Les marques étendent leurs réseaux

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Déjà bien présents sur les incontournables Facebook et Twitter, les annonceurs cherchent encore à surprendre l’internaute et explorent désormais les réseaux émergents comme Snapchat et Vine. Petite visite guidée de ces nouvelles plateformes de communication.

Près de 10 milliards de dollars. Telle serait la valorisation actuelle de Snapchat, cette start-up spécialisée dans l’envoi de messages “fantômes” via smartphones. Si vous êtes complètement déconnecté du monde digital, il y a peu de chance que vous connaissiez l’existence de cette application. Mais si vous avez des ados dans votre entourage et qu’ils consentent à partager leur enthousiasme pour les nouveautés numériques, vous avez certainement déjà entendu parler de ce service qui réjouit près de 100 millions d’utilisateurs dans le monde.

L’originalité de Snapchat ? La start-up américaine a mis au point l’envoi de messages, de photos et de vidéos qui s’autodétruisent quelques secondes à peine après leur affichage sur le smartphone du destinataire. Son luxe ? Elle a refusé l’année dernière une offre de rachat à 3 milliards de dollars de Mark Zuckerberg, grand patron de Facebook, alors que l’entreprise n’était encore valorisée “que” 2 milliards de dollars à l’époque. Sa force ? Plus de 70 % de ses fans ont moins de 25 ans et les investisseurs se pressent au portillon, même si l’entreprise ne dégage toujours aucun revenu.

Exactement comme Facebook et Twitter avant leur entrée en Bourse, Snapchat intrigue et nourrit les fantasmes, en particulier ceux des marques toujours à l’affût de nouveaux canaux publicitaires pour séduire les foules. Aujourd’hui, rares sont les annonceurs qui ne conçoivent plus leur communication sans une présence sur les réseaux sociaux. Si les plus célèbres comme Facebook et Twitter font désormais partie des plans médias, les “émergents” comme Snapchat commencent tout doucement à être intégrés dans quelques stratégies ciblées, du moins aux Etats-Unis.

Et chez nous ?

“En Belgique, il n’y a pas encore d’exemple, à ma connaissance, d’utilisation de Snapchat dans des campagnes publicitaires, commente Matthieu Vercruysse, digital strategic planning manager chez Isobar, la division digitale de l’agence Aegis Media. Ce sont encore Facebook et Twitter qui restent les canaux majeurs d’utilisation des réseaux sociaux, car les nouveaux réseaux comme Snapchat ou Vine (qui héberge des mini-vidéos de 6 secondes en “stop motion”,Ndlr) sont encore très confidentiels. Cela dit, on pourrait imaginer qu’ils deviennent les cerises sur le gâteau d’une stratégie digitale globale, à savoir un ‘plus’ dans une campagne d’envergure. Mais les utiliser comme seul et unique canal pour une campagne en Belgique n’a aujourd’hui pas de sens.”

Cette présence est d’autant plus hypothétique qu’il n’existe pas encore, à l’heure actuelle, de solutions payantes qui permettent aux marques d’envahir commercialement ces réseaux émergents. Contrairement à Facebook et plus récemment Twitter qui offrent des solutions publicitaires aux annonceurs, les nouveaux acteurs comme Snapchat ou Vine ne vendent pas encore d’espaces commerciaux sur leurs plateformes. Résultat : si les marques veulent quand même occuper le terrain de ces réseaux “tendance”, elles doivent donc trouver des artifices via leur propre compte personnel ou via les profils d’acteurs influents pour faire passer leurs messages. C’est ce que font déjà aujourd’hui plusieurs marques ou organisations aux Etats-Unis. Ainsi, les chaînes de restauration rapide McDonald’s et Taco Bell passent par exemple par Snapchat pour afficher, de façon éphémère, leurs nouveaux produits en avant-première ou des codes promotionnels en version “éclair”.

Des univers visuels forts

“C’est un outil qui permet effectivement des actions de couponing dans le retail, mais qui intéresse aussi des marques avec des univers visuels forts, constate Mathias Beke, managing director de Social Lab Brussels, l’agence spécialisée dans le marketing sur les réseaux sociaux. Snapchat se prête mieux à certains secteurs de l’économie comme la mode ou l’industrie du cinéma qui peuvent exploiter le côté exclusif ou éphémère d’un produit en le dévoilant en avant-première sur ce genre de plateforme, qu’il s’agisse d’une nouvelle collection de vêtements ou du trailer d’un film sur le point de sortir. Il y a d’ailleurs aujourd’hui quelques projets de marques internationales en Belgique qui sont à l’étude.”

Davantage ancré dans les nouvelles moeurs publicitaires aux Etats-Unis, le recours à l’application Snapchat commence toutefois à faire des émules de ce côté-ci de l’Atlantique et parfois de manière brillante. Ainsi, l’une des plus belles utilisations à ce jour revient à l’antenne danoise de l’organisation environnementale WWF qui, dans sa dernière campagne “Don’t let this be my last selfie” (“Ne laissez pas ceci être mon dernier selfie”), a succombé au principe des photos qui disparaissent pour sensibiliser le public au sort des espèces en voie d’extinction. Une superbe façon d’utiliser l’application pour faire passer un message somme toute très simple : si nous ne faisons rien, les tigres, pandas et autres ours blancs risquent bien de disparaître comme de vulgaires photos sur Snapchat.

