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“Affaire Damso”: amateurisme, naïveté, hypocrisie ou irresponsabilité ?

Est-ce de l’amateurisme, de la naïveté, de l’hypocrisie ou de l’irresponsabilité ? Car il aura fallu plus de 100 jours – 100 jours ! – à de grosses entreprises pour se démarquer enfin dans ce dossier. Flash-back.

Le 17 novembre dernier, les Diables Rouges publient, sur leur compte YouTube officiel, une vidéo qui va rapidement faire le buzz sur les réseaux sociaux. Intitulée Qui va composer notre hymne pour la Coupe du Monde 2018 ? , elle met en scène Eden Hazard qui part à la rencontre du rappeur belge Damso pour mettre fin à cet insoutenable suspense.

Très vite, les pro- et les anti-Damso s’affrontent sur la toile, électrisés par Viviane Teitelbaum, présidente du Conseil des femmes francophones, qui adresse un ” carton rouge ” à l’Union belge de Football pour le choix de cet artiste au ” langage sexiste “. Au risque de paraître “chèvrechoutiste”, nous ne nous attarderons pas ici sur la question a priori essentielle de savoir si Damso était le candidat idéal pour composer le nouvel hymne des Diables. Les arguments avancés par les féministes, d’une part, et par les partisans d’un certain renouveau générationnel, d’autre part, méritent d’être entendus, débattus, défendus.

Au-delà de cette polémique, c’est surtout l’attitude des sponsors qui pose aujourd’hui question. Dans l’ordre alphabétique, AB InBev, Besix, BMW, Carrefour, Coca-Cola, Ergo, GLS, ING, la Loterie nationale, Luminus, Proximus et PwC – soit 12 entreprises qui déboursent chacune pas loin de 500.000 euros par an pour associer leur image à celle des Diables Rouges – n’ont pas été la hauteur pour gérer ce qui s’appelle une communication de crise. Il aura fallu attendre beaucoup trop longtemps pour que ces mêmes sponsors envoient en effet une lettre à l’Union belge et expriment enfin leurs ” sérieuses réserves quant au choix de cet artiste “.

Dans l’affaire Damso, les sponsors ont certes montré leur force économique, mais aussi leur faiblesse en termes de positionnement et de communication.

Même si la grosse majorité des marketers et autres dirigeants de ces sociétés ignoraient l’existence même de Damso au moment du choix des Diables Rouges et a fortiori la teneur de ses propos chantés – ce qui n’est en soi nullement condamnable -, le fait que le débat ait été posé sur la place publique dès la fin du mois de novembre aurait dû pousser ces marques à s’informer dans la foulée et donc à réagir beaucoup plus vite. En pleine affaire Weinstein, l’abcès d’une telle controverse devait être immédiatement percé, il y a presque quatre mois, et non pas la semaine dernière. Il y a là de l’amateurisme, mais aussi de la naïveté à croire que le soufflé médiatique allait retomber.

A l’approche de la Journée internationale des droits des femmes le 8 mars dernier, la polémique a en effet repris de plus belle et les sponsors, cette fois nommément épinglés par les associations féministes, sont sortis du bois et ont finalement fait pression sur l’Union belge de football pour qu’elle se sépare définitivement de l’encombrant Damso. Même Proximus qui sponsorise des festivals où chante le rappeur contesté. Même AB InBev dont le produit-phare, la Jupiler, traîne toujours derrière elle le slogan sexiste ” Les hommes savent pourquoi “. Deux poids deux mesures, diront certains. Hypocrisie, ajouteront les plus dégoûtés.

Mais dans toute cette affaire, c’est surtout l’irresponsabilité passagère des sponsors qui doit être épinglée. En associant leur image à l’équipe nationale de football qui se veut avant tout fédératrice, ces 12 entreprises auraient dû se montrer beaucoup plus impliquées, beaucoup plus responsables et beaucoup plus enclines à imposer rapidement le débat sur Damso au sein de l’Union belge.

En laissant passer plus de 100 jours, comme si de rien n’était, pour réagir au final de manière ferme il y a une semaine à peine, les sponsors ont certes montré leur force économique, mais aussi leur faiblesse en termes de positionnement et de communication. Dans ce match idéologique, c’est au final le ” perdant ” Damso qui s’est montré le plus convaincant. Avec son tweet ultime – ” Cette promo est exactement ce qu’il me fallait pour mon album qui sort le 15 juin ” -, le rappeur a parfaitement fait la leçon à tous ces stratèges du marketing qui ont beaucoup trop longtemps joué en amateurs.

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