Guerre commerciale: Pékin et Washington échangent les premières salves

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La Chine a tiré vendredi ses premières salves contre les Etats-Unis, menaçant de droits de douane plus d’une centaine de produits américains, quelques heures après l’ouverture des hostilités commerciales par Donald Trump face à la deuxième économie mondiale.

Le spectre de la guerre commerciale entre les deux géants du Pacifique a fait trébucher les places boursières mondiales, Wall Street terminant en chute de près de 3% jeudi, alors que Hong Kong, Shanghai et Tokyo cédaient plus de 3% vendredi à l’ouverture.

“La Chine n’a en aucun cas peur d’une guerre commerciale”, a averti le ministère chinois du Commerce. “Si une guerre commerciale devait être lancée par les Etats-Unis, la Chine se battrait jusqu’au bout pour défendre ses propres et légitimes intérêts par tous les moyens nécessaires”, avait menacé dès jeudi soir l’ambassade de Chine à Washington.

Le président américain a déclenché jeudi son offensive commerciale maintes fois annoncée contre la Chine, qui s’apparente toutefois davantage à un avertissement qu’à des mesures immédiates pour répondre aux “pratiques déloyales” du géant asiatique.

Donald Trump a ainsi signé “un memorandum ciblant l’agression économique de la Chine” et évoqué des mesures punitives contre des importations chinoises d’un montant pouvant atteindre “60 milliards de dollars” pour mettre un terme à ce qu’il affirme être le vol de propriété intellectuelle américaine par les Chinois. Plus tôt, ses conseillers économiques avaient parlé de “quelque 50 milliards”.

L’administration américaine a désormais 15 jours pour publier une liste de produits qui seront frappés de sanctions.

Porc et vin dans le viseur

L’administration américaine n’a pas été d’une clarté absolue sur la nature exacte des montants évoqués: s’agit-il de la valeur des importations qui seront taxées ou bien du montant des taxes récoltées sur ces importations?

Sans attendre, la Chine a en tout cas dévoilé une liste de 128 produits, ou lignes tarifaires, sur lesquelles elle appliquera des droits de douane de 15% ou 25% en cas d’échec de négociations avec Washington.

Ces mesures de rétorsion semblent toutefois modérées: les produits visés correspondaient à 3 milliards de dollars d’importations en Chine l’an dernier, soit à peine 2% du total des exportations américaines vers ce pays l’an dernier (154 milliards, selon les douanes chinoises).

Parmi les produits qui seraient taxés à 15%: fruits frais, vin, éthanol, ou ginseng, mais aussi tubes d’acier sans soudure. La viande de porc et l’aluminium recyclé seraient eux frappés à hauteur de 25%.

La liste ne comprend cependant pas le soja, que les Américains ont exporté en Chine à hauteur de 14 milliards de dollars l’an dernier. Si ce produit devait être visé, les conséquences pourraient être graves pour les agriculteurs américains, particulièrement dans les Etats ayant soutenu Donald Trump lors de l’élection présidentielle de 2016.

Par ailleurs, ces mesures sont officiellement annoncées… en réponse aux droits de douane déjà dévoilés par Washington sur les importations américaines d’aluminium et d’acier, et qui doivent entrer en vigueur ce vendredi.

Apaisement avec l’UE

Dans ce dossier, l’administration Trump a joué la carte de l’apaisement avec plusieurs de ses principaux alliés, dont l’Union européenne, l’Australie et la Corée du sud, en annonçant jeudi soir la suspension jusqu’au 1er mai 2018 de ces taxes sur les importations d’acier et d’aluminium promulguées le 8 mars.

La Chine, quoique premier producteur mondial, ne fournit que 2% de l’acier importé aux Etats-Unis, et moins de 10% de l’aluminium.

Le ministre américain du Commerce, Wilbur Ross, a expliqué que les nouvelles sanctions annoncées contre Pékin étaient avant tout un “prélude à une série de négociations”.

Le représentant américain pour le Commerce, Robert Lighthizer, a souligné que ces mesures visaient en particulier à préserver le secteur des hautes technologies, jugé “la partie la plus essentielle” de l’économie américaine.

Washington s’inquiète en particulier du système de coentreprises imposé par Pékin aux entreprises américaines: en contrepartie d’un accès au marché chinois, ces firmes sont obligées de partager avec des partenaires locaux une partie de leur savoir-faire technologique.

Les Etats-Unis et la Chine sont aujourd’hui des partenaires commerciaux étroitement liés. Mais Washington déplore un déficit commercial colossal avec Pékin (375,2 milliards de dollars en 2017 selon les douanes chinoises).

Donald Trump a répété jeudi avoir demandé aux plus hauts représentants chinois “de réduire, immédiatement, ce déficit de 100 milliards de dollars”. “Le mot-clé est réciproque”, a-t-il insisté tout en précisant que la Chine était un pays “ami”.

Dans ce dossier, les Etats-Unis cherchent à obtenir l’appui de leurs autres partenaires commerciaux. “C’est un problème qui concerne le monde entier, tous ceux qui commercent avec la Chine le rencontrent”, a estimé Peter Navarro, le conseiller en matière commerciale de Donald Trump.

Les deux pays se sont dits prêts à déclencher des procédures devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) afin de régler leurs différends.

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