Pourquoi votre “smartphone” échappe encore à la pub

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Les évangélistes du marketing prévoyaient, voici quelques années, une invasion publicitaire de nos téléphones mobiles. Le succès des “smartphones” semble encore plus aiguiser les appétits. Pourtant, la pub sur mobile reste anecdotique en Belgique. Et le mobile est encore loin d’avoir tenu toutes ses promesses.

Le mobile comme support d’avenir pour la publicité. Tout le monde y a cru. Pensez-vous : le consommateur ne pouvait que développer une relation privilégiée – voire intime – avec l’appareil constamment glissé dans sa poche. Et l’arrivée des smartphones et leurs applications mobiles semblait également indiquer que tous les feux passaient au vert pour les annonceurs.

Pourtant, force est de constater que le succès tarde à venir. La preuve : la pub sur mobile ne représente aujourd’hui que 2 % du chiffre d’affaires de la régie média Internet et mobile Beweb. “Il y a deux ans encore, on considérait qu’elle allait atteindre environ 15 % de notre chiffre d’affaires”, admet son CEO Bruno Van Boucq. Pour Beweb, le créneau coûte plus d’argent qu’il n’en rapporte, notamment pour des questions techniques : “Même lorsque l’espace pub mobile n’est pas vendu, un tag est appelé et cela coûte en serveur et en frais techniques.”

Le marché reste microscopique en Belgique. D’après certaines estimations, les investissements pub sur les GSM via les régies (donc hors marketing dans les moteurs de recherche) ne dépasseraient pas 2 millions d’euros… contre 200 millions pour le marché belge de la pub numérique (Web, e-mailing, etc.) “En 2010 et 2011, on a noté un certain engouement, précise Bruno Van Boucq. Les banques ont commencé à lancer leurs applications et ont soutenu ces sorties par des plans de communication générant quelques belles campagnes. Mais cela s’est nettement tassé depuis.” William De Nolf, directeur des nouveaux médias Roularta, principal éditeur de magazines en Belgique ( Le Vif-L’Express, Trends-Tendances, Knack, etc.), le confirme : “On ne fait pas encore de gros chiffre d’affaires sur le mobile. Le marché en Belgique reste petit. Proportionnellement plus petit, d’ailleurs, que dans les pays voisins.”

Du côté des liens sponsorisés, on est également loin du compte. Nicolas Debray, fondateur de Semetis, une PME spécialisée dans la pub sur Google, le constate tous les jours. “Le mobile est une opportunité en plus qui figure dans les systèmes de pub sur Google, explique-t-il. Mais, aujourd’hui, il demeure balbutiant et l’on reste dans une période de découverte : les annonceurs vont parfois consacrer quelques pour cent – deux ou trois seulement – de leur budget sur le mobile, histoire de faire leur expérience.”

Aujourd’hui, les principaux annonceurs sur le mobile sont les opérateurs télécoms (Belgacom, Telenet, etc.) et le secteur bancaire (ING, Keytrade, BNP Paribas Fortis). Pourtant, Caroline Van Mol, online traffic manager chez ING, admet que la banque au lion n’a pas “encore investi massivement en publicité mobile. Nous n’avons mené que deux grandes campagnes via ce média, car nous cherchons essentiellement à faire de la pub qui soit en lien avec cet environnement particulier. Or, seule une petite partie de notre offre y est disponible. Les investissements médias mobiles ne représentent donc que quelques pour cent des investissements digitaux totaux.” Si BNP Paribas Fortis semble être plus avancée – le mobile représenterait plus de 7 % de ses investissements en pub numérique – les enjeux sont les mêmes que pour son concurrent : pour l’heure, les pubs mobiles de la banque font essentiellement la promotion de son application Easy banking.

Pas étonnant dès lors que les investissements pub sur le mobile tardent à décoller. Et même si certains signes indiquent que la pub sur mobile aura du sens et est inévitablement amenée à devenir stratégique, un certain nombre de conditions (techniques surtout), doivent encore être réunies. De plus, quatre grands freins devront être levés. Les voici.

1. Beaucoup d’annonceurs ne sont pas prêts

L’une des contraintes de la pub mobile consiste à renvoyer vers une page adaptée à la navigation, sans quoi l’intérêt se révèle souvent limité, d’après plusieurs spécialistes. Or, aujourd’hui, la majorité des annonceurs potentiels n’ont même pas de site mobile. En Belgique, le fournisseur de solutions mobiles Mobilosoft, chiffre à plus de 90 % les magasins physiques ne disposant pas de site mobile et seuls 7 % des enseignes auraient un site spécifiquement conçu pour les téléphones. Pire encore, beaucoup de boutiques (17 %) disposeraient d’un site web totalement inadapté au surf via smartphone, en raison notamment de l’utilisation du flash. “Un certain nombre d’entreprises s’interrogent sur la nécessité d’adapter leur site au mobile dès lors qu’il n’y rencontreront que 5 à 10 % de leurs visiteurs”, réagit Nicolas Debray de Semetis.

