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Publicis-Omnicom : mégalos, mythos ou un peu les deux…

C’est comme si on vous annonçait que le Canada se rattachait aux Etats-Unis pour constituer une superpuissance américaine et que, 10 mois plus tard, la Maison-Blanche publiait un communiqué laconique du style : “En raison d’importants défis à surmonter, créant un niveau d’incertitude préjudiciable aux intérêts des deux pays, nous avons décidé de renoncer à cette intégration.”

Risible. Voire même, grotesque. D’accord, le scénario est hautement improbable, pour ne pas dire totalement farfelu. Mais la question est peut-être : celui de la fusion entre deux leaders de la communication, l’américain Omnicom et le français Publicis (respectivement deuxième et troisième acteurs mondiaux) l’était-il moins ? Pas sûr. Dans une récente interview accordée à Trends-Tendances, Mercedes Erra, présidente du groupe Havas (cinquième mondial), l’avouait sans retenue : “Quand j’ai appris la fusion de Publicis et Omnicom cet été, j’ai d’abord cru que c’était un gag.”

Bien sûr, dans certains secteurs et à certaines périodes, les mouvements de concentration sont inévitables. On est d’ailleurs en plein dedans : pharmacie, télécoms, ingénierie, etc. Depuis quelques semaines, les méga-deals se succèdent. La faute à la conjoncture : grâce aux taux d’intérêt bas, les entreprises qui ont bien résisté à la crise se sont désendettées et regorgent de cash. L’investissement en recherche et développement pour croître de façon organique étant plus risqué que de racheter des concurrents en difficulté financière – des “proies faciles”, comme l’est Alstom et, probablement aussi, Mobistar (lire aussi l’article “Quel avenir pour Mobistar ?” dans ce magazine) – c’est la seconde option qui est bien souvent préconisée.

Mais rien de tout cela ici. Point de proie ni de prédateur, plutôt deux rois de la pub aux egos surdimensionnés, qui, dans un élan de mégalomanie, ont décidé d’unir leurs forces pour devenir LE n°1. Ce seul objectif justifiait-il l’opération, d’un point de vue stratégique ? Difficile à croire. Au lendemain de l’annonce d’ailleurs, on ne comptait plus les réactions craignant les retombées négatives en termes d’emplois, les activités des deux agences étant, sur la plupart de leurs marchés respectifs, plus redondantes que complémentaires (qui plus est avec des clients concurrents comme Pepsi et Coca-Cola notamment). Plus fondamental encore : devenir le plus gros allait-il apporter de la valeur ajoutée pour le client, à savoir l’annonceur ? Là encore, le doute est permis. Car les tarifs plus avantageux qu’aurait éventuellement pu négocier le nouveau conglomérat pour l’achat d’espaces médias n’ont finalement que peu de sens si l’annonceur dispose – et c’est déjà le cas – de moyens détournés pour acheter lesdits espaces.

En plus d’avoir vu trop grand (et de s’être fourré le doigt dans l’oeil, pour dire les choses platement), le CEO de Publicis Maurice Lévy et son pendant chez Omnicom John Wren ont tout simplement menti. Menti sur leur degré de préparation, d’engagement même, en vue d’un mariage de cette envergure, qui apparaît aujourd’hui d’un amateurisme sans nom. Et menti sur les raisons de la rupture – il semble qu’il y ait plus crucial comme “défi” que de savoir lequel des deux fiancés apportera dans sa dot un directeur financier.

CAMILLE VAN VYVE

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