En France, la Fondation Médéric Alzheimer a elle aussi eu l’idée de passer par ce nouveau réseau pour sensibiliser la jeune génération à la maladie neurodégénérative. Imaginée par l’agence Proximity BBDO, la campagne visait à faire vivre l’expérience de la perte de mémoire d’une personne atteinte par la maladie d’Alzheimer avec des messages du type “Des images qui disparaissent, c’est drôle, sauf quand c’est votre réalité” ou encore “Des souvenirs qui disparaissent, pour certains, ce n’est pas qu’une appli”. Ce spam baptisé Snapzheimer a été envoyé à près d’un million de jeunes Français actifs sur Snapchat qui ont donc vu une photo éphémère révéler progressivement ces slogans percutants.

Machines à buzz

Aussi enthousiasmante que Snapchat, Vine titille également de plus en plus les publicitaires. Avec plus de 40 millions d’utilisateurs dans le monde, l’application est la propriété de Twitter et permet l’échange de courtes vidéos de 6 secondes maximum, produites à moindres frais.

C’est la marque Toyota qui fut la toute première à oser le format hypra-court en postant, il y a un an déjà, un clip publicitaire original mettant en scène une petite voiture qui quittait l’univers digital d’une tablette pour rouler gentiment sur le corps de son utilisateur.

Depuis, d’autres annonceurs s’y sont essayé, parfois avec talent, comme Lego qui utilise par exemple Vine pour présenter ses nouveaux personnages ou encore la chaîne américaine de matériaux de construction Lowe’s qui a conçu un étonnant programme de conseils en bricolage. Baptisée “Fix In Six” (“Fixe-le en 6 secondes”), cette campagne imaginée par l’agence BBDO New York n’a coûté que 5.000 dollars et a cartonné sur les réseaux sociaux par son originalité et son efficacité.

“Aujourd’hui, la viralité de ce type d’action décalée se fait surtout via les réseaux sociaux traditionnels, analyse Fred Colantonio, conférencier et consultant en stratégie digitale. Une marque réalise une campagne sur Snapchat ou Vine, elle produit ensuite un petit film qui résume l’action et elle le poste enfin sur YouTube, en espérant que ce film soit partagé sur Facebook et Twitter. Bien sûr, les professionnels applaudissent parce qu’il y a un petit côté hype, mais qu’en est-il vraiment du retour sur investissement ? Bref, en termes stratégiques pour les marques, on en est encore aux coups de sonde avec Snapchat et Vine, et donc très loin d’une utilisation pérenne de ces nouveaux réseaux.”

Il n’empêche. Certains annonceurs y succombent et vont même jusqu’à payer certains “Vineurs” populaires (comme Jérôme Jarre, une de stars du réseau) pour activer le placement de produits dans certaines vidéos. Voilà pourquoi Fred Colantonio, comme d’autres experts en la matière, refuse de jeter le bébé avec l’eau du bain.

“Si Snapchat reste encore confidentiel dans le paysage commercial du social media, ce réseau est toutefois valorisé 10 milliards de dollars et l’on peut donc pronostiquer qu’il va se passer quelque chose”, ajoute-t-il.

D’où l’intérêt grandissant de certaines marques qui veulent être en amont et qui, surtout, ont envie de se démarquer “en adoptant des solutions qui sont aux antipodes de la pub classique”, dixit Matthieu Vercruysse, digital strategic planning manager chez Isobar.

Le cas Instagram

Dans l’offre publicitaire ambiante qui permet aux annonceurs de se démarquer sur les réseaux sociaux, Instagram fait justement office de créature hybride. Entre les géants Facebook et Twitter qui offrent des solutions commerciales limpides aux marques et les acteurs émergents comme Snapchat et Vine qui sont encore vierges de “vrais” espaces publicitaires, Instagram a innové en proposant une démarche alternative. Lancée en 2010 et rachetée par Facebook pour 1 milliard de dollars, cette application dédiée au partage de photos sur mobile a récemment intégré la publicité dans le flux des posts mais d’une manière extrêmement contrôlée.

Concrètement, les images sponsorisées par les marques doivent non seulement s’inscrire dans la philosophie créative du réseau et n’avoir jamais été diffusées auparavant, mais elles doivent surtout n’afficher ni slogan ni logo pour être validées par les équipes d’Instagram. Obligatoirement esthétiques, ces pubs réglementées sont alors diffusées dans le flux d’infos des utilisateurs en fonction de leurs intérêts, selon qu’ils aient aimé telle ou telle photo ou posté telle ou telle publication. Libre à eux de les faire disparaître ou pas pour aiguiller ensuite le contenu affiché.

Pour le moment disponible aux Etats-Unis, cette nouvelle option publicitaire sur Instagram a déjà séduit des marques comme Michael Kors (qui fut la toute première à y souscrire), Nike, Levi’s ou encore Ben & Jerry’s, et devrait bientôt débarquer sur les marchés canadien, australien et britannique, avant de gagner l’Europe continentale. En attendant, la Belgique se contentera des premiers balbutiements “publicitaires” sur Snapchat et Vine où, selon nos informations, l’artiste Stromae — toujours à l’affût des dernières tendances marketing — aurait commandé à un jeune réalisateur plusieurs capsules de six secondes pour peaufiner son éternel plan promo…

FRÉDÉRIC BRÉBANT

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