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TTIP: la sécurité juridique et économique des investissements doit être garantie

Depuis plusieurs années, l’Union européenne et les Etats-Unis négocient laborieusement un traité de libre-échange transatlantique (TAFTA ou TTIP), soit un accord commercial prévoyant la création d’une énorme zone de libre-échange.

Ces négociations font l’objet de très vives critiques, provenant à la fois d’une bonne partie de la gauche et aussi de l’extrême droite, réunies par ce qui leur est souvent commun : la défense des pouvoirs des Etats.

Certaines des critiques ne sont certes pas dénuées de fondement, notamment lorsqu’elles portent sur le culte du secret qui entoure les négociations sur un traité qui peut avoir beaucoup d’importance pour les citoyens et que les parlements ne pourront qu’accepter ou refuser en bloc, sans possibilité d’amendements. Ce que l’on sait du traité en gestation ne résulte que de fuites ou de déclarations a minima.

L’objectif poursuivi est notamment de supprimer, complètement ou presque, les droits de douane subsistant entre les Etats-Unis et l’Europe. Cela paraît une excellente initiative, tant ce type d’impôt, particulièrement archaïque, est nuisible pour les consommateurs, privés artificiellement de produits moins chers. Ces droits sont aussi particulièrement discriminatoires puisqu’ils frappent des produits exclusivement en raison de leur provenance étrangère, créant ainsi une distinction injustifiée pour les travailleurs et les entreprises.

Il est étonnant de voir que ceux qui, à juste titre, s’opposent aux discriminations à l’embauche entre nationaux et étrangers dans le pays, acceptent la même discrimination lorsque les étrangers qui ont travaillé en vue de la fabrication d’un produit l’ont fait dans leur propre pays.

C’est l’ensemble de la sécurité juridique et économique des investissements qui devrait pouvoir être garanti.

Le projet de traité veut aussi supprimer une bonne partie des restrictions non tarifaires, c’est-à-dire des réglementations, autres que celles créant des droits de douane, qui empêchent ou rendent très difficiles l’importation de produits étrangers. On voit ainsi des organisations se battre pour empêcher que des produits répondant à d’autres normes que celles du marché européen arrivent sur celui-ci, voire que des aliments contenant des OGM y soient distribués. A nouveau, une telle attitude est contraire à l’intérêt des consommateurs. Ceux-ci sont des adultes présumés capables de faire leurs choix librement et doivent pouvoir disposer d’un choix aussi large que possible, pour autant qu’ils soient convenablement informés.

C’est donc non seulement la liberté des entreprises mais aussi celle des consommateurs qui serait mieux protégée si de telles barrières à l’importation étaient supprimées.

Le combat entre les partisans et les adversaires du futur traité est dès lors pour une large part d’ordre idéologique, mais cela est loin de le rendre inutile. Les opposants au traité défendent un pouvoir maximum, voire illimité, de régulation des marchés par les Etats, comme si l’intérêt des consommateurs dépendait davantage d’une tutelle réglementaire que de leurs propres choix dans un régime de pleine concurrence.

C’est aussi une conception souverainiste qui les amène à contester les clauses du traité qui portent sur la solution des litiges par voie d’arbitrage international, plutôt que par les juridictions nationales. Ces clauses visent à permettre, en cas de litige entre une entreprise d’un Etat et un autre Etat, une solution pleinement indépendante et une application uniforme du traité, sans risque de “chauvinisme juridictionnel”, qui n’est peut-être pas impossible dans certains Etats, même en Europe. Assurer l’indépendance de celui qui tranche un litige paraît pourtant être une démarche bien légitime.

Les défauts du traité ne sont sans doute pas dans ce qu’il prévoit, mais dans ce qu’il ne contient pas. Pour assurer pleinement la sécurité des investisseurs qui s’établissent à l’étranger, il faudrait aussi prévoir, ou à tout le moins permettre, des accords allant bien plus loin que la suppression des barrières à l’importation. C’est l’ensemble de la sécurité juridique et économique des investissements qui devrait pouvoir être garanti, par exemple avec l’engagement des Etats à ne pas dépasser certains niveaux de taxation pour les entreprises et leurs travailleurs, ou encore avec des garanties contre les nationalisations et expropriations abusives. Enfin et surtout, le traité semble s’intéresser davantage à la garantie des droits des multinationales qu’à celle des citoyens. C’est sans doute le propre d’un traité de commerce, mais garantir les droits économiques, cela devrait être au moins une oeuvre destinée à protéger au moins autant les petites entreprises que les grandes.

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