“Une nouvelle réforme de l’Etat doit créer de la clarté fiscale”

© Imagedesk / Jonas Lampens

Le professeur de la VUB Michel Maus n’est pas vraiment impressionné par les nouveaux plans de régularisation fiscale. Sur le terrain, il y avait déjà une possibilité de donner du répit aux contrevenants fiscaux. Mais surtout, l’accord caduc avec les Régions risque de miner les plans.

Michel Maus, professeur en fiscalité (VUB) et avocat (Bloom Law), est content du fait qu’il y aura probablement un accord entre les Régions et le gouvernement fédéral concernant un système permanent pour la régularisation fiscale des biens de l’économie parallèle. “Jusqu’à présent, les contrevenants fiscaux étaient livrés à l’arbitraire du fisc”, ressort-il. “En tant qu’avocat, nous devions négocier anonymement avec l’Inspection spéciale des impôts (ISI) pour obtenir un accord. Le règlement pénal n’était également pas 100% clair, bien que, dans la pratique, ce n’était pas si mal.”

En principe, chaque direction régionale pouvait décider quel ‘tarif’ elle facturait aux contrevenants fiscaux repentants. “Il a fallu tâtonner un tant soit peu après l’expiration de la dernière régularisation fiscale du précédent gouvernement le 31 décembre 2013”, ressort-il. “Une instruction interne du service public fédéral Finances a essayé, en 2015, d’imposer un tarif unique en fonction de la nature et de la gravité de la fraude fiscale.”

Le ministre des Finances Johan van Overtveldt (N-VA) a alors mis la situation on hold parce que l’on craignait une annulation par le Conseil d’Etat. L’ISI a toujours continué à négocier au sujet des nouveaux dossiers. “Sur le terrain, l’ancien tarif était appliqué”, explique Maus. “Il arrivait parfois aussi que l’ISI soit plus clémente et plonge en-dessous de ce tarif, parce que l’infraction fiscale n’était que très légère. Comme un service de l’ISI était plus strict que l’autre, on faisait son shopping de l’un vers l’autre. Le nouveau règlement légal, que le gouvernement va instaurer, n’était donc pas vraiment nécessaire, du fait que nous trouvions presque toujours une solution.”

En 2016, le gouvernement a approuvé un projet de loi concernant une procédure permanente pour la régularisation fiscale et sociale. En conséquence, la Région bruxelloise menace maintenant d’engager une procédure devant la Cour constitutionnelle parce qu’elle trouve qu’un accord de collaboration avec les Régions était nécessaire. Celles-ci sont notamment compétentes pour les droits de succession.

‘Bullshit’

La semaine dernière, la commission Finances a approuvé un amendement socialiste, qui autorise la régularisation fiscale. Trois catégories ont été déterminées. Pour les impôts fédéraux, la régularisation fiscale s’applique de manière illimitée dans le temps. Pour les impôts régionaux et ceux pour lesquels les deux niveaux de pouvoir sont partiellement compétents, les Régions peuvent déterminer quelle sera la durée de la période de régularisation.

Maus qualifie ce compromis de “bullshit politique et juridique”. “Comme la plupart des cas de fraude fiscale viennent à la surface après un héritage, pas mal de dossiers de régularisation contiennent des aspects fédéraux et régionaux. Les Régions peuvent donc, à tout moment, retirer la prise de contact de la régularisation et ainsi faire capoter l’ensemble de la construction. Avant les prochaines élections, nous nous retrouverons peut-être à nouveau dans la zone d’ombre fiscale.”

Maus souligne que la situation fiscale ne s’est pas améliorée suite aux nombreuses réformes de l’Etat. “Ainsi, la diminution de la taxe Turtelboom annoncée récemment repose sur une base juridiquement douteuse du fait que la taxe sur l’énergie est en fin de compte une matière fédérale”, témoigne-t-il.

“Lors de l’établissement d’une taxe de circulation, il y aurait une exception pour les voitures de leasing. Cela me paraît constitutionnellement douteux. Un exemple précédent révèle aussi les anomalies fiscales. Le gouvernement flamand a par exemple pu ramener la redevance audiovisuelle à zéro, mais n’a pas pu supprimer la taxe. Une septième réforme de l’Etat est nécessaire pour apporter plus de clarté fiscale. Cela pourrait se faire en inversant la régionalisation fiscale, mais cela me paraît politiquement difficile à vendre. C’est pourquoi un bond en avant sera peut-être mieux faisable, en donnant aux Régions une compétence fiscale plus poussée. L’ensemble du système financier doit en tous les cas être réformé en profondeur sur le plan constitutionnel.”

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