Bientôt un vrai “hub” financier pour le secteur belge des médias ?

Le projet est ambitieux. En inaugurant une plateforme d'”e-facturation” ouverte à ses partenaires, le groupe audiovisuel SBS Belgium (qui possède les chaînes Vier et Vijf en Flandre) veut augmenter l’efficacité des médias belges et ouvrir la voie à un vaste portail de facturation électronique qui réunirait enfin tous les acteurs du secteur.

L’air du temps est au “cost cutting”. Ou à la réduction de coût si l’on préfère honorer la langue de Molière. Et comme la tendance entrepreneuriale est aussi à la course vers l’efficacité, on ne s’étonnera donc pas d’apprendre que SBS Belgium est récemment devenue la première entreprise média belge à avoir franchi le cap de la facturation électronique. Le groupe audiovisuel qui possède entre autres les chaînes de télévision flamande Vier et Vijf a en effet confié à la société bruxelloise B2Boost la mise en oeuvre technique de sa nouvelle plateforme d'”e-facturation”, opérationnelle depuis quelques semaines déjà.

Concrètement, ce système de factures dématérialisées présente non seulement l’avantage d’être écologiquement correct (plus besoin de papier, ni de transport), mais il s’avère surtout nettement moins coûteux (plus besoin d’enveloppes, ni de timbres) et raccourcit en plus le temps généralement incombé au traitement de cette tâche manuelle. “C’est le propre de SBS Belgium d’apporter souplesse et nouveauté, commente son CEO Thierry Tacheny. Avec ce système, nous faisons gagner de l’efficacité à nos partenaires clients et nous tirons un certain bénéfice en interne. Nous envoyons en moyenne 1.000 factures par mois. Or, on estime à 12 euros le coût que représente l’envoi d’une facture papier si l’on prend en considération sa structuration, son impression, sa mise sous pli, son envoi, sa gestion, etc. Le traitement d’une facture entrante coûte quant à lui 18 euros. Le poste ‘facturation papier’ représentait donc jusqu’ici un coût moyen de 25.000 euros par mois et donc de 300.000 euros par an pour SBS. En passant désormais à l'”e-facturation”, on peut raisonnablement espérer une réduction de 60% de ces frais liés à la gestion du papier. Ce qui n’est pas négligeable.”

Au-delà de l’efficacité et de l’aspect strictement financier, ce système d'”e-facturation”, permet également aux clients de SBS Belgium de télécharger leurs factures (ou de les recevoir automatiquement au sein de leur propre système comptable), mais surtout de consulter leurs informations de facturation à tout moment et donc de suivre de près la gestion de leur budget. Ce qui augmente donc la transparence entre partenaires. “C’est une première dans le secteur des médias belges, constate Gilles Collet, general manager de B2Boost à l’initiative du projet. La plateforme de facturation électronique de SBS Belgium augmente l’efficacité des échanges entre partenaires et pourrait donc donner lieu, à l’avenir, à un vaste hub financier pour tout le secteur belge des médias”.

Une idée qui enchante également Thierry Tacheny : “Ce passage à l'”e-facturation” permet non seulement à tous les partenaires du gagner du temps, mais si tout le marché rejoignait une plateforme identique, cela permettrait en plus d’obtenir, au bout d’un an, des statistiques sur la respiration économique du marché, constate le patron de SBS Belgium. Parallèlement aux outils de pige brute, une telle plateforme livrerait des données globales nettes relatives à notre industrie. Il est important de connaître mieux le véritable poids économique de notre marché, même si c’est avec un certain délai.”

Plus de transparence ?

Dans toute négociation de contrat entre une agence média qui représente l’annonceur et le média qui diffuse les campagnes de pub, l’usage veut qu’il y ait des accords liés au volume et que le média diffuseur offre donc une ristourne sous forme d’incentives ou de sur-commissions à l’agence média. Si ces “sur-coms” sont en général rétrocédées à l’annonceur (mais ce n’est pas toujours le cas), elles ne sont en revanche pas indiquées dans la facturation initiale, même si elles apparaissent in fine dans la comptabilité des sociétés concernées.