Du côté des PME, on ne parle pas encore vraiment de la pub sur mobile. “Nous sommes encore dans une phase d’évangélisation, admet Edwin Hardy, vice-président New Media des Pages d’Or. Il faut savoir qu’environ 30 % des PME n’ont d’ailleurs pas encore de site web. Pour l’instant, nous leur proposons d’avoir un site Internet adapté au téléphone. Mais peu font encore de la publicité via ce canal-là.” De fait, l’ensemble des activités mobiles représentent environ 6 % du chiffre d’affaires de Truvo, le groupe derrière les Pages d’Or. Mais ce pourcentage reprend essentiellement les services de sites mobiles proposés par la firme, la pub n’en étant encore qu’une petite fraction.

2. Pas encore de solution mobile parfaite

“Quand on parle de la publicité mobile, l’annonceur ne se trouve pas encore en zone de confort, admet Bruno Van Boucq. Le modèle n’est pas encore clair, ni chez nous, ni à l’étranger.” En effet, aujourd’hui, les mini-bannières intégrées à des sites mobiles (ou des applis) demeurent le principal outil de pub mobile avec l’achat de mots-clés dans Google. Mais elles sont loin d’être la panacée car leur petite taille se révèle souvent inconfortable. Certains annonceurs soulignent le peu de créativité possible : “Aujourd’hui, les régies offrent essentiellement des petites bannières ou des splash pages ( Ndlr, pages d’intro à l’effigie d’un annonceur) mais qui ne sont pas toujours “clicables””, constate Caroline Van Mol d’ING.

Bruno Van Boucq souligne d’ailleurs qu’il ne croit “plus véritablement en de la publicité de masse sur mobile. Le simple bannering traditionnel adapté au mobile n’est probablement pas la principale direction à prendre.” Seul Google a réussi à adapter, techniquement, son procédé de mots-clés sponsorisés au format du smartphone. Mais le mobile ne représente toujours que 1,5 % à 2 % des pub affichées via Google, selon Nicolas Debray.

3. Gros trafic peu capté

L’utilisateur a généralement deux choix concernant les pubs mobiles : utiliser le navigateur web pour consulter les sites mis en avant ou bien leur application mobile, quand elle existe. Et d’après une récente étude de com-Score, spécialiste dans les mesures d’audience sur le Web, 80 % du temps passé par les Américains sur Facebook (via un mobile) se fait au travers de son application. Le reste accède au réseau social par le navigateur mobile. Impressionnant. La tendance est la même pour Google et encore plus pour Twitter (96,5 %) !

Or, aujourd’hui, ces espaces mobiles (applis en tête) ne sont pas encore ouverts à la publicité. Il n’est ainsi pas encore possible à un annonceur de prendre de la publicité sur Twitter ou sur Facebook, bien que la firme de Mark Zuckerberg teste actuellement les statuts sponsorisés. Il faut dire que le réseau social se trouve bien ennuyé : il n’avait pas vraiment anticipé l’importante migration de ses utilisateurs vers le mobile et n’a, pour l’instant, pas encore dévoilé de système rémunérateur efficace.

4. Des consommateurs non concernés ou réticents

Aujourd’hui, les détenteurs de smartphones sont certes de plus en plus nombreux (on parle d’une pénétration du marché de 22 %). Mais ils demeurent en minorité au sein du parc des GSM disponibles en Belgique. Par ailleurs, ils n’ont pas forcément tous un abonnement data (Internet, e-mail,…). Un frein technologique réel bien que 81 % des possesseurs de smartphones l’utiliseraient au moins quotidiennement voire… en permanence (40 %) d’après une étude d’InSites Consulting. Reste que même le Belge hyper connecté compte parmi ceux qui montrent le moins d’ouverture au marketing mobile. En effet, d’après les chiffres de l’étude, seuls 16 % d’entre eux accepteraient le marketing sur mobile. Pire, 56 % des utilisateurs belges de smartphones se montrent totalement hermétiques à toute forme de marketing et de publicité. “On remarque que la familiarité avec une marque augmente la réceptivité du consommateur”, analyse Elias Veris, consultant chez InSites Consulting et auteur de l’étude. Ce qui tendrait à positionner le mobile comme un outil destiné à fidéliser ses clients existants plus qu’à véritablement recruter de nouveaux consommateurs.

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CHRISTOPHE CHARLOT

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