Vous payez trop d’impôt!

Plusieurs médias faisaient savoir la semaine dernière que Test-Achats prévoyait une formule-type de réclamation contre le paiement d’impôt indu. D’après l’organisation de défense des consommateurs en effet, une erreur au niveau de l’indexation des barèmes contraindrait chaque contribuable à payer tous les ans quelques euros de trop – on parle de 3 à 25 euros par personne, en fonction de la composition du ménage et de l’importance des revenus.

Si à l’échelon individuel, le préjudice est naturellement minime, la somme excédentaire versée par les 6.917.575 contribuables à l’impôt des personnes physiques en Belgique est tout sauf négligeable. C’est aussi une question de principe : est-il acceptable que dans un Etat de droit, l’Administration fiscale encaisse plus d’impôt que ce que prévoit la loi ?

La manière dont l’indexation est exécutée est donc en cause. En vertu de la loi du 7 décembre 1988, les barèmes et la quasi- intégralité des montants cités dans le Code des impôts sur les revenus sont indexés chaque année, en fonction de l’indice des prix à la consommation. La formule utilisée à cet effet veut que tous les montants, exprimés en euros, soient multipliés par un coefficient qui correspond au résultat de la division de la moyenne des indices de l’exercice ayant précédé l’année de revenus, par la moyenne des indices de l’exercice 1988. Si la formule semble compliquée, elle n’en est pas moins claire ; c’est au niveau de l’indice de base, utilisé pour l’exercice 1988, que le problème se situe.

Selon le SPF Finances, l’indice de base s’établit à 70,90, contre 70,83 d’après les statistiques du SPF Economie. L’Administration fiscale s’appuyant sur un indice initial trop élevé, l’écart entre le nouvel indice et l’indice de base est légèrement inférieur à ce qu’il devrait être. D’où une indexation insuffisante, fût-ce dans d’infimes proportions, par rapport au résultat des calculs exécutés sur la base des chiffres du SPF Economie. Le calcul tel qu’il est effectué aujourd’hui est à l’avantage de l’Administration fiscale, puisque les barèmes évoluent un peu plus lentement que la normale et que les assujettis s’acquittent du modeste surcoût correspondant.

Le débat qui entoure le mode d’indexation n’est pas nouveau, tant s’en faut, mais l’Administration fiscale a toujours refusé de se conformer à ses conclusions. C’est au point qu’à chaque fois que le sujet revient sur le tapis, elle s’empresse d’étouffer dans l’oeuf, par voie de presse, toute tentative de protestation collective. Ainsi a-t-elle fait savoir dans un communiqué de presse pas plus tard que l’an passé que “l’indexation a toujours été correctement appliquée, qu’aucune rectification ne s’imposait et qu’introduire des réclamations, comme certains invitaient à le faire, n’avait strictement aucun sens”. Pareille intervention de l’Administration fiscale est naturellement inacceptable, d’autant que dans l’intervalle, la jurisprudence s’est clairement rangée du côté des contribuables.

Dès le 8 mars 2005, la cour d’appel d’Anvers condamnait l’Administration fiscale pour une erreur de calcul de l’indexation, à l’origine de l’enrôlement d’un montant excédentaire de 11,54 euros. Le 12 septembre de cette année, c’est le tribunal de première instance de Mons qui a donné raison au plaignant, pour un montant contesté de 2,73 euros. Selon cette jurisprudence, les règles d’indexation fiscale s’appuient sur la notion d'”indice des prix à la consommation”, sans la définir de façon distincte. Ce qui signifie, toujours d’après la jurisprudence, que les contribuables peuvent à juste titre se référer aux chiffres du SPF Economie, qui a la fixation des indices dans ses attributions. L’on ne peut qu’abonder dans le sens de ces jugements, ne serait-ce que parce qu’en cas d’ambiguïté, la législation fiscale doit toujours être interprétée en faveur du contribuable.

L’Administration serait donc bien avisée de rectifier spontanément l’erreur et d’honorer sa dette, sans quoi elle pourrait réellement faire l’objet d’actions collectives en remboursement. Elle doit également comprendre que le problème pourrait la mener plus loin encore sur le plan juridique : si elle n’obtempère pas, ses fonctionnaires eux-mêmes pourraient être la cible de plaintes au pénal pour “concussion”. Le Code pénal punit en effet d’un emprisonnement de six mois à cinq ans et d’une amende de 100 à 50.000 euros toute personne qui exerce une fonction publique et qui ordonne de percevoir un impôt “qu’elle savait n’être pas dû ou excéder ce qui était dû”. Une Administration avertie en vaut deux.

MICHEL MAUS

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