Alors, le croisement des données rendu plus efficace grâce à l'”e-facturation” peut-il redistribuer les cartes et donc offrir une meilleur transparence au secteur ? Si, sous le couvert de l’anonymat, certains acteurs reconnaissent que “des zones d’ombre subsistent dans le marché” et qu’une plateforme de ce genre pourrait effectivement “rendre les choses plus claires”, la majorité des interlocuteurs interrogés soulignent en revanche le haut degré de transparence qui existe déjà dans le monde des médias. “Les annonceurs connaissent ce système des “surcoms” qui leur sont bien souvent rétrocédées, commente Frédéric Watelet, client supervisor chez Mindshare. Une plateforme de facturation électronique pourrait donc simplifier les choses mais cela ne va en rien révolutionner le marché. C’est juste une modernisation, un peu comme l’avènement du système Isabel au niveau des échanges bancaires.”

Même son de cloche rassurant chez François Chaudoir, CEO de l’agence média Space présentée officiellement par SBS Belgium comme “partenaire du projet durant la phase de test” : “Cette plateforme de facturation électronique que nous avons testée pendant deux mois présente un réel gain de temps, d’efficacité et de productivité pour une entreprise comme Space qui traite plus de 1.000 factures d’achat média par mois, affirme le patron de l’agence leader du secteur. C’est le vrai avantage de ce système ; l’aspect “transparence” entre annonceurs et agences étant déjà résolu depuis longtemps à travers les contrats qui nous lient et qui autorisent les audits. Qu’un audit se fasse sur une facture papier ou électronique ne change rien.”

Un avis que ne partage toutefois pas Gilles Collet, general manager de B2Boost, maître d’oeuvre de la dématérialisation des factures chez SBS Belgium : “A partir du moment où l’on dispose de toutes les données sur une plateforme électronique, il devient beaucoup plus facile de réaliser un audit que lorsque ces mêmes données sont éparpillées sur papier dans de nombreux classeurs, observe-t-il. Et donc, par la force de choses, cela rend l’information disponible plus transparente entre les partenaires concernés et cela donne une certaine clarté à l’ensemble”.

Logique, cet argument n’émeut pourtant pas Chris Van Roey, CEO de l’Union Belge des Annonceurs, _ “Ce changement n’aura aucun impact sur les annonceurs”, affirme-t-il _ et a finalement peu de poids aux yeux des professionnels des agences médias qui ne semblent pas trop vouloir débattre sur le sujet. “Cela n’aura aucun impact sur plus de transparence éventuelle, enchaîne Bruno Liesse, chief marketing officer à l’agence Aegis Media Belgium. Nos systèmes intégrés et le droit d’audit de nos clients ainsi que nos audits internes liés à nos cotations boursières ne permettent aucun écart entre une offre et la suite. Les ‘cow-boys de la pub’ ne sont pas à chercher dans les échanges médias ultra-normés et contrôlés, mais plutôt du côté des événements ou du digital.” Et vlan.

Généraliser le système

Dans un monde “idéal”, il faudrait cependant que toutes les agences médias belges (elles sont une quinzaine) et régies du pays épousent le même portail de facturation électronique pour rendre le processus optimal. Ce qui n’est pas gagné. Pourtant, SBS Belgium y croit et vient de planifier des rendez-vous stratégiques avec deux autres agences médias après avoir déjà séduit Space, en espérant bien-sûr que d’autres régies télé lui emboîtent également le pas. Du côté francophone, l’air du temps est précisément à la réflexion au sujet d’une certaine dématérialisation des factures. “C’est une évolution logique des choses, constate Yves Gérard, general manager de la RMB, la régie publicitaire de la RTBF. C’est une piste que nous avons d’ailleurs déjà évoquée l’année dernière car elle offre un gain d’efficacité et des avantages financiers, et nous pourrions effectivement l’appliquer à partir du moment où toutes les agences médias seraient d’accord.”

Même constat chez IP, la régie publicitaire du groupe RTL, où l’on semble toutefois un peu plus pressé de prendre le virage de l'”e-facturation”. “Je suis heureux d’apprendre que SBS Belgium invite les agences médias et les autres régies du pays à rejoindre la même plateforme car il est précisément dans nos objectifs de passer à la facturation électronique avant la fin de l’année, confie Denis Masquelier, directeur général d’IP. Nous avons une vraie politique verte qui tend à utiliser le moins de papier possible et nous sommes donc ouverts à tous les systèmes de standardisation qui vont dans ce sens, qui recherchent l’efficience et qui placent la concurrence ailleurs.” A bon entendeur…

Frédéric Brébant

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