La pub numérique à l’assaut des villes

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La digitalisation des médias n’épargne pas les affiches publicitaires. Déjà présents dans les gares, les métros et les aéroports, les écrans numériques visent désormais les rues. Sans toutefois menacer vraiment ce bon vieux papier.

C’est la nouvelle fierté française de JCDecaux. A Paris, le n°1 mondial de l’affichage publicitaire a récemment inauguré une “agora digitale” à ciel ouvert sur l’esplanade de La Défense. En clair : 55 écrans high-tech dont les formats varient entre 2 m² et 8 m². Plantés dans le célèbre quartier d’affaires parisien, ces nouveaux panneaux numériques se veulent résolument modernes et n’ont plus rien à voir avec leurs vieux cousins “papier” qui nécessitent l’impression d’affiches et un placement hebdomadaire.

Digitaux, ces supports “réactifs” offrent en effet une actualisation plus rapide du message publicitaire et donc l’adaptation des campagnes à d’éventuels événements en quelques clics effectués à distance. Un bémol, cependant : ces écrans sont coûteux et le retour sur investissement se doit d’être sérieusement étudié avant tout déploiement intempestif, d’autant plus que les actes de vandalisme à leur égard induisent des coûts de réparation d’une toute autre ampleur. Pour une surface de 2m², le remplacement d’un support digital coûterait 100 fois plus cher que celui d’une structure “papier” que l’on appelle “MUPI” dans le jargon publicitaire (“Mobilier Urbain Pour l’Information”).

Il n’empêche. A l’échelle planétaire, le virage digital est bel et bien amorcé dans le domaine de l’affichage, même s’il se révèle encore discret en Belgique. Selon Outdoor Services, une agence média spécialisée en “out of home“, il y aurait chez nous environ 37.500 panneaux publicitaires “classiques” contre environ 500 supports digitaux que l’on retrouve exclusivement dans des endroits couverts et sécurisés comme les aéroports, les gares, les métros et les centres commerciaux. Bref, l’affichage numérique concernerait, pour l’instant, moins de 1,5% du parc belge existant.

Les ambitions des principaux acteurs du secteur sont toutefois bien palpables. Chez Clear Channel Belgium, qui possède à lui seul 16.000 supports publicitaires dont 3% en format digital, le ton est donné : “Notre volonté est d’investir dans le numérique et de doubler notre chiffre d’affaires dans le digital d’ici trois ans”, confie Tom Motmans, le nouveau managing director de l’entreprise. Actuellement présent dans 10 gares belges, Clear Channel espère en effet déployer ses écrans dans une petite dizaine de gares supplémentaires avant le printemps prochain et surtout attaquer le marché de l’espace urbain. “Nous avons des projets concrets pour installer des supports digitaux en ville, mais nous sommes actuellement bloqués par les règlements communaux, déplore Tom Motmans. Aujourd’hui, la législation interdit les panneaux lumineux dans les rues de Belgique, alors que l’on en trouve partout aux Etats-Unis et dans toute une série de pays européens. En Finlande, par exemple, la moitié du chiffre d’affaires de l’affichage vient déjà du digital”.

Lever le frein politique

Le patron de Clear Channel Belgium ne s’en cache pas : ses équipes font actuellement du lobbying auprès de la classe politique pour faire bouger les choses. Objectif : permettre l’installation des écrans en ville dans le courant de l’année 2015 en insistant sur le “win-win” qui en découlerait puisque ces supports numériques pourraient aussi bien diffuser des messages publicitaires que de l’information citoyenne. Un objectif stratégique que partage son principal concurrent JCDecaux : “Rendre service aux communes fait partie de notre ADN, rappelle le CEO de la filiale belge Wim Jansen. JCDecaux est l’inventeur de l’abribus et l’entreprise a ensuite développé d’autres idées de mobilier urbain dont l’installation n’a jamais été financée par les villes, mais bien par la publicité. Avec le digital, nous souhaitons poursuivre dans cette voie puisque nos supports pourraient diffuser les messages des annonceurs, mais aussi des informations d’intérêt général telles que des alertes pollution, des problèmes de circulation ou des disparitions d’enfants. Tout le monde en sortirait gagnant : les annonceurs comme les communes et les citoyens”.

Si Wim Jansen refuse d’utiliser le mot lobbying (trop péjoratif à son goût), il reconnaît en revanche mener une opération de sensibilisation ou plutôt de séduction auprès des différentes autorités politiques du pays, tant régionales que communales, pour arriver à une digitalisation progressive de l’espace publicitaire urbain. Optimiste, il espère lui aussi pouvoir installer ses premiers panneaux digitaux en ville avant l’année 2016, sans être toutefois certain d’obtenir le feu vert des villes courtisées.

Vers la cohabitation

Si tout se passe selon les désirs des afficheurs, les panneaux digitaux remplaceront-ils pour autant toutes les “vieux” supports papier en rue ? “Certainement pas, tranche Pierre-Alain Turbang, managing director de l’agence médias Outdoor Services. Ce ne sera jamais l’un ou l’autre, mais plutôt l’un et l’autre. D’abord pour des raisons de coûts car il faudrait un investissement énorme pour développer un réseau similaire au parc existant. Ensuite, pour des raisons d’efficacité : il faut tout de même rappeler que l’affichage classique est un média de masse de grande couverture, que sa qualité est excellente et que les annonceurs en sont aujourd’hui très satisfaits. Donc à la question de savoir si l’affichage devra ou non ‘résister’ à la digitalisation, je répondrais par la négative car les deux supports vont cohabiter et continuer à se développer ensemble”.

Un point de vue que partagent d’ailleurs les principaux acteurs du secteur. Pour eux, la complémentarité est en effet idéale et il ne serait pas raisonnable de remplacer les 37.500 panneaux publicitaires “classiques” installés en Belgique par leurs équivalents digitaux. Trop cher, trop fou, trop risqué. Voilà pourquoi l’affichage papier ne va pas disparaître des rues, tant pour Clear Channel que pour JCDecaux qui occupent l’essentiel du marché belge. Certes, le digital sera de plus en plus présent, mais il ne remplacera qu’une minorité de “MUPI”, sans doute aux meilleurs emplacements.

“Nous entrons dans une nouvelle ère qui est très excitante pour nous, conclut Wim Jansen, CEO de JCDecaux Belgium. Je pense que la cohabitation entre le papier et le digital sera idéale et qu’elle ne se résumera pas à un simple choix entre les deux supports. Nous allons développer une vraie complémentarité entre les deux et cette complémentarité existe même déjà au sein du papier puisque certaines campagnes ‘MUPI’ sont déjà interactives via des technologies qui permettent au passant de se connecter à l’affiche et donc à l’annonceur via son smartphone”. Concrètement, l’afficheur belge fait référence aux fameux codes QR, ces petites mosaïques imprimées en noir et blanc sur les affiches et les magazines que l’on peut scanner avec son téléphone portable. Mais aussi à la technologie iBeacon, à savoir ces mini-balises qui envoient des messages personnalisés au consommateur via une application mobile, actuellement testées dans les supermarchés Delhaize et que l’on pourrait bientôt retrouver sur les panneaux publicitaires classiques.

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