L’homme fort de la Stib quitte ainsi, très médiatiquement, son poste après 11 années à la tête du premier employeur de la capitale (près de 7.000 personnes). L’avenir de Didier Bellens chez Belgacom reste sujet à débat ; il pourrait même constituer un point non négligeable dans les échanges entre les partis politiques actuellement autour de la table. Idem probablement pour les patrons de la SNCB.

Frank Vandenbroucke, figure de proue du sp.a, a pris son destin en main en annonçant qu’il quittait la politique. Exit aussi prochainement pour l’actuel Premier ministre Yves Leterme.

Un peu comme si, mis à part peut-être Didier Bellens, toutes ces personnalités étaient lasses du monde politique et de son mode de fonctionnement.

C’est inquiétant, car les acteurs politiques sont essentiels assurément, même si trop incontournables probablement.

A cet égard, il est tout aussi interpellant que des organisations patronales, et non des moindres (FEB, UWE, Voka, Beci, AAV-Eupen, Unizo, UCM, Agrofont, Unisoc), éprouvent le besoin de recourir à une carte blanche dans un quotidien pour délivrer leur message à destination du formateur. De quoi laisser croire que les canaux habituels du dialogue entre le monde politique et le monde privé sont insuffisants. Qu’il faut taper plusieurs fois sur le clou, en prenant à témoin l’opinion publique.

La connaissance et la compréhension mutuelle entre ces deux sphères sont pourtant capitales.

La sortie d’Alain Flausch sous-tend une équation privé-public recelant plusieurs inconnues et, en tout cas, pas de solution unique. Cet homme venu du privé a profondément modifié la Stib. Une bonne décennie et des relations tendues avec le gouvernement bruxellois l’auront usé. Et ce n’est pas un cas isolé. A dire vrai, les expériences précédentes semblables ont produit des effets variés. Le recours à des managers issus du secteur privé pour prendre la barre de paquebots publics est assez récente en Belgique. Pierre Godfroid en 1990 à la Sabena et Bessel Kok en 1992 chez Belgacom ont constitué deux des premières figures marquantes d’un mouvement balisé par, entre autres, John Goossens et Didier Bellens (Belgacom), Frans Rombouts et Johnny Thijs (La Poste), Karel Vinck (SNCB), Luc Lallemand (Infrabel), Marc Descheemaeker (SNCB) ou encore Alain Flausch (Stib). Observons au passage que la fonction publique ou les cabinets politiques ne constituent donc plus réellement le tremplin vers ce type de fonction dirigeante, excepté l’un ou l’autre cas comme Etienne Schouppe (SNCB) et Jannie Haek (SNCB Holding).

Reconnaissons-le, le destin de ces patrons a connu des fortunes diverses, pour des raisons multiples d’ailleurs. Mais il est vrai également que la gestion d’une entreprise publique repose, au-delà des fondamentaux, sur des règles ou du moins un environnement différent que dans le privé : exigences de l’actionnaire, culture d’entreprise, puissance syndicale, rapport de force avec les politiques,…

Il n’empêche, la mixité a du bon, le passage de l’un à l’autre apporte à tout le moins une remise en question. Il est toutefois symptomatique que les transferts ne s’opèrent pratiquement que dans un sens en Belgique, à l’exception des postes d’administrateurs dans de grandes sociétés.

Dans tous les cas, il est à espérer que les prochaines désignations reposeront à chaque fois sur des critères de compétences et non sur des réflexes particratiques. Les enjeux sont trop importants !

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