Un taux de chômage bas aussi “dévastateur” qu’un taux trop élevé ?

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Avec ses 2,5% de taux de chômage, Prague a bien mérité son titre de “capitale européenne du travail”. Seulement, certains arguent que cette situation pourrait être néfaste pour l’économie du pays. Explications.

Dans la région de Prague, le taux de chômage n’est qu’à 2,5%. Un chiffre qui a de quoi faire pâlir ses voisins européens, qui enregistrent en moyenne des taux de 10,1% selon Eurostat. Pourtant, du côté de la République Tchèque, ce chiffre inquiète plus qu’autre chose. Dans le Lidovky, un journal local, on lit ainsi qu’il pourrait être tout aussi “dévastateur” qu’un taux de chômage trop élevé.

Des entreprises affaiblies ?

L’argumentation s’axe principalement autour du manque de main-d’oeuvre, accentué par une baisse démographique, que les 2,5% feraient craindre. Pour maintenir une croissance de 2,5%, le Lidovky explique que “le nombre d’actifs devrait augmenter de 1%”. “Où les trouvera-t-on ?” s’interroge l’auteur. Ce dernier déplore aussi la centralisation des richesses du pays dans la seule région de Prague, qui selon lui, transparaîtrait largement à travers ces chiffres.

Mais alors, doit-on réellement craindre les taux de chômage faibles ? Benoît Mahy, professeur ordinaire à l’Université de Mons, et chef du service d’Analyse Economique du Travail, nous explique qu’ils ne sont pas nécessairement un fardeau, du moins, pas pour tout le monde. “Dans la formation des salaires, dit-il, le taux de chômage est une variable importante“. Un phénomène accentué par le rapport “relativement correct” entre la productivité par heure et le coût du travail dans le pays. Grâce à cela, les travailleurs bénéficient d’un important pouvoir de négociation : “quand on a comme ici un taux de chômage faible, cela peut être propice à une augmentation des salaires” et donc, à “un meilleur niveau de bien-être d’un point de vue individuel“. Là où cela se corse, c’est pour les entreprises, qui doivent faire face à un coût du travail en hausse. Celui-ci peut se répercuter sur le prix de leurs produits, ou, éventuellement, entraîner une baisse de leur compétitivité-coût. Leur position s’affaiblit alors.

Relancer la demande intérieure

Mais d’après Benoît Mahy, ce phénomène ne serait pas automatique. “Si on observe la même tendance dans d’autres pays, {les augmentations de salaires} peuvent même constituer un avantage, car cela permet de relancer la demande intérieure, et donc, la production“. “L’entreprise tchèque ne perd alors pas en compétitivité“, explique le professeur. Or la Pologne, la Hongrie, la Roumanie et l’Autriche, pays proches de la République Tchèque, enregistrent des taux de chômage inférieurs à la moyenne européenne. L’Autriche par exemple affiche 5,6% au niveau national. Sur l’idée défendue par le Lidovky qu’il faille obligatoirement créer un afflux de main d’oeuvre pour contrer la faiblesse du taux de chômage, Benoît Mahy est partagé. “Quelque part, cela peut s’avérer bénéfique pour l’emploi, mais ça le sera moins pour les travailleurs du pays“, explique-t-il.

Quant à la centralisation des richesses autour de la région de Prague que le journal dénonce, elle ne serait pas non plus automatiquement négative. Un chômage faible dans une partie du pays pourrait seulement témoigner de l’abondance l’importance de l’activité économique dans cette partie du pays. “A ce stade, nous dit Benoît Mahy, cela ne semble pas se faire aux dépends des autres régions“. En effet, le pays connaît des taux de chômage relativement bas, avec une moyenne nationale de 6,1% en 2014, soit 0,9 points de pourcentage de moins que l’année précédente. La concentration, dans ce contexte, ne serait “peut-être pas une mauvaise chose“.

Perrine Signoret

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