Transport: les syndicats dénoncent les propositions “dangereuses” de la Commission

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Les syndicats européens du transport routier rejettent totalement les propositions de la Commission européenne détaillées dans son paquet mobilité. La CSC Transcom, la FGTB UBT et la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) ont tiré la sonnette d’alarme vendredi, estimant que les projets de la Commission mettent en danger les chauffeurs mais aussi tous les citoyens européens.

Réunis le 14 mai dernier à Bruxelles, l’ensemble des syndicats européens du transport routier a décidé à l’unanimité d’appeler tous les parlementaires européens et les États membres de l’UE à rejeter les propositions de la Commission, ont expliqué les syndicats vendredi.

Les directives sur le détachement des travailleurs et celles sur les temps de conduite et de repos des chauffeurs routiers inquiètent particulièrement, a expliqué Cristina Tilling, secrétaire politique de l’ETF pour le transport routier. “On va toucher aux revenus des conducteurs et à l’équilibre entre leurs vies privées et professionnelles.”

Les syndicats s’alarment d’une demande croissante de flexibilité dans un secteur déjà mis sous pression. Augmentation des temps de conduite, diminution du temps de repos, temps de repos hebdomadaire dans le camion, etc. “Tout cela va mettre en danger la sécurité des conducteurs et la sécurité routière”, se sont exclamées la CSC Transcom, la FGTB UBT et l’ETF.

Selon des chiffres fournis par Cristina Tilling, en 2015, 14% des accidents mortels de la route en Europe ont été causés par des collisions avec de grands véhicules commerciaux. Les gros véhicules sont aussi responsables de 42% des décès de piétons et plus de 600 personnes – passagers et chauffeurs – ont perdu la vie dans des accidents impliquant des bus, des autocars et des camions. En Belgique, la secrétaire politique de l’EFT cite des chiffres du SPF Mobilité et Transport selon lesquels en 2016, se sont produits chaque jour en moyenne six accidents impliquant un camion. “N’est-ce pas suffisant? Avons-nous réellement besoin d’heures de conduite plus longues et d’un repos réduit? “, s’interroge Mme Tilling.

Ainsi, alors que les chauffeurs bénéficient d’au moins une période de 45 heures de repos ininterrompu toutes les deux semaines, la nouvelle période de référence passerait de deux à quatre semaines, selon les syndicats. Le chauffeur aura droit à deux périodes de repos hebdomadaires normales de 45 heures et à deux périodes réduites de 24 heures mais l’employeur pourra les répartir comme il le souhaite. Les syndicats ont calculé qu’en conséquence, le temps de conduite mensuel risque d’augmenter de 22 heures.

Par ailleurs, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé dans un jugement rendu en décembre dernier que le temps de repos hebdomadaire ne pouvait être pris dans le véhicule. Les propositions de la Commission vont, “au lieu d’interdire cette pratique, la légaliser”, se scandalise Roberto Parillo, responsable général de la CSC Transcom. Le nombre de nuits qu’un chauffeur pourra passer dans son camion augmenterait et les frais de voyage ou de logement pour passer son temps de repos hebdomadaire hors du véhicule ne seront pas remboursés, selon les syndicats.

Les propositions vont également “légaliser la fraude sociale et faire du tort aux entreprises qui respectent les règles”, dénonce celui qui est aussi président de la section routière de l’ETF. Il vise en particulier la disposition qui permettra de ne pas appliquer les règles du pays dans lequel le chauffeur se trouve pendant les trois premiers jours de son séjour dans cet État membre. Or, les chauffeurs issus des pays de l’est “sont payés entre 350 et 520 euros bruts par mois”, souligne le syndicaliste. Actuellement, les conditions minimales du pays s’appliquent à tout travailleur détaché temporairement, telles que le salaire minimum.

Le responsable du syndicat chrétien regrette que l’on se distancie du discours tenu par le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, en 2014, qui affirmait vouloir s’attaquer au dumping social afin que dans un même endroit, “à travail égal, salaire égal”.

Les syndicats ont le sentiment que la Commission se presse pour que le paquet mobilité soit adopté avant les élections européennes, prévues en mai 2019. “C’est un gros dossier qui aura un impact pendant 15 à 20 ans. On ne doit pas jouer avec ça, il faut prendre le temps. Si on se hâte, les conséquences risquent d’être terribles”, prévient M. Parillo.

Les syndicats européens se rassembleront le 29 mai à Strasbourg, devant le Parlement européen, afin d’inciter les eurodéputés à rejeter le paquet mobilité. Un vote interviendra le 4 juin au sein de la commission transport du parlement.

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